En un coup d’œil :
- Le programme d’ETS de la Confédération fournit des bases de décision scientifiquement fondées pour la prise en charge des prestations médicales.
- Des analyses systématiques et des évaluations médico-économiques permettent de garantir des soins de qualité et financièrement viables.
- Depuis son introduction, le programme a déjà permis de réaliser des économies annuelles directes de plus de 100 millions de francs.
Qu’entend-on par « évaluation des technologies de la santé ETS » (Health Technology Assessment – HTA en anglais) ? Ce terme désigne l’évaluation systématique des technologies de la santé, telles qu’un test diagnostique, un dispositif médical, un médicament, un vaccin ou une procédure médicale.
L’analyse de l’utilité (efficacité, sécurité), des coûts et de l’efficacité des coûts d’une technologie par rapport à une autre ou à l’absence de traitement constitue un élément essentiel de l’ETS. Ce type d’évaluation s’appuie par exemple sur des revues systématiques, des méta-analyses, des méta-analyses en réseau ainsi que des modélisations et des analyses médico-économiques spécialement adaptées au contexte suisse. Il importe également d’analyser les répercussions éthiques, juridiques, sociales et organisationnelles de la technologie en question.
Cette approche est scientifiquement fondée, objective et compréhensible, trois éléments essentiels pour prendre des décisions éclairées et responsables quant à la prise en charge des prestations médicales (Perleth et al. 2024).
Des prestations efficaces, appropriées et économiques
La stratégie Santé2030 du Conseil fédéral vise à garantir des soins de grande qualité avec un système financièrement viable (Conseil fédéral 2019). L’ETS joue un rôle clé à cet égard : ses résultats permettent de réduire les prestations, les médicaments et les procédures inefficaces et inefficients dans l’AOS, ce qui contribue à améliorer le succès des traitements tout en freinant la hausse des coûts.
Le programme d’ETS de la Confédération se fonde sur l’art. 32 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal), qui prévoit que les prestations médicales prises en charge par l’AOS doivent remplir les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité (critères EAE) et que ces trois conditions doivent être réexaminées périodiquement. Dans le cadre des débats sur le contre-projet indirect à l’initiative pour un frein aux coûts, le Parlement s’est récemment prononcé clairement en faveur de l’ETS en consolidant les principes de la procédure d’évaluation dans la LAMal (Assemblée fédérale de la Confédération suisse 2023 ; Parlement 2022/23).
En vue de concrétiser les critères EAE, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a publié en mars 2022 le document de base « Opérationnalisation des critères Efficacité, Adéquation et Économicité (EAE) » à titre d’ordonnance administrative (OFSP 2022).
En 2017, l’administration fédérale a mis en place sa propre unité dédiée (section Évaluation des technologies de la santé de l’OFSP), dont les principales tâches sont les suivantes :
- mettre sur pied et développer le programme d’ETS de la Confédération ;
- réexaminer au moyen d’une ETS certaines prestations déjà prises en charge par l’AOS ;
- fournir des bases de décision scientifiquement fondées pour évaluer de nouvelles prestations dans le cadre de cas sélectionnés faisant l’objet d’une demande de prise en charge par l’AOS (p. ex. analyses médico-économiques pour les médicaments) ;
- coordonner l’ensemble de la procédure d’évaluation, d’appréciation et de décision ainsi que le suivi des décisions de remboursement.
Le programme d’ETS de la Confédération
La section Évaluation des technologies de la santé de l’OFSP est chargée de coordonner la procédure d’ETS au niveau de la Confédération (cf. schéma ci-dessous).
Les propositions peuvent émaner par exemple de fédérations d’assureurs maladie, d’associations professionnelles du domaine médical, d’associations pharmaceutiques, d’autorités, de particuliers ou de l’OFSP. La section ETS contrôle la plausibilité des thèmes soumis et les classe par ordre de priorité en collaboration avec d’autres sections de l’office. Les trois commissions extraparlementaires (Commission fédérale des prestations générales et des principes, Commission fédérale des analyses, moyens et appareils et Commission fédérale des médicaments) émettent ensuite une recommandation concernant les propositions à retenir. La direction de l’unité de direction Assurance maladie et accidents décide alors des thèmes à intégrer dans la procédure d’ETS.
