Depuis 2008, des enquêtes sont réalisées auprès des employeurs afin de connaître leur point de vue sur l’assurance-invalidité (AI) et ses instruments. Les données issues de la dernière enquête, menée en 2021, montrent que l’AI est globalement perçue de manière positive, mais que ses instruments et ses prestations sont peu ou pas connus des employeurs.
En un coup d’œil
- L’AI réalise régulièrement des enquêtes auprès des entreprises. La dernière date de 2021.
- Il s’agissait, entre autres, de savoir comment l’AI et ses instruments étaient perçus par les entreprises.
- Si l’AI est perçue positivement, ses tâches, ses prestations et ses instruments sont par contre peu connus.
Peu d’entreprises ont continué à employer des collaborateurs lorsque ceux-ci ne pouvaient plus, à la suite d’une maladie ou d’un accident, travailler au même taux d’occupation ou dans le même domaine. En 2008, 2010, 2012 et 2014, l’Institut DemoSCOPE avait déjà réalisé des enquêtes auprès des employeurs sur mandat de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). À partir de 2012, l’enquête a également porté sur la manière dont les employeurs en Suisse perçoivent l’AI et ses instruments. Les précédentes enquêtes avaient été conçues et menées à l’aide de la méthode CATI (Computer-assisted telephone interviewing), c’est-à-dire uniquement sous forme d’entretiens téléphoniques. Pendant l’été 2021, DemoSCOPE a réalisé une nouvelle enquête sur mandat de l’OFAS ; la prochaine est prévue pour 2025. Les principaux objectifs de ces enquêtes sont les suivants :
- suivre l’évolution du point de vue des entreprises sur l’AI ainsi que des contacts entre les employeurs et les offices AI avant et après l’entrée en vigueur du Développement continu de l’AI le 1erjanvier 2022 ;
- analyser de manière approfondie les contacts entre les employeurs et les offices AI grâce aux nouvelles questions contenues dans le questionnaire ;
- analyser l’évolution des points de vue sur une plus longue période au moyen d’une comparaison des réponses à quelques questions clés, qui n’ont pas été modifiées ou qui ont été formulées de manière comparable depuis les premières enquêtes.
En ce qui concerne la méthode, il a été décidé que, à partir de 2021, les enquêtes ne seraient plus réalisées exclusivement sous forme d’entretiens téléphoniques, mais selon une approche moderne combinant les méthodes CAWI (Computer Aided Web Interviewing – questionnaire en ligne) et CATI. Ce changement de méthode permet néanmoins de faire des comparaisons avec les enquêtes précédentes.
Les entreprises invitées par courrier sur la base d’un échantillon stratifié issu du Registre des entreprises et des établissements (REE) de l’Office fédéral de la statistique (OFS) ont pu choisir elles-mêmes si elles préféraient répondre au questionnaire en ligne, de manière autonome, ou si elles préféraient y répondre par téléphone, en étant guidées. Au cours de la période de réalisation de l’enquête (du 29 juin au 15 août 2021), 2300 employeurs y ont répondu, ce qui correspond à un taux de réponse relativement élevé de 45,4 %. L’échantillon net obtenu est représentatif des différentes tailles d’entreprises, branches et régions de la structure économique suisse. Les principaux enseignements de cette enquête représentative sont présentés ci-après.
Perception positive de l’AI, mais méconnaissance de ses tâches, prestations et instruments
Le point de vue des employeurs sur l’AI est resté sensiblement le même au fil des années (enquêtes 2012-2021) (cf. graphique G1 : « Point de vue sur l’AI »). La plupart d’entre eux utilisent des qualificatifs positifs pour décrire l’AI. 35 % des entreprises interrogées considèrent l’assurance-invalidité en premier lieu comme un partenaire / un soutien, tandis que 33 % voient en elle « un interlocuteur compétent pour les questions concernant les collaborateurs atteints dans leur santé ». Il y a toutefois des points de vue plus critiques. Une entreprise sur cinq (20 %) estime que l’AI est « une institution compliquée » et un peu moins d’une sur cinq « une institution mal connue / inconnue » (18 %). 6 % des entreprises l’envisagent en premier lieu comme « un bailleur de fonds ». À noter également que le point de vue des employeurs sur l’AI s’avère à ce jour relativement uniforme tous secteurs, régions et catégories de taille d’entreprise confondus. Toutefois, plus une entreprise est grande, plus l’AI tend à être considérée comme un partenaire / un soutien. 57 % des très grandes entreprises employant plus de 250 collaborateurs l’envisagent comme un partenaire / un soutien, cette part n’étant que de 31 % pour les microentreprises qui comptent de 4 à 9 salariés.
