En collaboration avec les cantons, les communes et les organisations de la société civile, la Confédération met actuellement sur pied un monitoring national de la pauvreté. Il a pour objectif de décrire la situation d’indigence au sein de la population et de présenter les connaissances actuelles sur l’efficacité des stratégies de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le premier rapport sera publié en 2025.
L'essentiel en bref
- D’ici 2025, la Confédération met sur pied un monitoring national de la pauvreté en collaboration avec les cantons, les communes et les organisations de la société civile.
- Le monitoring de la pauvreté rassemblera en continu les connaissances sur le sujet et liera entre elles les informations disponibles.
- Tous les cinq ans, le monitoring présentera un rapport à l’Assemblée fédérale ; le premier est prévu pour 2025.
- Le monitoring de la pauvreté observera et décrira la situation d’indigence au sein de la population et analysera l’efficacité des stratégies de lutte contre la pauvreté. Ses analyses longitudinales lui permettront de mettre en évidence le degré d’enracinement de la pauvreté en Suisse.
Les cantons, les communes et les villes sont en tête de file parmi les acteurs de la prévention et de la lutte contre la pauvreté en Suisse. La Confédération les soutient dans cette entreprise depuis plusieurs années, dans le cadre de la Plateforme nationale contre la pauvreté. Désormais, elle s’est également vu attribuer la tâche de créer un monitoring national de la pauvreté : tous les cinq ans, un rapport sera présenté à l’Assemblée fédérale, mettant à la disposition de la Confédération, des cantons et des communes les connaissances relatives au pilotage de la lutte contre la pauvreté. C’est ce que demande une motion de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture, que le Parlement a transmise en juin 2020 (numéro d’objet 19.3953). Le premier rapport est prévu pour fin 2025.
Le monitoring national de la pauvreté ne part pas de zéro. L’Office fédéral de la statistique (OFS) publie d’ores et déjà des chiffres sur la pauvreté en Suisse. Conformément aux données les plus récentes, environ 722 000 personnes étaient en situation de pauvreté en 2020, ce qui correspond à 8,5 % de la population résidente permanente (taux de pauvreté). C’est ce que révèle l’enquête représentative sur les revenus et les conditions de vie (SILC), effectuée chaque année auprès de 8000 ménages environ.
Pour le monitoring national de la pauvreté, de tels indicateurs joueront également un rôle important. Le mandat confié par le Parlement va toutefois plus loin. Premièrement, le monitoring de la pauvreté ne doit pas se contenter d’observer la situation de la population et de décrire systématiquement l’indigence en Suisse ; il doit aussi analyser les stratégies de lutte contre la pauvreté et les connaissances acquises sur leur efficacité. Deuxièmement, le monitoring est tenu de procéder à des comparaisons entre les cantons. Et troisièmement, des analyses longitudinales sont exigées afin de mettre en évidence le degré de renforcement de la pauvreté en Suisse : le monitoring vise à fournir des éclaircissements sur le temps passé en situation d’indigence et la fréquence avec laquelle la pauvreté est transmise à la génération suivante.
Compréhension multidimensionnelle de la pauvreté
L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) est responsable de la mise en place du monitoring national de la pauvreté. L’an dernier, il a élaboré le projet général du monitoring. Ce dernier est basé sur une compréhension multidimensionnelle de la pauvreté. Pour les indicateurs statistiques tels que le taux de pauvreté, la perspective financière restera déterminante : une personne est considérée comme pauvre ou menacée par la pauvreté lorsqu’elle vit dans un foyer dont les moyens financiers sont inférieurs à un certain seuil.
Le monitoring de la pauvreté associe cette conception à une approche centrée sur les situations de vie qui analyse les interactions entre la pauvreté monétaire et d’autres aspects de la vie. Deux raisons font que cette approche multidimensionnelle est fondamentale pour le monitoring : premièrement, les chemins qui mènent à la pauvreté et ceux qui permettent de s’en extraire dépendent fortement de la mesure dans laquelle les personnes disposent d’autres ressources non financières – p. ex. de leur niveau de formation, de leur état de santé, ou du soutien que peut leur fournir leur environnement social ; deuxièmement, la politique de lutte contre la pauvreté met de plus en plus l’accent sur les approches préventives afin d’empêcher en amont que les personnes ne se retrouvent dans des situations de détresse financière et afin de leur donner les moyens de vivre une vie aussi autonome que possible. L’analyse de ces approches dans le monitoring suppose une compréhension des causes et des conséquences de la pauvreté allant au-delà d’une perspective purement financière.
Le projet distingue en tout sept dimensions de la pauvreté : finances, éducation, santé, intégration sur le marché du travail, logement, relations sociales, participation politique. Chacune de ces dimensions a une double fonction dans le monitoring : elles décrivent non seulement les différents aspects de la vie des personnes touchées, mais aussi les domaines politiques revêtant une grande importance pour la prévention et la lutte contre la pauvreté.
