C’est en mai 2013 que le Conseil fédéral a adopté le projet de « Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté en Suisse » (abrégé Programme national contre la pauvreté), conçu et élaboré avec le concours d’importants partenaires. Limité à cinq ans (2014-2018), le programme a bénéficié du soutien de la Confédération, des cantons, des villes et des communes ainsi que d’organisations des partenaires sociaux et de la société civile. Placé sous la conduite de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), il a été doté de 9 millions de francs au total.
Réalisée entre avril et octobre 2017, l’évaluation a consisté à analyser sa mise en œuvre et ses effets tels qu’ils se présentaient jusque-là. Elle poursuivait les cinq objectifs suivants :
- Examiner la conception (objectifs, groupes cibles, structures, rôles, communication, etc.) et la mise en œuvre du programme
- Analyser les prestations fournies, leur utilisation et leur efficacité
- Comparer le coût et l’utilité du programme et en dresser le bilan
- Estimer dans quelle mesure le programme avait contribué à atteindre les objectifs visés
- Évaluer globalement le programme, ses conclusions et ses recommandations
Méthode Il s’est tout d’abord agi d’examiner les bases du programme au moyen d’une analyse documentaire, puis d’évaluer sa mise en œuvre par le biais de deux enquêtes, l’une en ligne et l’autre menée auprès des membres des groupes de pilotage et d’accompagnement. L’enquête en ligne, conçue principalement dans une approche quantitative, s’adressait à dessein à un plus large cercle d’acteurs. Plusieurs questions ouvertes ont permis aux personnes interrogées de s’exprimer de manière détaillée. L’avis des acteurs engagés au sein du groupe de pilotage et du groupe d’accompagnement a été recueilli dans le cadre d’entretiens. Les résultats de l’évaluation ont été validés en concertation avec l’équipe de l’OFAS responsable du programme, le groupe d’accompagnement et le groupe de pilotage.
Évaluation globale du programme Dans leur grande majorité, les personnes interrogées en ligne ont émis un avis positif sur le programme. Plus de 80 % d’entre elles se sont dites satisfaites ou plutôt satisfaites du programme (cf. graphique g1), les opinions des différents groupes d’acteurs ne divergeant guère sur ce point. Seuls les partenaires sociaux et les associations économiques ont fait état d’une satisfaction moindre.
Les membres du groupe de pilotage et du groupe d’accompagnement ont eux aussi jugé positif les résultats du programme. Ils ont en particulier apprécié que le programme ait permis d’améliorer la coopération et la coordination des acteurs, facilité leur mise en réseau et dispensé des documents de référence. Dans leur majorité, les cantons, les villes, les communes, les ONG et les organisations concernées ont expressément approuvé l’engagement de la Confédération.
Prestations et activités du programme Le programme visait trois objectifs principaux : la constitution d’un corpus de connaissances de fond, la mise en réseau des différents acteurs et la constitution de canaux d’information spécifiques permettant la diffusion des connaissances acquises ou préexistantes.
- Il a ainsi permis de mener 16 études ponctuées chacune d’un rapport, et de développer 8 guides pratiques. En outre, 27 projets visant à améliorer les chances de formation des enfants, des jeunes et des adultes défavorisés et peu formés ont bénéficié d’un soutien financier.
- Plusieurs manifestations ont en outre été organisées dans un but de transmission des connaissances : deux conférences nationales et deux congrès sur le thème des projets novateurs, six séminaires régionaux consacrés à l’encouragement précoce dans les communes, un séminaire sur l’information des personnes en situation de pauvreté et un atelier d’experts sur la formation de rattrapage. Le programme a aussi accordé son soutien financier à 22 manifestations organisées par des tiers, contribuant même à leur contenu dans près de la moitié des cas.
- Le site Internet, en trois langues, et les newsletters, comptant plus de 600 abonnés, ont joué un rôle important dans le domaine de l’information, la diffusion du savoir et la mise en réseau des acteurs.
Les personnes interrogées en ligne ont unanimement reconnu que beaucoup avait été fait avec les moyens disponibles, et dans l’ensemble, les prestations et activités du programme ont été jugées comme étant positives.
- Études et rapports : environ 90 % des sondés ont estimé que les études et rapports étaient compréhensibles et pertinents au regard de la problématique de la pauvreté. Près de 80 % ont jugé que les études et rapports apportaient de nouvelles connaissances. Ces résultats ne diffèrent pas beaucoup d’une étude à l’autre.
- Guides pratiques : l’évaluation de ces différents instruments est elle aussi globalement positive : plus de 90 % des personnes connaissant les guides pratiques les ont trouvés compréhensibles, 87 % ont apprécié leurs qualités pratiques, tandis que 76 % étaient d’avis qu’ils apportaient de nouvelles connaissances.
