Tout travail, entendu au sens large comme une activité productive, ne donne pas accès à une rémunération et à des droits sociaux. Le travail domestique en est l’exemple paradigmatique : exercé dans la sphère privée, il n’est ni rétribué, ni porteur d’autres droits sociaux que les bonifications pour tâches éducatives dans le régime de l’assurance vieillesse et survivants (AVS), et cela depuis 1997. La rémunération et les droits sociaux varient selon la qualification juridique du travail exercé, selon sa reconnaissance sociale et selon le statut social ou administratif de celles et ceux qui l’exécutent. Ce constat est valable pour les activités productives effectuées sur le marché du travail dit primaire (ou ordinaire) et également sur le marché dit complémentaire. Les conditions de rémunération et de couverture sociale sur ce dernier marché sont aujourd’hui encore largement méconnues.
Dans cet article, nous proposons de faire un premier bilan de cette problématique. Nous nous focaliserons sur sept formes d’emploi dans les cantons Bâle-Ville, Tessin et Vaud : le placement à l’essai de l’assurance-invalidité (LAI), les programmes d’emploi temporaire de l’assurance-chômage (LACI), les mesures d’insertion professionnelle pour les personnes à l’aide sociale, les programmes d’occupation pour les titulaires d’un permis de séjour provisoire (N et F) (LAsi), le service civil (LSC), le travail d’intérêt général comme modalité d’exécution d’une sanction pénale (CP) et les ateliers productifs pour les personnes en situation de handicap (LIPPI). Notre propos est construit en trois sections. Dans un premier temps, nous reviendrons sur la définition du marché complémentaire. Nous examinerons ensuite les formes de rémunération et la couverture sociale dans les cas de maladie, d’accident, de maternité et de vieillesse dans les sept formes d’emploi retenues. Il s’agira p. ex. de considérer le nombre d’indemnités maladie auquel peut prétendre une personne au chômage dans le cadre d’un programme d’emploi temporaire ou d’examiner comment une personne détentrice d’un permis F (admise à titre provisoire) qui travaille dans un programme d’occupation est assurée en cas d’accident. Dans une troisième section, nous dresserons quelques considérations générales concernant la couverture sociale sur le marché complémentaire.
Définition du marché complémentaire Il n’existe actuellement pas de définition précise de la notion de marché complémentaire et les chercheurs ne s’accordent pas sur les formes d’emploi qui en font partie. Utilisée davantage en Suisse allemande, la notion de marché complémentaire (« Ergänzender Arbeitsmarkt ») a été forgée dans le contexte zurichois au milieu des années 1990 pour désigner les activités (rémunérées ou non) visant l’intégration professionnelle et sociale des personnes sans emploi (Pedergnana et Leibundgut 1997). La notion de marché secondaire (« Zweiter Arbeitsmarkt »), davantage répandue dans les documents scientifiques et politiques en Suisse, prête à confusion puisqu’elle renvoie, dans les théories économiques, aux emplois les moins qualifiés et les moins protégés du marché du travail ordinaire (Doeringer et Piore 1971). En Suisse, les premiers travaux sur le marché du travail secondaire font suite à la révision de la LACI et à la mise en œuvre des mesures actives au milieu des années 1990 (même si des objectifs d’insertion professionnelle étaient déjà présents dans la loi de 1982). Dans une étude exploratoire, Baur et al. (1998, p. 13) précisent que les activités colloquées sur le marché secondaire ne suivent pas la loi de l’offre et de la demande et n’ont ainsi pas comme but principal de répondre à une demande en termes de biens et de services, mais poursuivent d’autres objectifs dont l’intégration professionnelle et l’utilité publique, notamment. Parmi les critères retenus pour définir ce marché, les auteurs mentionnent le fait qu’il s’agit d’un marché subventionné, pourvu en fonction d’objectifs de politiques sociales et de l’emploi, avec des emplois à durée déterminée et non-concurrentiels à ceux du marché primaire. Ils y incluent les mesures d’occupation destinées aux personnes sans emploi et les civilistes, alors que la protection civile, le travail en prison et les ateliers productifs pour personnes en situation de handicap feraient partie du marché complémentaire, considéré comme plus large que le marché secondaire.
