...
HomeDossiersAssurance-maladie : quel avenir ?Assurance-maladie : des primes en fonction du revenu ?

Assurance-maladie : des primes en fonction du revenu ?

La réduction des primes est un outil essentiel pour maintenir l’assurance obligatoire des soins à un niveau abordable pour les personnes de condition économique modeste. Des primes d’assurance-maladie fixées en fonction du revenu pourraient améliorer l’efficacité du système.
Stefan Boes
  |  07 août 2025
  • Assurance-maladie
Il existe d’importantes différences entre les cantons en matière de réduction des primes. Cabinet médical dans le canton de Berne. (Keystone)

En un coup d’œil

  • La réduction des primes dans l’assurance de base est un outil essentiel pour alléger la charge financière des ménages à faible revenu.
  • Les réductions de primes incitent à opter pour des franchises plus basses, ce qui permet une meilleure couverture financière des frais de santé.
  • Les différences cantonales dans l’aménagement de la réduction des primes amènent à envisager la tarification des primes de l’assurance de base en fonction du revenu, afin d’atténuer les incitations négatives et d’accroître la transparence et l’équité.

Toutes les personnes qui résident en Suisse sont soumises à l’assurance obligatoire des soins (AOS). Les primes d’assurance-maladie constituent une charge considérable, en particulier pour les ménages à faible revenu. Pour atténuer cette charge, la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) prévoit que les cantons accordent aux assurés de condition économique modeste des réductions de primes, qui sont cofinancées par la Confédération.

En 2023, ce sont près de 2,5 millions de personnes qui ont eu droit à des réductions de primes en Suisse, soit 28 % des assurés. Le subside versé s’élevait en moyenne à 2421 francs par bénéficiaire, ce qui représente un montant total de quelque 5,9 milliards de francs (OFSP 2025). À titre de comparaison, la prime moyenne d’assurance-maladie s’élevait cette année-là à 3963 francs.

Il existe toutefois d’importantes différences entre les cantons en ce qui concerne les limites de revenu donnant droit à une réduction de primes ainsi que le montant de cette réduction et les modalités d’indemnisation. Dans certains cantons, les réductions de primes sont versées automatiquement dès lors que le revenu est inférieur à un certain niveau. Dans d’autres, les bénéficiaires doivent déposer une demande écrite de réduction des primes. En outre, le revenu déterminant et le mode de calcul des réductions de primes sont réglementés au niveau cantonal. Il existe ainsi des modèles linéaires avec des réductions de primes proportionnelles au revenu déterminant, des modèles progressifs avec des limites de revenu fixes ou encore des modèles mixtes.

Cette hétérogénéité a pour conséquence que les effets des réductions de primes varient considérablement d’une région à l’autre. Alors que dans certains cantons, un large groupe de population a droit à des réductions de primes, dans d’autres, ce sont surtout les ménages à très bas revenus qui en bénéficient (voir graphiques).

Choix de franchises plus basses

Ces dernières années, la recherche s’est intéressée de près à l’influence des réductions de primes sur le comportement en matière d’assurance, et notamment aux effets sur le choix de la franchise dans l’AOS. La franchise, c’est-à-dire le montant fixe annuel que les assurés doivent payer eux-mêmes avant que l’assurance ne prenne en charge les coûts, est un instrument de pilotage fondamental pour analyser le comportement des assurés. Elle a des implications aussi bien sur le plan financier que pour la politique de santé.

Une étude (Kaufmann, Schmid et Boes 2017) a examiné les effets des réductions de primes telles qu’elles sont actuellement accordées dans tous les cantons (c’est-à-dire sous la forme d’un versement direct aux assureurs, qui réduisent ensuite la prime d’assurance) par rapport à la situation qui prévalait jusqu’en 2014 (où le versement aux assurés était encore possible, ce qui équivalait de facto à un transfert). Il en ressort que les réductions de primes telles qu’elles sont appliquées dans le système actuel augmentent de 4 % la probabilité que les assurés choisissent une franchise basse. Cet effet est particulièrement marqué chez les femmes, les assurés d’âge moyen et les célibataires, ce que les auteurs attribuent à une plus grande aversion au risque de ces catégories ainsi qu’à des considérations financières. Ces résultats, notamment en ce qui concerne les effets des réductions de primes sur les subventions et les revenus, ont été confirmés par d’autres études réalisées avec des données différentes ou plus récentes (Vaidya 2021 ; Zou 2024).