- Manifestations : pour 90 % des personnes interrogées, les manifestations ont atteint leur objectif, permettant d’améliorer la mise en réseau des acteurs et de favoriser les échanges.
- Site Internet : le site Internet du programme a lui aussi recueilli des avis favorables : environ 90 % des sondés ont apprécié son actualité, la pertinence de son contenu et la clarté de son organisation.
Près de la moitié des acteurs interrogés en ligne ont dit avoir une fonction de relais et contribuer à la diffusion des prestations et des activités. Ils ont le plus souvent recommandé des études ou des instruments pratiques ou signalé l’existence du site Internet. Les membres des groupes de pilotage et d’accompagnement se sont montrés plus critiques sur cet effet multiplicateur. Plusieurs interlocuteurs ont indiqué qu’au moment de l’évaluation, les acteurs étaient encore trop peu à avoir tiré efficacement parti de leur rôle de multiplicateurs et que la diffusion des prestations et des activités prendrait encore du temps.
Des impulsions concrètes ? Lors de l’enquête en ligne, environ 17 % des acteurs ont dit avoir perçu, dans la prévention et la lutte contre la pauvreté, des changements concrets qu’ils attribuent au programme. Les principales impulsions citées sont la création de nouvelles offres à destination des personnes en situation de pauvreté (tables rondes, organes paritaires, accès facilité aux événements organisés dans le cadre de la recherche sur la pauvreté, ateliers pour les personnes concernées, développement d’offres en ligne), mais aussi l’adaptation et le développement d’offres existantes, surtout dans le domaine de l’encouragement précoce. D’autres impulsions ont découlé de la sensibilisation accrue des groupes cibles à la prévention et à la lutte contre la pauvreté.
La plupart des objectifs du programme ont été au moins partiellement atteints (cf. graphique g2) : pour environ deux tiers des acteurs interrogés, les objectifs d’intensification des débats, d’acquisition de connaissances supplémentaires, d’amélioration de la coopération ainsi que d’expérimentation et de diffusion de nouvelles approches ont été partiellement atteints, tandis qu’un sur cinq a estimé qu’ils avaient été atteints. La majorité est toutefois d’avis qu’il reste encore beaucoup de progrès à faire au chapitre de l’accès des personnes en situation de pauvreté aux informations et aux services de consultation. Ce résultat s’explique par le fait qu’au moment de l’évaluation, peu avait été réalisé dans ce domaine, puisque c’est en 2018 seulement que des démarches ont été entreprises dans ce sens.
Berne invité à poursuivre son engagement Bien que les représentants des groupes de pilotage et d’accompagnement souhaitaient majoritairement que la Confédération poursuive ses activités dans le domaine de la prévention de la pauvreté, ils n’étaient pas d’accord sur la forme et le contenu de cet engagement. Les uns appelaient de leurs vœux un nouveau programme limité dans le temps, tandis que les autres préféraient que certaines activités, relatives à la diffusion de l’information et à la coordination et la coopération, s’inscrivent dans des structures ordinaires existantes.
La majorité des personnes interrogées souhaitaient voir la Confédération endosser une responsabilité accrue, d’autant qu’elle exerce une influence directe en matière de lutte contre la pauvreté à l’enseigne de diverses politiques sectorielles (assurances sociales, formation professionnelle, migration, santé, marché de l’emploi, notamment) et qu’elle ne pourra de toute façon guère se désengager de cette thématique. Certains acteurs ne voyant pas l’utilité d’un nouveau programme ont eux aussi souligné l’importance du rôle de la Confédération.
Conclusion Le Programme contre la pauvreté a été perçu comme un programme spécialisé et non comme une campagne. C’est pourquoi sa mise en œuvre a impliqué de développer les connaissances en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté, et d’améliorer tant la coordination et la coopération des acteurs du domaine que leur mise en réseau. À l’exception de l’amélioration de l’accès des personnes en situation de pauvreté aux informations et aux services de consultation, ses objectifs étaient déjà largement atteints au moment de l’évaluation, soit avant même son échéance. Largement, les acteurs se sont montrés satisfaits du programme et ont indiqué que celui-ci répondait à la plupart de leurs attentes.
- Bibliographie
- Marti, Michael ; de Buman, Annick ; Walther, Ursula ; Steinmann, Sarina ; Büchler, Simon (2018) : Evaluation Nationales Programm zur Prävention und Bekämpfung von Armut (allemand avec résumé en français); [Berne : OFAS]. Aspects de la sécurité sociale; rapport de recherche no 4/18 : www.ofas.admin.ch > Publications & Services > Recherche et évaluation > Rapports de recherche.