Avant d’attribuer le mandat à une agence ETS externe et indépendante, l’OFSP procède à un pré-scoping, lors duquel il effectue une analyse préliminaire et délimite la problématique. Il sélectionne ensuite le mandataire approprié dans le cadre d’un appel d’offres (procédure sur invitation).
La phase d’évaluation débouche sur un rapport complet. Les parties prenantes et des spécialistes indépendants sont associés à ce processus d’évaluation par les pairs. Même s’il s’inscrit dans le contexte d’objectifs de politique de la santé, le travail d’ETS mené par l’OFSP est toujours fondé sur une méthode scientifique et réalisé de manière impartiale. Le rapport d’ETS lui-même ne se prononce pas sur la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure la prestation concernée doit figurer dans le catalogue des prestations à la charge de l’AOS. Il fournit une base scientifique et systématique pour les phases ultérieures (appréciation et décision). La phase d’appréciation permet de discuter des possibilités de réglementation en tenant compte du contexte régional ou national (voir à ce sujet l’opérationnalisation de l’évaluation sous l’angle des critères EAE et de la recommandation concernant la prise en charge [OFSP 2022]). Elle donne lieu à une décision concernant la prise en charge des coûts.
Les décideurs se heurtent souvent à un manque de données probantes dû à la rareté des études ou à leur qualité insuffisante. C’est pourquoi il n’est pas rare de devoir procéder à des vérifications complémentaires en amont de la décision, impliquant notamment des discussions avec les sociétés de discipline médicale concernées ou les assureurs pour parvenir à des réglementations pertinentes et applicables du point de vue procédural et clinique. L’ensemble du processus prend du temps, mais il est essentiel pour garantir une mise en œuvre pérenne et effective par toutes les parties impliquées.
Des économies de plus de 100 millions de francs
Une analyse complète peut confirmer ou, au contraire, infirmer le soupçon initial selon lequel une prestation pourrait ne pas remplir les critères EAE. Un rapport d’ETS peut par exemple faire apparaître que, même s’il n’est pas dans l’intérêt des patients de supprimer totalement une prestation, il serait plus judicieux, sur la base des données disponibles, de la limiter à certaines indications et à certains groupes de patients. Le potentiel d’économies se révèle alors moins élevé que l’estimation initiale.
Le programme d’ETS n’est pas un programme de rationnement. Il permet plutôt de s’assurer que l’AOS ne prend en charge que les prestations efficaces, appropriées et économiques, garantissant ainsi à la population des traitements sûrs, efficaces et abordables.
Ce programme a déjà permis de réaliser des économies directes de plus de 100 millions de francs par an, auxquelles s’ajoutent des économies indirectes difficilement quantifiables, rendues possibles par l’amélioration de la qualité des traitements et des soins (OFSP 2025a).
L’OFSP a répertorié tous les projets d’ETS dans un tableau synoptique (voir aussi encadré ci-dessous). Il publie également sur son site Internet les protocoles et rapports d’ETS, accompagnés des commentaires des parties prenantes et des réponses apportées. En outre, il communique dans une newsletter les décisions rendues en matière de prise en charge. Enfin, il met à disposition un formulaire permettant de lui soumettre des suggestions concernant des prestations qui pourraient ne pas remplir les critères EAE.
Rapports d’ETS : quelques exemples
Tests de vitamine D : publié en 2020, ce rapport d’ETS a abouti à la décision de limiter la prise en charge de ces tests par l’AOS à des cas spécifiques (p. ex. en cas d’ostéoporose ou de maladies du foie), de plus à une fréquence réduite.
Vertébroplastie ou kyphoplastie pour le traitement de fractures vertébrales dues à l’ostéoporose : grâce à des précisions apportées à l’annexe 1 de l’ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS), ce rapport d’ETS de 2021 devrait permettre d’améliorer la qualité des traitements et de mieux cibler les interventions chirurgicales. De plus, il a permis de mettre à jour les lignes directrices des sociétés spécialisées concernées, qui dataient de 2004.
Tests hormonaux en cas de suspicion de dysfonctionnement de la glande thyroïde : ce rapport d’ETS de 2023 montre que le test en deux étapes utilisé pour mesurer les hormones thyroïdiennes permettrait de réaliser des économies considérables dans l’AOS sans compromettre la sécurité des patients. Sur cette base, l’OFSP a défini, en collaboration avec les sociétés de discipline médicale, diverses mesures pour réduire le nombre de tests d’ici fin 2026 (OFSP 2024).