Connaissances relatives au pilotage : questions centrales
En quoi consiste la mise à disposition de connaissances relatives au pilotage pour la prévention et la lutte contre la pauvreté ? Afin de remplir sa mission, le monitoring est axé sur trois problématiques principales (cf. tableau T1).
- Pauvreté au sein de la population : où résident les problèmes ?
Le monitoring décrit la situation en matière de pauvreté au sein de la population suisse, notamment le nombre de personnes touchées par la pauvreté, les groupes à risque et les raisons pour lesquelles les personnes souffrent de pauvreté. - Acteurs de la prévention et de la lutte contre la pauvreté : qui peut faire quoi ?
Lorsqu’on y regarde de plus près, il n’est guère évident de répondre à cette question d’apparence anodine. Il est vrai que la politique de lutte contre la pauvreté revêt un caractère pluridisciplinaire ; en effet, bon nombre de mesures et d’acteurs ne poursuivent pas exclusivement, ni même principalement, des objectifs relevant de la politique de lutte contre la pauvreté (encouragement précoce, développement urbain, p. ex.). Le monitoring doit donc communiquer sur ce que l’on entend par politique de lutte contre la pauvreté et faire prendre conscience des marges de manœuvre ainsi que de la nécessité de mettre en place une politique sensible à la pauvreté. - Connaissances évaluatives : quelles stratégies et mesures valent la peine d’être appliquées ?
Le terme « évaluatif » désigne les connaissances portant sur les conditions de réussite, les effets et l’efficacité des stratégies et des mesures de politique de lutte contre la pauvreté. Le monitoring renseigne sur les approches particulièrement utiles ou efficaces.
Pour répondre à ces questions, le monitoring ne s’appuiera pas uniquement sur des indicateurs statistiques. Il résumera également l’état pertinent de la recherche dans des domaines spécifiques, tout en accordant une attention toute particulière aux études qui reposent sur des analyses uniques, qui ont un caractère qualitatif ou qui sont limitées à une région. Ce qui vaut pour les systèmes de monitoring en général s’applique également au monitoring national de la pauvreté : sa tâche principale n’est pas de créer de nouvelles connaissances sur des phénomènes isolés, mais plutôt de regrouper en continu les connaissances disponibles. Sa particularité est de relier entre elles les informations déjà disponibles, de dresser un bilan de l’état actuel des connaissances au regard des questions politiquement pertinentes et de mettre à disposition les enseignements de manière concise et aisément compréhensible.
Jusqu’en 2025 : phase de mise en place
La phase de mise en place du monitoring national s’étendra de 2022 à 2025. L’accent est mis sur les trois dimensions « finances », « intégration sur le marché du travail » et « éducation ». Les autres dimensions seront approfondies dans des rapports ultérieurs. Dans le premier rapport, il ne sera pas encore possible de présenter systématiquement les indicateurs statistiques par canton. Pour l’heure, il nous manque en effet les données nécessaires ; en raison de la taille de son échantillon, l’enquête SILC ne permet pas de procéder à un dépouillement par canton. Comme solution transitoire, une analyse des rapports cantonaux sur la pauvreté et la situation sociale sera réalisée. En parallèle, un groupe de projet sous la direction de l’OFS a été mis en place pour s’occuper du développement des ensembles de données statistiques. Il s’agit notamment d’examiner la possibilité de compléter les statistiques existantes par les données fiscales cantonales, comme le prévoit également le programme Gestion nationale des données (NaDB). Les résultats de ces clarifications seront utilisés dans les cycles ultérieurs du monitoring de la pauvreté.
Création d’un conseil scientifique
La mise en œuvre du monitoring de la pauvreté nécessite une étroite collaboration entre les acteurs engagés dans la prévention et la lutte contre la pauvreté en Suisse. Dans sa phase de mise en place, le monitoring a donc recours aux organes établis de la Plateforme nationale contre la pauvreté ; les mandats du groupe de pilotage et du groupe d’accompagnement de la plateforme ont été élargis en conséquence. La collaboration avec l’Office fédéral de la statistique, qui est désormais représenté au sein du groupe de pilotage, ainsi qu’avec le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) et la Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique (CDEP), est essentielle pour la création d’indicateurs statistiques.
Enfin, un conseil scientifique a été créé tout spécialement pour le monitoring. Il en assure la qualité scientifique en conseillant les autres organes de projet et l’équipe de projet de l’OFAS. Il est composé de huit scientifiques disposant d’une grande expertise sur les thèmes prioritaires du premier rapport de monitoring. Un aperçu des organes du projet et de leurs membres se trouve sur le site Internet du monitoring national de la pauvreté.
Équipe de projet de l'OFAS
Depuis le début du mois de mars 2022, Anna
Koukal occupe le poste de chef de projet du monitoring national de la pauvreté
(anna.koukal@bsv.admin.ch).
Andrea von Dach complètera l’équipe de projet à partir de mai 2022.