Dans une recherche financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS 100017_172860 : Le rôle de l’État dans la segmentation du marché du travail : étude qualitative du marché complémentaire à Bâle-Ville, au Tessin et dans le canton de Vaud ), lancée le 1er janvier 2018, nous proposons de garder la notion de marché complémentaire, tout en introduisant une nouvelle définition. Dans notre acception, ce qui est échangé sur ce marché n’est pas une force de travail contre un salaire (comme sur le marché du travail ordinaire), mais des places de travail contre des personnes avec des statuts administratifs spécifiques : invalides, civilistes, personnes condamnées, assistées ou migrantes avec des permis N ou F. Selon nous, le marché complémentaire est un marché de services entre l’État et des prestataires de services (associations, fondations, entreprises privées, administrations publiques) qui répondent à une demande étatique de création de places de travail. Sur le marché complémentaire, l’État délivre une autorisation d’exercer un rapport productif impliquant des prestataires de services et des personnes avec un statut administratif dont l’État définit les conditions. Ainsi, pour être reconnu notamment comme
- « invalide » ou « civiliste » : il faut répondre à des critères précis.
- « atelier protégé LIPPI » ou « établissement d’affectation LSC » : il s’agit de remplir des conditions prédéfinies.
Ce double système délivre aux prestataires de service le droit de faire travailler une main-d’œuvre aux statuts administratifs spécifiques à des conditions particulières, soit différentes de celles qui sont définies par le code des obligations (CO) et la loi sur le travail (LTr). Une telle autorisation d’exercer un rapport productif n’a pas d’équivalent sur le marché du travail primaire qui met en présence deux parties jugées indépendantes du point de vue juridique. Cette relative symétrie juridique entre un employeur et un employé n’existe pas sur le marché complémentaire, car les modalités contractuelles du rapport productif sont le plus souvent déterminées ex ante par le statut administratif des travailleurs (cf. graphique G1).
Cette définition présente selon nous l’avantage de ne pas réduire le marché complémentaire à des formes d’emploi spécifiques susceptibles d’évoluer selon le contexte. Elle met l’accent sur une relation de travail tripartite entre l’État, un prestataire de services et une personne dans une situation administrative spécifique, qui se transforme en travailleuse du fait même de cet échange. Une personne au chômage (par définition sans-emploi, disponible pour un emploi et à la recherche d’un emploi) devient donc une travailleuse sans emploi dès lors qu’elle est assignée à un programme d’emploi temporaire.
Rémunération et couverture sociale S’il ne fait aucun doute que les personnes actives sur le marché complémentaire travaillent au sens où elles produisent des biens et des services dans un rapport de subordination, se pose la question de savoir si, et dans quelle mesure, elles sont assurées contre les conséquences économiques de certains risques sociaux. La couverture sociale désigne l’ensemble des prestations sociales auxquelles peuvent prétendre les personnes en cas d’incapacité de travail ou de gain liée à la survenue d’un risque. En Suisse, ces risques sont essentiellement couverts par les assurances sociales et les prestations sociales sous condition de ressources, soit celles qui interviennent en complément et de façon subsidiaire aux assurances sociales. Les cotisations/primes relatives à certaines assurances sont obligatoires pour toute la population : AVS, AI, APG, AMal ; d’autres sont liées au fait d’avoir un emploi : AC, AA, PP notamment.
Dans les sept formes d’emploi retenues pour cet article, l’activité est déterminée par différents textes légaux entraînant une importante hétérogénéité des modalités contractuelles : LACI, LAI, LAsi, LIPPI, LSC, CP, lois cantonales sur l’aide sociale. Loin d’opposer marché primaire et marché complémentaire, notre objectif est de montrer les convergences et les divergences en matière de conditions de travail et de couverture sociale entre ces deux marchés. Les contrats signés au sein des ateliers productifs pour les personnes en situation de handicap reprennent de nombreux éléments du CO et sont les seuls à proposer un salaire, allant de quelques centimes à des dizaines de francs par heure de travail. Ils sont de ce fait les plus proches du marché primaire. Dans les régimes assurantiels du chômage, de l’invalidité et du service civil, les personnes perçoivent des indemnités journalières dont le montant est déterminé par leur situation antérieure sur le marché du travail (selon le principe du gain assuré). Dans les régimes assistantiels (aide sociale, LAsi), la participation à une mesure professionnelle donne en général lieu à un supplément ou une indemnisation financière qui s’ajoute à un forfait de base. Le montant de ce forfait varie selon les cantons, mais il n’est jamais déterminé par le type d’activité effectuée (pour davantage d’informations à ce sujet voir : www.marchecomplementaire.ch/fr/ > rubrique résultats > marché complémentaire et droit du travail). La seule forme d’emploi qui n’est pas rétribuée est le travail d’intérêt général.
Les différentes formes de rémunération de l’activité productive (salaire, indemnités journalières, forfait, supplément) ne sont pas égales du point de vue social et juridique, accordant ainsi un accès fortement différencié aux droits sociaux. Les sept formes d’emploi font l’objet d’une présentation par risques (maladie, accident, maternité, vieillesse) synthétisés dans un tableau disponible sur Internet (www.marchecomplementaire.ch/fr/ > Rubrique résultats > Marché complémentaire et couverture sociale). Le présent article met en exergue certains éléments pertinents pour les quatre risques examinés dans les sept formes d’emploi.
Maladie Sur le marché primaire, l’art. 324 a CO en particulier ouvre un droit restreint au salaire en cas de maladie : la durée du versement du salaire par l’employeur est fonction des années de service de la personne (échelle de Berne). L’employeur peut toutefois contracter une assurance indemnités journalières maladie et, dans ce cas, le salarié peut bénéficier d’une couverture allant jusqu’à 730 jours de prise en charge d’au moins 80 % du salaire. Les primes et la participation aux frais médicaux restent cependant à la seule charge de la personne (sauf dans le cas où elle bénéficie d’un subside).
Une personne au chômage participant à un programme d’emploi temporaire aura droit
- à la même part d’indemnité qu’une personne ne participant pas à un tel programme bien qu’étant au chômage.
- à la même quantité d’indemnités en cas de maladie qu’une personne au chômage qui n’exerce pas d’activité, c’est-à-dire à 44 indemnités maladie durant son délai-cadre, au maximum durant 30 jours consécutifs. Certains cantons, notamment le canton de Vaud, ont mis en place une assurance perte de gain maladie obligatoire qui étend ce droit au-delà des 44 jours prévus par la LACI. La loi sur l’emploi vaudoise (LEmp, RSV 822.11) prévoit des indemnités maladie selon l’étendue du droit aux indemnités chômage (60 jours pour un droit de 90 jours, 130 pour 200, etc.).
Une personne placée à l’essai, au bénéfice d’une rente-invalidité, percevra, active ou en arrêt pour cause de maladie, le même montant de rente LAI.
Dans les régimes assistantiels, seuls les jours travaillés ouvrent le droit au supplément. Dans le cas des programmes de l’aide sociale et de la LAsi, l’incapacité de travail pour cause de maladie entraîne donc de facto la suppression du supplément octroyé en cas de participation à une mesure.
L’autorité cantonale assure le paiement des primes pour les personnes à l’aide sociale, les titulaires d’un permis N ou F et sous condition de ressources pour les autres personnes. La participation aux frais (franchise et quote-part essentiellement) varie fortement selon les formes d’emploi considérées. Un civiliste ne s’acquittera d’aucun montant, sa prime maladie étant suspendue s’il réalise un service de 60 jours et prise en charge par l’assurance militaire. Les autres personnes concernées doivent s’acquitter de la franchise (pouvant aller jusqu’à 2500 francs/année) et de la quote-part (10 % des factures ultérieures, pour un montant maximal de 700 francs/année).
Notons enfin qu’analyser la situation d’une personne condamnée (TIG) est impossible puisque son statut est, outre l’exécution de sa peine sous forme de travail d’intérêt général, totalement inconnue : elle peut être aussi bien salariée qu’indépendante, chômeuse ou dépendante de l’aide sociale. Le TIG en tant que tel n’ouvre aucun droit lors de la survenance d’un risque, quel qu’il soit (maladie, grossesse, décès, retraite).
