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75 ans de convention de sécurité sociale entre l’Allemagne et la Suisse

Depuis 1951, la convention de sécurité sociale germano-suisse garantit l’égalité de traitement entre les citoyennes et les citoyens des deux pays en matière de sécurité sociale. Une rétrospective du point de vue allemand.
Marc von Miquel, Christoph Wehner
  |  18 novembre 2025
  • Affaires internationales
  • Assurance-accidents
  • Assurance-maladie
  • Assurance-vieillesse et survivants
  • Prévoyance professionnelle
Actuellement, environ 66 000 frontaliers allemands travaillent en Suisse. Douane de Weil am Rhein. (Keystone)

En un coup d’œil

  • La première convention de sécurité sociale germano-suisse est entrée en vigueur en 1951 et mettait les ressortissants allemands et suisses sur un pied d’égalité vis-à-vis des assurances sociales.
  • La convention établissait pour la première fois des prescriptions obligatoires concernant la prévoyance vieillesse des frontaliers.
  • Depuis 2002, c’est l’accord bilatéral sur la libre circulation des personnes conclu entre la Suisse et l’Union européenne qui est déterminant en matière d’assurances sociales.

« Les ressortissants suisses et les ressortissants allemands sont traités sur un pied d’égalité en ce qui concerne les droits et les devoirs résultant des assurances sociales. » C’est la traduction officielle d’un article fondamental de la première convention de sécurité sociale signée entre la République fédérale d’Allemagne et la Suisse, entrée en vigueur en juillet 1951.

À l’occasion du 75e anniversaire de la convention, nous avons retracé la genèse et l’histoire de celle-ci dans un ouvrage commémoratif, sur mandat de la caisse de retraite Deutsche Rentenversicherung du land de Bade-Wurtemberg (Miquel et Wehner, 2025). Cet article résume les principaux éléments de la convention dans une perspective allemande.

Pourquoi une convention de sécurité sociale ?

L’immigration et l’émigration ont toujours joué un rôle significatif dans l’histoire de l’Allemagne. C’est notamment le cas des flux migratoires de main-d’œuvre entre l’Allemagne et ses pays limitrophes, qui ont connu une forte croissance au XIXe et au début du XXe siècle sous l’impulsion de l’industrialisation. Les années après 1945, marquées par le processus d’intégration politique européenne et l’internationalisation de l’emploi, ont à nouveau donné un formidable élan à cette évolution. Dans un passé récent et au présent, la mobilité professionnelle transfrontalière est devenue courante dans les nations occidentales industrialisées.

Cette imbrication croissante des relations économiques et des relations de travail n’a pas été sans conséquences sur le système de sécurité sociale, qui s’est lui aussi développé et internationalisé après 1945. La forte hausse du nombre de frontaliers allemands qui travaillaient dans un pays européen voisin ou, à l’inverse, de ressortissants de l’un de ces pays qui exerçaient une activité lucrative en Allemagne, a posé des défis au droit social interétatique et rendu nécessaire la conclusion d’accords adaptés.

Dans ce but, des conventions de sécurité sociale bilatérales – et, plus rarement, des accords multilatéraux – ont été conclu(e)s entre les États concernés pour garantir le droit des citoyens d’un État contractant à la protection sociale en cas de séjour dans un autre État contractant, selon le principe de la réciprocité. L’objectif consistait par conséquent à promouvoir l’égalité et à favoriser l’intégration des normes de sécurité sociale. Dans le cas de l’assurance-pensions, cela signifiait surtout que les périodes d’affiliation à l’assurance et de cotisation comptabilisées dans l’autre pays étaient prises en compte pour respecter les délais d’attente nécessaires à l’ouverture d’un droit et étaient totalisées de façon à obtenir un parcours unifié en matière d’assurance. Le calcul de la rente, en revanche, était réalisé selon les prescriptions légales nationales.

Migration de main-d’œuvre en Suisse

Dans une Allemagne d’après-guerre dévastée, la crise économique et la pénurie d’emplois ont fortement catalysé l’immigration, notamment en Suisse – les flux migratoires inverses étant insignifiants durant cette période. La proximité géographique et linguistique de la Suisse ainsi que ses opportunités d’emploi ont fait de celle-ci une terre d’élection pour les frontaliers allemands. Les zones limitrophes de Bade-Wurtemberg ont de ce fait enregistré la plus forte migration de personnel. Parallèlement, la Suisse a bénéficié d’une main-d’œuvre allemande souvent hautement qualifiée, qui se faisait embaucher de préférence dans les entreprises des régions frontalières.

Plus la migration liée au travail augmentait en Suisse, plus la question de la protection sociale des frontaliers et des pendulaires allemands devenait cruciale. En effet, celle-ci était initialement totalement lacunaire. Le droit social n’ayant pas évolué au même rythme que l’intensité du phénomène de migration, il n’existait pas de réglementation interétatique pour régir les relations entre les deux pays en matière d’assurances sociales. La situation allait bientôt changer.

C’est ainsi que, dès la fin des années 1940, des négociations ont été ouvertes entre l’Allemagne et la Suisse en vue de conclure une convention de sécurité sociale dont le but premier était de garantir la protection des ressortissants allemands travaillant en Suisse. Comme il s’est avéré par la suite, il s’agissait d’une entreprise aussi ambitieuse que compliquée, qui s’est heurtée à de nombreuses entraves et difficultés.