Malgré ce point de vue majoritairement positif, les tâches et les prestations de l’AI sont peu connues des entreprises. Seules 5 % indiquent se sentir très bien informées sur les prestations et les tâches de l’AI. 33 % s’estiment tout de même plutôt bien informées. Dans le même temps, 39 % se sentent toutefois plutôt peu informées et 10 % pas bien informées. Ces valeurs se situent à un niveau similaire à celui des enquêtes menées en 2014 et en 2012. À noter également que plus une entreprise est petite, plus elle se sent mal informée sur les prestations et les tâches de l’AI.
Un aspect qui explique, au moins en partie, le déficit d’information constaté pour ce qui est des tâches et des prestations de l’AI est à relier au fait que, pour la question relative à l’accessibilité et à la qualité des informations des offices AI (site Internet, brochures, etc.), une petite majorité des entreprises interrogées ne pouvait pas y répondre, car elles n’avaient encore jamais consulté des informations de l’AI ou n’avaient pas encore eu besoin de le faire (cf. graphique G2 : « Point de vue sur les informations fournies par les offices AI »). Il peut néanmoins être constaté que ceux qui ont déjà cherché des informations ou du matériel d’information sur l’AI et qui les ont utilisés, les ont pour la plupart trouvés bien accessibles, bien compréhensibles et instructifs.
Comment les contacts avec les offices AI ont-ils été évalués ?
Outre la perception générale et les connaissances sur l’AI, l’enquête a porté notamment sur le contact avec l’AI et les expériences faites par les entreprises dans ce cadre. 38 % des employeurs ont indiqué avoir été en contact au moins une fois avec l’office AI compétent pour traiter leur demande. Il en ressort un constat peu surprenant, à savoir que plus une entreprise est grande, plus il est probable qu’elle ait déjà eu un contact avec l’AI. Ainsi, si parmi les petites entreprises comptant de 4 à 9 collaborateurs, seules 30 % ont déjà eu des contacts avec un office AI, cette part s’élève à 89 % pour les grandes entreprises avec 250 collaborateurs ou plus. Il en ressort en outre que la plupart de ces contacts (78 %) avaient un lien direct avec un cas concret d’absences pour cause de maladie ou d’accident.
Il a en outre été demandé aux employeurs ayant déclaré avoir déjà été une fois en contact avec un office AI (en relation ou non avec un cas concret) d’évaluer les collaborateurs de l’office AI avec lesquels ils ont échangé. Dans l’ensemble, les collaborateurs des offices AI se voient décerner de bonnes évaluations. 70 % des sondés étaient d’accord avec la proposition « accueil aimable », c’est-à-dire qu’ils l’ont évaluée par « tout à fait vrai » ou « plutôt vrai ». Les affirmations « écoutent, prennent les gens au sérieux », « s’expriment en termes compréhensibles », « engagés, se donnent du mal », « facilement joignables » et « tiennent les gens informés » ont respectivement reçu l’approbation de 66 %, 65 %, 56 %, 60 % et 53 % des entreprises interrogées. Ces évaluations sont même un peu plus positives que ce qui apparaît au premier abord. En effet, 20 % des personnes interrogées n’ont pas pu ou pas voulu évaluer tous les items.