Contradictions politiques
Plusieurs défis s’imposeront dans les années à venir. D’abord, il faudra mettre en œuvre les décisions de remboursement qui devront encore être prises pour des prestations sur la base de rapports d’ETS. Ensuite, il s’agira de suivre et de mesurer les effets de ces décisions à intervalles raisonnables. Enfin, il conviendra d’augmenter le nombre de rapports d’ETS sur les prestations médicales, comme le recommande également le Contrôle fédéral des finances (CDF 2025).
La Commission de gestion du Conseil des États a elle aussi examiné de manière approfondie le programme d’ETS dans le cadre de son contrôle de suivi de l’inspection « Médicaments figurant sur la liste des spécialités de l’AOS » (CdG-E 2023). En même temps que ce rapport, elle a déposé le postulat « Évaluation des technologies de la santé (ETS). Bilan, renforcement de l’efficacité et examen d’une institution indépendante », dans lequel elle prie le Conseil fédéral de tirer un bilan de la pratique de l’OFSP en matière d’ETS et de proposer des mesures pour renforcer l’efficacité de ces évaluations.
Le programme d’ETS se trouve ainsi tiraillé entre, d’une part, la revendication politique d’un renforcement de l’ETS et, d’autre part, les mesures d’économie actuelles adoptées par le Conseil fédéral et le Parlement (OFSP 2025b). Les coupes opérées dans le domaine des ETS sont regrettables, car ce programme constitue un instrument clé pour freiner la hausse des coûts et poursuivre le développement d’un système de santé de grande qualité et financièrement viable. Les projets d’ETS déjà engagés ou planifiés ne sont par contre pas touchés par ces coupes.
Ces économies ne sont toutefois pas sans conséquence : le nombre de nouveaux mandats d’ETS est amené à diminuer et, surtout, il faudra se retirer d’une initiative européenne visant à créer une banque de données internationale (IHSI) en vue d’un horizon scanning.
Le programme d’ETS en bonne voie
En conclusion, on retiendra que depuis le lancement du programme d’ETS de la Confédération, l’OFSP a établi les processus, les réseaux et les méthodes nécessaires, permettant ainsi à l’AOS de réaliser des économies substantielles. En outre, les relations internationales qu’il entretient avec des institutions techniques et scientifiques au sein de réseaux d’ETS (HTAi, INAHTA, ISPOR) contribuent au développement continu du programme. Enfin, fort d’un réseau en constante expansion de mandataires, de réviseurs et de spécialistes nationaux et internationaux dans le domaine des rapports d’ETS, l’OFSP est à même de continuer à remplir efficacement sa mission, qui consiste à réexaminer en profondeur les prestations de l’AOS controversées en appliquant des méthodes ad hoc.
Literaturverzeichnis
Assemblée fédérale de la Confédération suisse (2023). FF 2024 2412 – Loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) | Fedlex. 29.9.2023
Conseil fédéral (2019). Politique de la santé : stratégie du Conseil fédéral 2020-2030. 6.12.2019.
OFSP (2022). Opérationnalisation des critères Efficacité, Adéquation et Économicité (EAE) au sens de l’art. 32 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal). 31.3.2022.
OFSP (2024). Contrôle des tests d’hormones thyroïdiennes : usage approprié convenu avec les sociétés de discipline médicale. Newsletter OFSP. 28.3.2024.
OFSP (2025a). ETS : économies dans l’assurance de base. Actualités OFSP. 14.1.2025.
OFSP (2025b). L’OFSP doit renoncer à différentes tâches. Communiqué de presse. 26.2.2025.
Parlement (2022/23) : 21.067 | Pour des primes plus basses. Frein aux coûts dans le système de santé (initiative pour un frein aux coûts). Initiative populaire et contre-projet indirect (modification de la loi fédérale sur l’assurance maladie) | Objet | Le Parlement suisse. Chronologie > Projet 2.
Perleth, Matthias et al. (2024). Health Technology Assessment, Konzepte, Methoden, Praxis für Wissenschaft und Entscheidungsfindung. Berlin : Medizinisch Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft.