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Personnes âgées : évolution des besoins en prestations d’aide

Une étude récente explore les différents facteurs influant sur les besoins en prestations d’aide chez les personnes âgées. Si l’âge joue un rôle déterminant, d’autres éléments doivent être pris en compte pour appréhender l’évolution des besoins.
Patrik Gajta, Jeremy Zuchuat
  |  30 avril 2025
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Chez les personnes âgées, plus le soutien social est important, moins les besoins en presta-tions d’aide sont élevés. (Alamy)

En un coup d’œil

  • La forte augmentation du nombre de personnes de 65 ans et plus ces prochaines années entraînera une hausse des besoins en prestations d’aide.
  • Les évolutions favorables du niveau de formation, du soutien social ou des limitations fonctionnelles pourraient atténuer cette tendance.
  • La digitalisation et l’individualisation de la société ont des effets encore incertains sur les besoins de soutien des personnes âgées.

L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) est responsable d’octroyer des aides financières à des organisations privées reconnues d’utilité publique et actives à l’échelle nationale qui effectuent des tâches en faveur des personnes âgées (article 101bis de la loi sur l’assurance vieillesse et survivants, LAVS). À la suite d’une révision récente du règlement de l’AVS, l’OFAS est chargé d’élaborer les bases permettant au Conseil fédéral de fixer le montant maximal de ces subventions, en tenant compte notamment de l’évolution des besoins.

C’est dans ce contexte que le Bureau BASS a été mandaté pour étudier l’évolution des besoins en prestations d’aide aux personnes âgées (Gajta et al. 2025). Afin de dresser une vue d’ensemble des facteurs d’influence, l’étude s’appuie sur une large revue de la littérature et des documents des organisations subventionnées, ainsi que sur des entretiens avec des expertes et experts du domaine. Les facteurs retenus sont analysés de manière empirique sous deux angles : leur évolution entre 2012 et 2022, ainsi que leur relation avec le recours aux et les besoins en prestations d’aide, les deux questions étant traitées à l’aide des données de l’Enquête suisse sur la santé (ESS).

L’aide aux personnes âgées se définit ici comme l’ensemble des mesures de soutien, de renforcement et d’encouragement permettant à celles-ci de mener le plus longtemps possible une vie indépendante et autonome (Stettler et al. 2020). Ces aides financières requièrent en outre de porter une attention particulière aux groupes vulnérables, définis comme les personnes touchées par une accumulation de facteurs défavorables, qu’ils soient économiques, sociaux, culturels ou sanitaires (Gasser et al. 2015).

Influence des facteurs globaux

L’analyse a d’abord mis en évidence plusieurs facteurs globaux influant sur les besoins et le recours aux prestations d’aide aux personnes âgées. Ceux-ci correspondent aux évolutions générales de la société à long terme et peuvent être répartis en quatre grandes catégories : les facteurs démographiques, sanitaires, sociétaux et intervenants.

Les évolutions démographiques englobent principalement le vieillissement démographique et la migration. En Suisse, la population des 65 ans et plus augmente fortement en raison du faible taux de fécondité et de la hausse de l’espérance de vie, passant de 1,64 million en 2020 (18,9 % de la population) à 2,09 millions en 2030 (22,1 %), selon les projections. Bien que l’âge seul ne détermine pas les besoins de soutien, ceux-ci augmentent avec l’âge, laissant présager une demande et un recours croissants en prestations d’aide.

La migration représente un autre facteur démographique majeur ayant potentiellement une influence sur les besoins de soutien. La part de personnes issues de la migration devrait augmenter dans les prochaines années au sein de la population âgée de 65 ans et plus (OFS 2020). Cette population pourrait théoriquement présenter des besoins et un recours aux prestations différents de la population non issue de la migration.

Les évolutions sanitaires sont également cruciales pour appréhender les changements en besoins de soutien. Si l’espérance de vie après 65 ans tend à augmenter de manière continue, la fréquence des incapacités fonctionnelles tend pour sa part à se réduire. En conséquence, l’espérance de vie sans incapacités fonctionnelles augmente alors que la période de vie avec incapacités reste plutôt stable, voir se réduit légèrement (Seematter-Bagnoud et al. 2021). La période durant laquelle les personnes âgées auraient besoin de soutien tend ainsi à rester stable.