La hausse de la probabilité de choisir la franchise la plus basse peut en principe être considérée comme un effet positif des réductions de primes. De fait, les personnes qui en bénéficient possèdent une meilleure couverture financière des frais de santé. Par ailleurs, Schmid, Schreiner et Stutzer (2022) ont également examiné les effets des réductions de primes sur le comportement en matière de paiement. Il en ressort que les retards dans le paiement des primes ont pu être réduits de manière significative et que la probabilité de poursuites a diminué. Un meilleur respect des échéances est essentiel pour que les assurés puissent réellement tirer parti des avantages d’une franchise plus basse sans risquer de se retrouver dans une situation financière difficile en raison de retards de paiement.

Une étude encore inédite de l’Université de Lucerne (Ackermann, Boes et Lordemus 2025) confirme et élargit les connaissances actuelles avec de nouvelles données des registres. L’étude a notamment examiné les effets des réductions de primes sur la demande en matière de prestations de santé et sur les coûts de la santé. Alors que les effets sur les coûts de la santé sont minimes, les résultats montrent en revanche une baisse significative des dépenses de santé directement supportées par les assurés qui bénéficient des réductions de primes (dépenses out-of-pocket). Là aussi, l’étude met en évidence les effets des réductions de primes sur la couverture financière des frais de santé, mais ne relève pas une augmentation de la demande.

Éliminer les problèmes structurels

Malgré ces effets positifs, le système actuel de réduction des primes souffre de certains problèmes structurels. La diversité des réglementations cantonales entraîne un manque de transparence patent et les possibilités d’obtenir une réduction des primes varient considérablement. Des études antérieures ont montré que les personnes qui auraient droit à une réduction de primes n’en bénéficient pas toutes dans les faits (par ex. Balthasar, Bieri et Furrer 2001). De plus, le montant des réductions de primes ne progresse pas au même rythme que celui des primes d’assurance, ce qui entraîne une augmentation de la charge due aux primes.

Dans ce contexte et compte tenu du rejet de l’initiative d’allègement des primes en juin 2024, il serait pertinent, d’un point de vue sociopolitique, d’envisager l’introduction d’une prime d’assurance de base qui soit davantage liée au revenu. Cela présenterait les avantages suivants :

  • Les primes seraient échelonnées en fonction de la capacité financière des assurés, ce qui permettrait une répartition plus équitable des charges.
  • La redistribution qui existe déjà dans les faits grâce à la réduction des primes serait rendue plus transparente et plus simple.
  • Les incitations négatives et les inégalités régionales pourraient être réduites.

Une telle réforme devrait, dans un premier temps, faire l’objet d’un examen attentif afin de garantir sa viabilité financière, ses effets sociaux et sa faisabilité pratique. Mais quoi qu’il en soit, il faut rester conscient que l’aménagement des primes et de la réduction des primes ne permettra pas au système de santé dans son ensemble d’agir de manière systémique contre la croissance constante des coûts, notamment dans l’assurance de base.

Bibliographie

Ackermann, Noël ; Boes, Stefan ; Lordemus, Samuel (2025). The Effect of Premium Subsidies on Health Plan Choice and Healthcare Demand. Center for Health, Policy, and Economics, Université de Lucerne. Manuscrit inédit.

Balthasar, Andreas ; Bieri, Oliver ; Furrer, Cornelia (2001). Evaluation des Vollzugs der Prämienverbilligung im Kanton Luzern. Vertiefung zur Rahmenstudie des Bundesamtes für Sozialversicherung. Sur mandat du Département de la santé et des affaires sociales du canton de Lucerne. 30 avril 2001.

Kaufmann, Cornel ; Schmid, Christian P. R. ; Boes, Stefan (2017). Health Insurance Subsidies and Deductible Choice: Evidence from Regional Variation in Subsidy Schemes. Journal of Health Economics 55, p. 262-273.

OFSP (2025). Statistique de l’assurance-maladie obligatoire 2023. 11 juin 2025

Schmid, Christian P. R. ; Schreiner, Nicolas ; Stutzer, Alois (2022). Transfer Payment Systems and Financial Distress : Insights from Health Insurance Premium Subsidies. Journal of the European Economic Association 20(5), p. 1829-1858.

Vaidya, Shalvaree (2021). The impact of premium subsidies on health plan choices in Switzerland: Who responds to the incentives set by in-kind as opposed to cash transfers? Health Policy 125(6), p. 675-684.

Zou, Lan (2024). The Impact of Subsidies on Deductible Choice in Health Insurance. Université de Saint-Gall. Manuscrit inédit.

Professeur d’économie de la santé, directeur du Center for Health, Policy, and Economics de l’Université de Lucerne
[javascript protected email address]

Weitere Beiträge zum Schwerpunkt

Filter
Apply Filters