En ce qui concerne l’évaluation des prestations des offices AI, l’enquête montre aussi que les entreprises qui ont été accompagnées et conseillées activement par un office AI au cours des trois dernières années dans le cadre d’un processus de réadaptation sont dans leur grande majorité (86 %) très satisfaites (36 %) ou plutôt satisfaites (50 %) des prestations de conseils/suivi qui leur ont été fournies. Seules 13 % ont indiqué ne pas être ou ne pas être pleinement satisfaites par les prestations de conseils/suivi. De même, à la question de savoir si les solutions proposées par les offices AI dans le cadre de ce processus de réadaptation (par ex. profil de la personne placée, adaptation du poste de travail) répondaient aux exigences du poste à pourvoir dans l’entreprise, une majorité des employeurs (78 %) les ont considérées comme très bonnes (25 %) ou au moins plutôt bonnes (53 %).
Expériences, compétence, attitude et comportement des employeurs
Outre ces questions et ces points qui concernent directement l’AI et les offices AI, des questions plus générales sur les expériences, la compétence, l’attitude et le comportement des employeurs à l’égard de la réadaptation professionnelle des personnes atteintes dans leur santé ont également été posées dans le cadre de l’enquête.
Il en ressort que, au cours des trois dernières années, seule une minorité des entreprises (22%) ont continué à employer un ou plusieurs collaborateurs lorsque ces derniers ne pouvaient plus, à la suite d’un accident ou d’une maladie, travailler au même taux d’occupation ou dans le même domaine qu’auparavant. La part des entreprises qui ont indiqué avoir engagé au cours des trois dernières années une personne atteinte dans sa santé ou touchant une rente est encore plus petite (8 %). Ces valeurs sont restées relativement stables ou ont légèrement diminué depuis les enquêtes de 2012 et de 2014.
Parmi les employeurs qui avaient maintenu en emploi ou engagé des personnes atteintes dans leur santé au cours des trois dernières années, seuls 26 % ont toujours ou parfois sollicité un soutien externe (c’est-à-dire externe à l’entreprise) pour ces processus. Lorsque du soutien a été sollicité, cela s’est fait principalement par l’office AI compétent (dans 54 % des cas) ou par l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie (40 %).
Bien que seule une minorité des entreprises ait continué à occuper ou ait embauché des personnes avec des atteintes à la santé, ce sont respectivement 71 % et 54 % des entreprises qui ont indiqué pouvoir envisager de continuer à employer des personnes atteintes dans leur santé ou à embaucher des personnes présentant ce type d’atteintes. À l’affirmation « En cas de maladie ou d’accident d’un collaborateur, les employeurs doivent participer activement, dans les limites du raisonnable, à la recherche d’une solution appropriée en vue du maintien en emploi », les personnes interrogées ont répondu que cela était (plutôt) vrai. Les raisons avancées par les entreprises de maintenir à leur poste des collaborateurs atteints dans leur santé sont avant tout le maintien des compétences spécialisées au sein de l’entreprise, mais aussi la responsabilité sociale et la relation personnelle avec la personne concernée (cf. graphique G3 : « Évaluation des motifs du maintien en emploi de collaborateurs atteints dans leur santé »).
Détecter le plus tôt possible un éventuel arrêt de travail pour raisons psychiques est l’un des aspects permettant d’éviter qu’une réadaptation professionnelle ne devienne nécessaire ou permettant de mettre en place suffisamment tôt des mesures de réadaptation adéquates. 61 % des employeurs ont déclaré s’estimer très bien (12 %) ou plutôt bien (49 %) en mesure de détecter des signes précurseurs, contre 26 % se jugeant plutôt assez mal (23 %) voire pas du tout (3 %) en mesure de les repérer. Les entreprises qui se jugent plutôt assez mal, voire pas du tout en mesure de repérer ces signes précurseurs, voient surtout la formation, les conseils personnels, les brochures et les sites Internet (à chaque fois 30 – 26 % citation/accord) comme des offres de soutien qui leur seraient potentiellement utiles pour mieux détecter de tels signes à l’avenir.
Il sera intéressant de voir si l’entrée en vigueur du Développement continu de l’AI aura des effets sur les questions examinées dans le cadre de ces enquêtes, et si oui lesquels, et comment ceux-ci apparaîtront dans l’enquête menée auprès des employeurs en 2025.