D’autres facteurs sanitaires peuvent également influencer les besoins, avec des effets contrastés : d’une part, les comportements en matière de santé (tabac, surpoids, alcool, activité physique) et l’état de santé auto-évalué présentent des évolutions plutôt favorables, d’autre part, la proportion de personnes âgées présentant des problèmes de santé de longue durée, de la multimorbidité ou des troubles psychiques tend à augmenter (OFS, 2012, 2017, 2022).

Parmi les principaux facteurs sociétaux, le niveau de formation des personnes âgées influe sur leur besoin et leur accès aux aides. Un niveau élevé est lié à une meilleure situation financière, santé et connaissance des prestations, tandis qu’un niveau bas accroît le besoin de soutien mais limite le recours aux aides. En Suisse, la formation moyenne des seniors progresse, avec une hausse des diplômés du tertiaire de 16,8 % en 2010 à 26,5 % en 2022.

La digitalisation constitue une autre évolution sociétale cruciale, dont les effets sont contrastés. Si le progrès technologique permet de compenser certaines limitations chez les personnes qui le maitrisent, la digitalisation, par les barrières additionnelles qu’elle impose, peut exclure la frange la plus vulnérable des personnes âgées. Enfin, d’autres tendances sociétales peuvent également s’avérer significatives, telles que la hausse du nombre de personnes âgées vivant seules à domicile, l’accroissement de la mobilité et l’éloignement familial ou encore les changements d’attitude des personnes âgées vis-à-vis des prestations de soutien. Leurs liens avec les besoins et le recours aux prestations de soutien restent néanmoins peu documentés au niveau suisse.

Finalement, les facteurs intervenants peuvent eux aussi influer sur différents aspects de l’aide à la vieillesse. Parmi eux, on retrouve notamment le changement climatique, les politiques de prévention et de promotion de la santé, le changement de la perception du vieillissement, ainsi que les évolutions sur le marché du travail, en particulier la pénurie de personnel dans le domaine de la santé et du social et la participation accrue des femmes au marché du travail. L’influence de ces facteurs ainsi que leur évolution future restent toutefois incertaines.

Facteurs individuels déterminants

En sus de facteurs globaux, un certain nombre de facteurs d’influence existent à l’échelle individuelle. Bien que les premiers influent sur les seconds, ces derniers restent néanmoins les déterminants principaux des besoins de soutien et du recours aux prestations. Ces facteurs individuels peuvent être classés en trois catégories distinctes : les limitations et ressources, les aspects socio-économiques et l’environnement.

Les limitations et ressources regroupent les aspects mentaux et physiques concernant l’individu. Les limitations fonctionnelles mesurent les difficultés éprouvées par les personnes à réaliser certaines activités essentielles et pour lesquelles une aide est potentiellement nécessaire. Les limitations dans les activités de la vie quotidienne instrumentales (AVQI), de même que les limitations dans les activités de la vie quotidienne de base (AVQB) ont tendance à diminuer dans le temps, ce qui suggère une baisse des besoins de soutien.

Pour faire face à ces limitations, les personnes âgées peuvent s’appuyer sur leurs ressources psychosociales. Ces dernières, généralement synonymes d’un meilleur état de santé subjectif, de symptômes dépressifs réduits et d’une plus faible mortalité, peuvent être considérées comme des facteurs de protection. Récemment, l’évolution de ces ressources affiche une tendance à la baisse, ce qui tend à accroître les besoins de soutien.

Les aspects socio-économiques sont également essentiels. L’influence de la situation financière individuelle sur les besoins de soutien et le recours aux prestations s’avère ambivalente. D’une part, une meilleure situation financière est généralement associée à des niveaux de santé et de ressources psychosociales plus élevés, et par conséquent un besoin de soutien moins élevé. À l’inverse, une situation financière plus précaire peut impliquer des besoins de soutien plus élevés, mais un recours aux prestations potentiellement plus bas en raison d’obstacles de financement ou d’accès aux prestations. En ce qui concerne les évolutions de ce facteur, la proportion de personnes âgées en situation de pauvreté ou menacées de pauvreté reste stable, de même que la proportion de personnes âgées ayant recours aux prestations complémentaires (PC).