Accident En cas de survenue d’un accident professionnel sur le marché complémentaire, la situation est également très hétérogène. Le chômeur en programme d’emploi temporaire est assuré par la SUVA, comme de nombreux travailleurs du marché primaire, le civiliste bénéficie d’une couverture plus large que celle découlant de l’assurance-accidents, l’assurance militaire prévoyant des prestations qui ne connaissent pas d’équivalent dans les autres assurances. Si le champ d’application personnel de la LAA englobe sans doute possible le chômeur (art. 1 a / 1 let. b LAA), le Tribunal fédéral a clarifié la situation des personnes placées à l’essai au sens de la LAI dans un arrêt du 4 décembre 2018 (ATF 144 V 411) en indiquant qu’elles sont au bénéfice d’une couverture contre les accidents au sens de la LAA. Pour les personnes participant à une mesure d’intégration professionnelle au sens de l’aide sociale, cela a été clarifié dans un arrêt daté de 2017 (Arrêt du TF 8C_302/2017 du 18 août 2017). Pour déterminer par quelle assurance l’accident subi par une personne en mesure à l’aide sociale doit être pris en charge, le TF n’a pas considéré
- la rémunération, respectivement son absence,
- la durée de l’engagement,
- la présence d’un contrat écrit, respectivement son absence,
mais le but visé, à savoir de formation et d’apprentissage. Le TF a conclu que la couverture devait être assurée par l’assurance-accidents conclue par l’ « entreprise » dans laquelle se déroulait la mesure.
À ce jour, la question de la couverture contre les accidents des personnes migrantes au bénéfice d’un permis N/F est ouverte lorsqu’elles prennent part à un programme d’occupation.
Maternité Toute femme devrait bénéficier du même suivi médical de grossesse, aux conditions prévues par la LAMal. Selon l’art. 64 al. 7 let. b LAMal, dès la « 13e semaine de grossesse, pendant l’accouchement, et jusqu’à huit semaines après l’accouchement », aucune participation aux coûts (franchise/quote-part) ne peut être exigée par l’assureur, même lorsque la prestation médicale n’est pas en lien direct avec la maternité. Les prestations spécifiquement liées à la maternité sont exemptes de participation avant la 13e semaine de grossesse en vertu de l’art. 64 al. 7 let. a LAMal. Cette règle est aussi valable sur le marché complémentaire et le statut de la femme enceinte n’impacte pas sa prise en charge, qu’elle soit en mesure à l’aide sociale, au bénéfice d’un contrat en atelier protégé ou placée à l’essai au sens de la LAI.
Après la naissance, comme prévu par l’art. 16 g al. 1 let. a et b LAPG, l’allocation de maternité exclut le versement des indemnités journalières de l’assurance-chômage et de l’assurance-invalidité. Si un droit à une indemnité journalière existe au sens de la LACI ou de la LAI, la femme bénéficiera d’un congé rémunéré de 98 jours (art. 16 d LAPG) d’un montant au moins identique à son statut précédant l’accouchement (bénéficiaire LACI ou LAI)
Si elle est engagée dans un atelier protégé au moment de la naissance, son congé sera également de 98 jours. Des droits supplémentaires peuvent exister en fonction du contrat individuel de travail signé entre elle et l’employeur. Une femme bénéficiant de prestations de l’aide sociale ne pourra prétendre à un congé rémunéré, celui-ci étant réservé aux femmes salariées, indépendantes ou au bénéfice d’indemnités journalières visant à remplacer un salaire : le supplément perçu au titre de participation à une mesure d’intégration professionnelle n’est pas considéré comme telles.
Vieillesse Le montant d’une rente de vieillesse au sens de la LAVS est déterminé tant par le nombre d’années de cotisation (« échelle ») que par le montant du gain annuel réalisé durant les années de cotisation. Comme les rémunérations prévues sur le marché complémentaire sont inférieures aux salaires perçus sur le marché primaire du travail, cela a un impact sur la retraite des personnes concernées dont les rentes vieillesse seront généralement moins élevées.
Des différences existent aussi au sein même du marché complémentaire : si la rémunération dans le cadre d’un emploi en atelier protégé est souvent très faible, elle entraîne tout de même des droits en matière de retraite supérieurs à ceux des personnes au bénéfice de l’aide sociale. Ne donnant lieu à aucune rémunération, le TIG est la seule des sept formes d’emploi considérées qui ne donne aucun droit en matière de retraite.
Plus la période hors marché primaire est longue, plus les répercussions seront importantes sur le montant perçu au titre du 1er pilier.
