Les assurés de l’assurance obligatoire de base ont deux préoccupations fondamentales concernant le système de santé : ils souhaitent avoir un bon accès à des prestations de qualité, mais veulent aussi que les primes restent abordables. Les assureurs, qui ne peuvent légalement pas réaliser de bénéfice dans le cadre de l’assurance de base, jouent ici le rôle de représentants des intérêts de leurs assurés.
En rendant l’assurance-maladie obligatoire en 1996, la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) a constitué un véritable changement de paradigme. Dans les années qui ont suivi, il a fallu perfectionner ce nouveau système, notamment en garantissant une concurrence loyale et en éliminant les disparités.
La compensation des risques a ainsi été affinée afin de garantir que la concurrence entre les assureurs se fasse sur la base d’une administration efficace, de modèles d’assurance innovants et d’un service de qualité, et non sur leur capacité à attirer les meilleurs risques. Il est désormais intéressant pour les assureurs d’investir davantage dans un accompagnement de qualité de leurs assurés par le système de santé et d’éviter les traitements inutiles ou les doublons afin de demeurer compétitifs grâce à des prestations de qualité et à des primes plus avantageuses.
Autre exemple : depuis la révision du financement hospitalier en 2009, les hôpitaux ne sont plus rémunérés en tant qu’entreprises, mais pour les prestations stationnaires qu’ils fournissent effectivement. Cette évolution a renforcé la concurrence entre les hôpitaux grâce à des incitations économiques et à une plus grande transparence. Elle a permis de freiner la hausse des coûts dans le secteur hospitalier stationnaire, sans pour autant sacrifier la qualité des soins.
L’objectif de la réforme du financement hospitalier était d’assainir le paysage hospitalier suisse. Un assainissement similaire a également eu lieu et se poursuit parmi les assureurs, sous l’effet de la pression permanente de la concurrence depuis l’introduction de la LAMal : alors qu’ils étaient 145 à proposer l’assurance obligatoire des soins en 1996, ils ne sont plus que 37 aujourd’hui, dont 10 représentent à eux seuls 90 % des assurés.
Efficacité et innovation grâce à la concurrence
La liberté de choix des assurés et la concurrence qui en résulte sont par ailleurs une source d’efficacité et d’innovation permanente chez les assureurs-maladie. Ces derniers n’ont cessé d’investir pour augmenter l’efficacité de leurs processus et faire avancer la numérisation. Ils ont ainsi pu réduire la part de leurs frais administratifs de 8,9 % des primes en 1996 à 4,6 % en 2024, et ce malgré une forte augmentation du niveau de réglementation.
Même le contrôle des factures, qui constitue l’une des compétences centrales des assureurs, se fait désormais en grande partie de manière automatisée. Les assureurs vérifient environ 130 millions de factures afin de déterminer si des coûts ont été facturés de manière injustifiée. Les payeurs de primes économisent ainsi 3,5 milliards de francs par an.
La concurrence favorise également l’innovation dans les différents modèles d’assurance, ce qui permet aux assureurs de se démarquer sur le marché. Aujourd’hui, plus de 80 % des assurés optent pour un modèle d’assurance particulier correspondant à leurs besoins. Les approches sont diverses : réseaux de soins intégrés, système de gatekeeping (comme le modèle du médecin de famille), capitation (forfait par patient) ou télémédecine. Toutes ces approches permettent de réduire les coûts tout en conservant, voire en améliorant, la qualité des soins. Les assurés peuvent ainsi réduire le montant de leurs primes jusqu’à 20 %.
Partenaires des réformes structurelles
Des réformes structurelles supplémentaires sont néanmoins nécessaires pour exploiter le potentiel d’efficacité considérable du système de santé suisse. Au fil des années, les assureurs jouent de plus en plus le rôle de partenaires, d’intermédiaires et de coordinateurs orientés vers la recherche de solutions. La première étape décisive de ces efforts a été la grande réforme du financement uniforme des prestations, clairement acceptée par le peuple en novembre 2024.
Des incitations profondément ancrées font que les traitements médicaux et les soins sont encore trop souvent dispensés en milieu hospitalier. Le financement uniforme des prestations accélérera le transfert de ces traitements vers le secteur ambulatoire, une solution qui s’avère généralement moins onéreuse et, de surcroît, souvent plus judicieuse sur le plan médical et mieux adaptée aux besoins.
Le potentiel considérable de la planification hospitalière
Les structures hospitalières en Suisse, et donc la planification des hôpitaux et des soins par les cantons, constituent un autre levier essentiel pour exploiter le potentiel d’économie considérable du système de santé, dans l’intérêt des payeurs de primes. La LAMal incite les cantons à établir leur planification hospitalière en fonction des besoins. Or, le paysage hospitalier suisse se caractérise aujourd’hui par de nombreux doublons superflus et coûteux. Envisager des espaces de soins plus vastes, qui transcendent les frontières cantonales, permettrait de fournir des soins de haute qualité tout en utilisant les ressources de manière responsable. Une coordination intercantonale est indispensable dans la planification hospitalière.
Les assureurs sont prêts à dialoguer avec les cantons pour les aider à mieux coordonner et à attribuer conjointement leurs contrats de prestations aux hôpitaux – c’est-à-dire l’offre hospitalière effective – au-delà des frontières cantonales. Il n’est en effet pas nécessaire que tous les hôpitaux offrent toutes les prestations dans un espace restreint. L’essentiel est de garantir les soins d’urgence au niveau local, de favoriser la spécialisation dans une relation de complémentarité et d’investir davantage dans les structures ambulatoires. Cette démarche permettra de réaliser des économies importantes dans l’intérêt des assurés, tout en améliorant la qualité des soins hospitaliers grâce à l’augmentation du nombre de cas dans les hôpitaux spécialisés.
« Point de vue » est un format permettant à des organisations extérieures à l’administration fédérale d’exposer leur opinion. Leur avis peut donc différer de celui du Conseil fédéral.