Le soutien social dont bénéficie la personne est un autre élément primordial à considérer : plus le soutien social est important, moins les besoins en soutien et le recours aux prestations d’aide sont élevés. Les tendances actuelles laissent transparaître une augmentation de la proportion de personnes âgées se sentant seules, reflet de l’individualisation de la société et de l’éloignement géographique des familles. Dans le même temps, certaines évolutions suggèrent une extension des réseaux sociaux chez les personnes âgées, par le biais de contacts plus fréquents avec des personnes extérieures à leur famille.

Finalement, l’environnement spécifique dans lequel évoluent les personnes âgées tend lui aussi à exercer une influence sur les besoins et le recours aux prestations. En sus des environnements familial et social déjà évoqués, on peut également citer l’environnement résidentiel et la qualité du logement, ainsi que l’accès aux offres de prestations. La concentration en centres urbains implique par exemple une proximité accrue des différents services mais également des nuisances plus élevées pour la santé. Aussi, la stratégie de « l’ambulatoire avant le stationnaire » jouera assurément un rôle dans les besoins de soutien à domicile à long terme.

Des évolutions ambivalentes

Parmi l’ensemble des facteurs évoqués précédemment, certains ont été retenus pour être analysés empiriquement : l’âge, les limitations dans les AVQI, les ressources psychosociales, le niveau de formation, le soutien social et la situation financière. Ces facteurs couvrent ainsi les quatre dimensions de la vulnérabilité (Gasser et al. 2015), à savoir les dimensions physique, culturelle, sociale et économique.

Les analyses univariées et multivariées réalisées sur la base des micro-données de l’ESS mettent en évidence la pertinence des différents indicateurs retenus pour prédire les besoins et le recours aux prestations. L’âge, les limitations et les ressources psychosociales s’avèrent particulièrement pertinents. Tandis que les deux premiers sont corrélés positivement au recours aux prestations, d’autres facteurs (ressources psychosociales, soutien social, situation financière, niveau de formation) ont l’effet inverse.

Sur la base des évolutions constatées de ces facteurs, certaines hypothèses concernant les prestations subventionnées peuvent être établies. Étant donné que l’âge reste le facteur déterminant principal et que le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus va augmenter à l’avenir, la masse de prestations fournies devrait augmenter. Cependant, l’augmentation prévue du soutien social, du niveau de formation et la tendance à la réduction des limitations pourraient entraîner une diminution relative du recours à certains services, comme les visites ou les transports. À l’inverse, la baisse tendancielle des ressources psychosociales pourrait accroître le recours aux prestations de conseil, d’information ou d’orientation. La situation financière devrait rester relativement stable.

Bien que ces hypothèses restent incertaines, elles éclairent l’évolution probable des besoins de soutien des personnes âgées en Suisse et son impact sur les prestations d’aide. Des données plus complètes sur les bénéficiaires seraient nécessaires pour les vérifier. Toutefois, ces résultats soulignent l’importance d’anticiper dès maintenant les défis futurs de l’aide aux seniors.

Bibliographie

Gajta, Patrik; Zuchuat, Jeremy; Stettler, Peter; Heusser, Caroline (2025). Évolution des besoins en prestations d’aide aux personnes âgées selon l’art. 101bis LAVS ; étude mandatée par l’OFAS. Aspects de la sécurité sociale. Rapport de recherche n° 4/25

Gasser, Nadja; Knöpfel, Carlo; Seifert, Kurt (2015). Erst agil, dann fragil: Übergang vom «dritten» zum «vierten» Lebensalter bei vulnerablen Menschen. Pro Senectute Schweiz.

OFS (2012, 2017, 2022). Enquête suisse sur la santé (ESS).

OFS (2020). Les scénarios de l’évolution de la population de la Suisse et des cantons 2020–2050.

Seematter-Bagnoud, Laurence; Belloni, Giulia; Zufferey, Jonathan; Peytremann-Bridevaux, Isabelle; Büla, Christophe; Pellegrini, Sonia (2021). Espérance de vie et état de santé : quelle évolution récente ? (Obsan Bulletin 03/2021). Observatoire suisse de la santé.

Stettler, Peter; Egger, Theres; Heusser, Caroline; Liechti, Lena (2020). Ausgestaltung der Altershilfe in den Kantonen. Im Auftrag des BSV ; étude mandatée par l’OFAS. Rapport de recherche n° 3/25.

Collaborateur scientifique, Bureau d’études de politique du travail et de politique sociale (BASS)
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Collaborateur scientifique, Bureau d’études de politique du travail et de politique sociale BASS
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