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La stabilité financière des APG dépend avant tout des naissances

Les APG garantissent un revenu pendant les congés parentaux et le service militaire. En 2024, le fonds atteignait près de 2 milliards de francs et devrait continuer de croître. Son équilibre futur reste toutefois sensible à la fécondité et à la politique familiale et militaire.
Elise Boillat
  |  28 octobre 2025
    Perspectives
  • Allocations pour perte de gain
En 2024, 49% des dépenses des APG étaient liées aux congés maternité. (Shutterstock)

En un coup d’œil

  • En 2024, le fonds APG s’élevait à près de 2 milliards et pourrait atteindre 6 milliards d’ici 2035.
  • Les trois facteurs clés pour les finances des APG sont la population active, la fécondité et la progression salariale.
  • Les variations du nombre de naissances ont un impact direct sur les dépenses liées aux congés parentaux, pouvant accélérer ou ralentir la croissance du fonds.

Le régime des allocations pour perte de gain (APG) constitue un pilier discret (en termes de dépenses) mais néanmoins essentiel de la sécurité sociale en Suisse. Il garantit un revenu pendant certaines périodes particulières de la vie : service militaire, civil ou de protection civile, maternité, paternité, adoption ou prise en charge d’un enfant gravement malade.

En 2024, les recettes du régime ont dépassé les dépenses et l’APG a enregistré un résultat de répartition positif de 196 millions de francs selon la nouvelle statistique des APG (graphique 1). À cela se sont ajoutés 125 millions de produits de placements, pour un résultat d’exploitation total de 321 millions. Le fonds des APG s’élève désormais à près de 2 milliards de francs, ce qui correspond à une année de dépenses.

Selon les perspectives financières actuelles, les dépenses devraient croître moins rapidement que les recettes à l’avenir. En conséquence, le résultat de répartition resterait positif chaque année, et le niveau du fonds augmenterait continuellement pour atteindre environ 6 milliards de francs d’ici 2035, soit trois fois les dépenses annuelles.

Comme dans tout système social, cet équilibre entre les recettes et les dépenses dépend de plusieurs facteurs économiques et démographiques.

Principales sources de dépenses

En 2024, les dépenses totales des APG atteignaient 2 milliards de francs, dont 99 % concentrées sur trois postes principaux :

  • 42 % (soit 860 millions) liés aux personnes en service,
  • 49 % (soit 990 millions) correspondant aux congés maternité,
  • 8 % (soit environ 170 millions) relatifs au congé pour l’autre parent.

Le nombre de bénéficiaires du congé d’adoption ou du congé de prise en charge d’un enfant gravement malade reste très faible, et leur poids dans les dépenses totales est négligeable.

Les dépenses totales de chaque congé sont déterminées par le nombre de bénéficiaires, le montant des indemnités journalières et la durée respective du congé. L’évolution de ces trois composantes détermine donc celle des charges globales des APG.

Le nombre de bénéficiaires est étroitement lié à la démographie :

  • les dépenses pour service dépendent du nombre d’hommes suisses âgés de 15 à 50 ans,
  • les congés maternité et parentaux dépendent principalement du nombre de naissances et dans une moindre mesure de la population active.

L’indemnité journalière moyenne évolue avec la progression des salaires, tandis que la durée moyenne des prestations reste plutôt stable, puisqu’elle est fixée par la loi.

Un financement par les cotisations salariales

Les APG sont financées presque exclusivement par les cotisations salariales, fixées à 0,5 % du salaire, partagées à parts égales entre employeur et travailleur. En 2024, ces cotisations ont rapporté 2,2 milliards de francs. À cela s’ajoutent les produits des placements, dont le montant varie selon l’évolution des marchés financiers. Cette même année, les produits des placements se sont élevés à 125 millions de francs. Ainsi, l’évolution des recettes dépend principalement de deux facteurs, en plus des rendements du capital :

  • la progression des salaires,
  • la taille de la population active.

Trois facteurs clés pour les finances

Trois variables jouent un rôle central dans l’évolution des finances des APG : la population active, la fécondité et la progression salariale.

  • La population active influence à la fois le nombre de cotisants et celui des bénéficiaires ; elle a donc un effet direct sur les recettes comme sur les dépenses du régime.
  • La fécondité, quant à elle, agit principalement sur le nombre de bénéficiaires, et par conséquent sur le niveau des dépenses.
  • Enfin, la progression salariale influe à la fois sur le montant des indemnités versées et sur celui des cotisations perçues, affectant ainsi simultanément les dépenses et les recettes.