Les disparités, héritées de l’histoire, entre les systèmes d’assurance respectifs des deux États constituaient l’obstacle majeur. Tandis que la structure organisationnelle de la sécurité sociale allemande avait émergé dès la fin du XIXe siècle et se singularisait par un système coordonné incluant l’assurance-accidents, l’assurance-maladie et l’assurance-pensions, la Suisse ne connaissait aucune obligation d’assurance contre les risques de vieillesse, de maladie et d’incapacité de travail.

L’introduction, en 1948, de l’assurance vieillesse et survivants (AVS) générale et obligatoire a marqué un tournant important dans la nouvelle orientation de la politique sociale suisse après 1945. À la différence des assurances sociales allemandes, elle concernait toutes les personnes vivant en Suisse, qu’elles soient engagées sous contrat de travail fixe, indépendantes ou au chômage. Tandis que d’autres branches, telles que l’assurance-maladie, ont été maintenues dans le cadre d’un système facultatif hybride, l’institution de l’AVS au titre d’assurance obligatoire en Suisse a ouvert la voie à des négociations avec les États voisins en vue de conclure des conventions de sécurité sociale. Ces négociations ont abouti à l’adoption de plusieurs traités de réciprocité.

La convention de 1950

Parmi ces traités, la « Convention entre la Confédération suisse et la République fédérale d’Allemagne relative aux assurances sociales », signée à Bonn en octobre 1950 par les délégations gouvernementales des deux États contractants, est entrée en vigueur en 1951. Dans la tradition des précédentes conventions passées sous la République de Weimar, elle visait avant tout à éliminer les différences de traitement en matière de droit social entre les nationaux et les personnes étrangères, ou entre un séjour sur le territoire national et un séjour à l’étranger. À cet effet, le principe du lieu de résidence inscrit dans l’AVS, selon lequel les prestations sont réservées aux ayants droit dont le lieu de domicile ou de séjour habituel est en Suisse, a été abrogé dans le cadre de la convention.

Des rentes AVS ont ainsi pu être versées aux assurés allemands domiciliés en République fédérale d’Allemagne. La convention prévoyait également des assouplissements au niveau des conditions d’octroi des prestations de l’AVS pour les citoyens allemands. Dès lors, pour pouvoir observer le délai d’attente et prétendre aux prestations de l’AVS, il suffisait que les ressortissants allemands aient cotisé à l’AVS pendant au moins cinq années complètes.

Une autre option pour ces ressortissants était d’avoir habité en Suisse pendant au moins dix années au total – dont cinq immédiatement et de manière ininterrompue avant la réalisation de l’événement assuré – et d’avoir durant ce temps versé des cotisations à l’AVS pendant au moins une année complète. Ces réglementations ont permis pour la première fois de donner une base contraignante à la prévoyance vieillesse des frontaliers, de leurs proches et de leurs survivants. Le droit aux prestations portait sur les quatre types de rente prévus par l’AVS à cette époque, à savoir la rente de vieillesse simple, la rente de vieillesse pour couple, la rente de veuve et enfin la rente pour orphelins.

Du droit social bilatéral au droit social européen

La convention conclue avec la Suisse, dont la durée fut fixée à un an avec renouvellement automatique d’année en année, a été actualisée plusieurs fois au fil des décennies et adaptée à l’évolution des conditions du monde du travail et à l’élargissement des normes en matière de sécurité sociale. Cela fut le cas la première fois en 1964, lorsque le gouvernement allemand et le gouvernement suisse ont signé une nouvelle convention de sécurité sociale, plus large, qui fut complétée en 1978 par un arrangement administratif concernant les modalités d’application de cette convention.

Une deuxième nouveauté a été introduite en 1989 sous la forme d’une convention supplémentaire intégrant l’assurance-maladie légale des parties contractantes dans la convention et prévoyant en outre de nouvelles adaptations en fonction des modifications légales propres à chaque pays. À partir des années 1990, la coordination du droit social européen s’est substituée aux conventions bilatérales qui existaient jusqu’ici dans les États membres de l’Union européenne et les a, depuis lors, supplantées. Dans le cas de la Suisse, c’est l’accord sur la libre circulation des personnes, conclu avec la Communauté européenne, qui est déterminant depuis 2002 et qui a mis en application les dispositions réglementaires correspondantes.

Bibliographie

Miquel, Marc ; Wehner, Christoph (2025). Soziale Sicherung, Arbeitsmigration, Freizügigkeit. Zur Geschichte der deutsch-schweizerischen Sozialversicherungsabkommen und der Verbindungsstelle der Deutschen Rentenversicherung Baden-Württemberg. Ouvrage commémoratif publié sur mandat de la Deutsche Rentenversicherung de Bade-Wurtemberg. 19 mai

Professeur, docteur en histoire, consultant auprès du Bundesministerium für Arbeit und Soziales (Ministère du Travail et des Affaires sociales) de la République fédérale d’Allemagne
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Docteur en histoire, consultant auprès du Bundesministerium für Arbeit und Soziales (Ministère du Travail et des Affaires sociales) de la République fédérale d’Allemagne
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