Concernant le 2e pilier (LPP), seules les personnes ayant un salaire annuel supérieur à 21 330 francs (seuil d’accès 2019) avec une durée de contrat supérieure à trois mois cotisent : elles peuvent dès lors faire valoir des prétentions à l’égard de la caisse de pensions une fois arrivées à l’âge de 64/65 ans. Cela exclut de nombreuses personnes actives sur le marché complémentaire, excepté les civilistes et certaines personnes actives en atelier productif au sens de la LIPPI qui ne sont pas au bénéfice d’une rente AI entière (art. 1 j OPP2). Pour les personnes au chômage, la loi prévoit que sont prélevées sur les indemnités journalières uniquement les cotisations nécessaires à la couverture des risques « survivants » et « invalidité » mais non celle relative au risque vieillesse ; en effet, l’art. 22 a al. 3 LACI prévoit que « la caisse déduit du montant de l’indemnité la part des cotisations à la prévoyance professionnelle, afin de garantir la couverture d’assurance en cas d’invalidité ou de décès de l’assuré ». En matière de prestations vieillesse, le fait d’exercer une activité productive sur le marché complémentaire ne leur donne donc pas droit à une couverture sociale améliorée, contrairement à ce qui se passe sur le marché ordinaire.
Considérations générales concernant la couverture sociale sur le marché complémentaire La grande hétérogénéité des formes de rémunération et de couverture sociale sur le marché complémentaire témoigne du fait que la réglementation légale dans ce domaine contribue à la fragmentation générale du monde du travail. Ceci contraste avec une des missions historiques de l’État social qui était de favoriser une certaine unification ou standardisation des relations contractuelles nouées au sein du salariat. Le marché complémentaire est donc partie prenante de l’effritement de la société salariale (Castel 1995) qui tend à remettre en cause des droits sociaux rattachés à l’activité salariée comme résultat d’un long processus de luttes sociales et de négociations politiques. L’essor de ce marché résulte par ailleurs des transformations des institutions étatiques qui jouent de plus en plus un rôle de « faiseurs de marché » (Ball 2007, p. 38) dans le domaine de la politique sociale.
Une incapacité de travail sur le marché complémentaire des bénéficiaires de l’assistance débouche purement et simplement sur le retrait de leur supplément. Nous observons là aussi une contradiction avec une des missions traditionnelles de l’État social. Historiquement, la mise en place du système de protection sociale visait à socialiser les risques et à mettre fin à l’incertitude et à la précarité inhérente au travail « au jour la journée », ce qui a largement contribué à renforcer la centralité du travail salarié et à forger sa « dignité ». Dans le contexte actuel, certaines franges de la population sont durablement exclues du marché du travail et cela implique des restrictions importantes en matière de champ d’application du système de protection sociale. L’aide sociale p. ex., initialement conçue comme une aide financière ponctuelle, est aujourd’hui de plus en plus sollicitée par des personnes sur une longue durée (Schorderet 2016). L’existence même du marché complémentaire atteste de la valeur centrale du travail en Suisse. Toutefois les modalités contractuelles de l’activité productive sur ce marché réintroduisent le « travail au jour la journée », notamment dans les domaines assistantiels, où elles n’offrent aucune protection en cas d’incapacité de travail.
- Bibliographie
- Schorderet, Pierre-Antoine (2016) : L’assurance-indemnité journalière en cas de maladie : une lacune dans le système de protection sociale ? Dossier Artias : www.artias.ch > Dossier du mois > Août 2016.
- Ball, Stephen (2007): Education plc: Understanding private sector participation in public sector education, London: Routledge.
- Carigiet, Erwin ; Mäder, Ueli ; Bonvin, Jean-Michel (2003) : Wörterbuch der Sozialpolitik, Zürich : Rotpunktverlag.
- Baur, Rita ; Duvinage, Frédéric ; Albert, Nicole ; van de Vijfeijken, Leonie (1998) : Zweiter Arbeitsmarkt in der Schweiz , Bern, Stuttgart, Wien : Verlag Paul Haupt.
- Pedergnana, Maurice ; Leibundgut, Urs (1997) : Der ergänzende Arbeitsmarkt. Positionen und Perspektiven des Sozialdepartements der Stadt Zürich. Überarbeitete und ergänzte Version , Zürich : Sozialdepartement der Stadt Zürich.
- Castel, Robert (1995) : Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris : Fayard.
- Doeringer, Peter B. ; Piore, Michael J. (1971) : Internal Labor Markets and Manpower Analysis, Lexington, Mass : Heath Lexington Books.