Quand les effets s’équilibrent

L’économie et la démographie évoluent toujours avec une part d’incertitude, mais le système APG présente une particularité : certains effets se compensent automatiquement. Ainsi, une hausse des salaires accroît à la fois les indemnités versées et les contributions encaissées. De même, une croissance de la population active entraîne plus de bénéficiaires, mais aussi plus de cotisants.

En définitive, même si les prévisions économiques et démographiques comportent une part d’incertitude, l’équilibre global reste généralement stable et le résultat d’exploitation n’est que faiblement affecté.

Un facteur d’incertitude majeur : la fécondité

Ainsi, si l’on ignore l’évolution de la politique familiale et militaire suisse, la principale source d’incertitude pour les finances des APG reste l’évolution du nombre de naissances. Une variation du nombre de naissances agit directement sur les dépenses liées aux congés parentaux, sans incidence immédiate sur les recettes.

En 2001, on observe une chute de l’indice conjoncturel de fécondité (IFC) suisse à 1,38 (graphique 2). Ensuite, entre 2002 et 2010, l’IFC a augmenté de manière régulière, atteignant 1,52 enfant par femme. De 2010 à 2018, le taux est resté relativement stable, autour de 1,53.

Depuis 2019, l’indice a connu une baisse rapide, passant de 1,48 à 1,29 en 2024, à l’exception de 2021 où une remontée temporaire (attribuée à la pandémie) à 1,52 a été observée. Ces 25 années mettent en évidence la variabilité du nombre de naissances en Suisse.

Le niveau futur de la fécondité suisse demeure incertain. Les projections divergent selon les sources :

  • Eurostat (2023) prévoit une hausse progressive du taux de fécondité suisse, dépassant 1,5 enfant par femme en 2035.
  • IIASA (2023) anticipe également une tendance haussière jusqu’en 2050, avant une légère baisse. Selon cette source, un IFC de 1,5 enfant par femme ne sera pas atteint avant 2040 en Suisse.
  • L’OFS (2025), plus prudent, estime dans son scénario de référence une stabilité autour de 1,4 enfant par femme, avec un scénario « haut » entre 1.5 et 1,57 et un scénario « bas » entre 1.3 et 1,26 d’ici 2055.

Ces hypothèses restent relativement optimistes par rapport aux chiffres récents : l’IFC était de 1,29 en 2024, et les données provisoires du premier semestre 2025 confirment la poursuite de la baisse du nombre de naissances (43’933 naissances contre 45’610 un an plus tôt).

Fécondité déterminante pour le fonds des APG

Face à ce constat, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a choisi comme point de départ pour les prévisions de dépenses des APG en 2025 la moyenne des naissances des trois dernières années, à laquelle il applique ensuite les taux de croissance du scénario de référence de l’OFS. Les perspectives financières de l’OFAS reposent sur ce scénario de référence (graphique 3, ligne rose). La ligne « basse » correspond au scénario de faible fécondité de l’OFS, et la ligne « haute » à celui de forte fécondité.

Passer d’un indicateur de fécondité de 1,34 à 1,5 se traduirait par une augmentation des dépenses annuelles d’environ 200 millions de francs dès 2025, sans recettes supplémentaires. Ce différentiel pèserait directement sur le résultat de répartition, réduisant la capacité du fonds à croître. D’ici 2035, cela représenterait près de 3 milliards de francs de moins dans le fonds des APG — soit une diminution de près de 50 % du volume d’investissement potentiel.

À l’inverse, si l’IFC futur oscillait entre 1,30 et 1,26 enfant par femme, les dépenses annuelles diminueraient en moyenne de 100 millions de francs. Le fonds croîtrait alors plus rapidement et atteindrait, en 2035, un niveau supérieur d’environ 1 milliard au scénario de référence.

Un équilibre fragile à long terme

Les finances des APG sont aujourd’hui saines et devraient le rester dans les années à venir : les recettes dépassent les dépenses et le fonds se renforce régulièrement. Cet équilibre demeure toutefois fragile à long terme, car il dépend d’un facteur difficilement prévisible : le nombre de naissances. Si la fécondité continue de baisser, le fonds des APG croîtra plus rapidement grâce à la diminution des dépenses liées aux congés parentaux. À l’inverse, un rebond durable du taux de natalité alourdirait les charges et pourrait ralentir la progression du fonds. Enfin, l’évolution de la politique familiale et militaire représente une autre source d’incertitude, susceptible d’influencer significativement les finances du régime.

Cette année, les perspectives financières des APG publiées ne reflètent pas encore les incertitudes inhérentes à toute projection. Des scénarios « haut » et « bas » sont toutefois en cours d’élaboration et seront intégrés dès l’année prochaine.

Économiste, Secteur Mathématiques, Office fédéral des assurances sociales (OFAS)
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