En un coup d’œil
- L’établissement autonome compenswiss est chargé de gérer les fonds dédiés à l’AVS, l’AI et aux APG.
- Les perspectives financières établies par l’OFAS servent à anticiper l’évolution des entrées et sorties des trois Fonds.
- Chaque ajustement des perspectives lié à la démographie, aux réformes ou à l’économie entraîne une révision de l’allocation d’actifs pour maintenir l’équilibre entre rendement et sécurité.
En Suisse, où la prévoyance sociale est au cœur du contrat intergénérationnel, la constitution de fonds dédiés à l’assurance vieillesse et survivants (AVS), à l’assurance-invalidité (AI) et aux allocations pour perte de gain (APG) s’impose comme un pilier essentiel pour garantir la stabilité financière à long terme des assurances sociales. Ces fonds permettent de lisser les fluctuations économiques, d’anticiper les évolutions démographiques et de répondre aux engagements futurs envers les assurés. Dans ce contexte, la gestion rigoureuse de ces fonds représente un enjeu majeur. Pour un acteur tel que compenswiss, établissement autonome de droit public de la Confédération chargé de gérer ces trois fonds de compensation, disposer de perspectives fiables des résultats d’assurance est une condition fondamentale pour garantir la durabilité, la performance et la sécurité à long terme des investissements. Au centre de cette démarche se trouve un principe universel de gestion de fortune : l’adéquation de la gestion des actifs par rapports aux passifs.
Assurer la congruence actifs-passifs
La première étape dans la gestion de toute fortune – qu’il s’agisse d’un patrimoine privé ou de celui des assurances sociales suisses – consiste à assurer que la gestion des actifs soit en adéquation avec les passifs. Cette adéquation définit une capacité objective de risque de l’investisseur.
Pour compenswiss, dont les actifs se déclinent principalement en actions, obligations, immobilier et or, il est essentiel de pouvoir anticiper correctement l’évolution des finances des trois assurances sociales afin de garantir la sécurité et la stabilité des Fonds AVS, AI et APG. Disposer de prévisions fiables n’est donc pas simplement utile, mais indispensable pour que les Fonds puissent en tout temps honorer leurs engagements.
Une stratégie en mouvement
Les perspectives établies par l’OFAS concernant les résultats de répartition (à savoir les entrées moins les sorties) des trois Fonds constituent le baromètre des passifs de compenswiss. Leur évolution – sous l’effet de facteurs comme l’espérance de vie, l’immigration, l’inflation ou encore les réformes du système – implique des ajustements de la structure du portefeuille d’actifs.
L’introduction de la 13e rente AVS en décembre 2026, par exemple, va sensiblement alourdir le profil des passifs, ce qui constitue un facteur de risque et d’incertitudes. Il est donc logique que compenswiss révise sa stratégie et opte pour une allocation d’actifs plus défensive, globalement moins exposée aux actifs plus volatils – bien que potentiellement plus rémunérateurs – tels que les actions, et davantage axée sur des placements stables comme les obligations ou les liquidités. Ces adaptations auront probablement pour effet de réduire les rendements attendus, mais le risque de manque de liquidité sera maîtrisé. À l’inverse, lors de son adoption, la réforme AVS21 avait permis d’atténuer la pression sur les passifs, ouvrant la voie à une allocation d’actifs moins défensive, avec davantage d’actions et d’actifs à rendement potentiellement plus élevé.
L’AI, dont les perspectives de l’OFAS se sont singulièrement assombries ces dernières années, est un cas d’école à cet égard (Graphique 1).
La détérioration des perspectives entre 2023 (ligne verte) et 2025 (ligne noire) a entraîné une forte réduction de la capacité du Fonds de l’AI à assumer des risques tels que la volatilité et le manque de liquidité. Par conséquent, le Fonds sera probablement amené à détenir moins d’actifs à rendement élevé mais volatils, et davantage d’actifs stables à faible rendement. De plus, l’AI a une dette importante (CHF 10 milliards) envers l’AVS, qu’elle ne sera pas en mesure de rembourser dans les années à venir, comme le montrent ces mêmes perspectives. Cette situation aura des répercussions non seulement sur les placements de l’AI, mais également sur ceux de l’AVS.
Gérer des facteurs volatils
De nombreux facteurs influent sur les perspectives financières, notamment :
- Migration et démographie : l’évolution des flux migratoires et l’augmentation de l’espérance de vie ont un impact notoire sur la durée et le montant des prestations à verser.
- Inflation : la hausse des prix réduit le pouvoir d’achat de la fortune investie et accroît le coût des engagements futurs.
- Environnement économique global : les crises économiques, l’évolution des marchés financiers ou encore les décisions de politique monétaire impactent la rentabilité des actifs et la capacité à couvrir les passifs.
Ces facteurs sont volatils et difficilement estimables. Le calcul des perspectives représente ainsi un défi de taille dont l’incertitude augmente avec l’horizon.
De ces perspectives dépend l’allocation finale, c’est-à-dire la détermination de la pondération de classes d’actifs la plus appropriée pour chacun des trois Fonds de compensation (AVS/AI/APG).
Perspectives de l’OFAS : un outil clé pour compenswiss
Les perspectives établies par l’OFAS sur les résultats de répartition des assurances sociales constituent une base essentielle pour définir l’horizon des placements. Associées aux attentes de rendement, elles permettent d’établir le budget de risque. L’allocation stratégique est alors déterminée en tenant compte des perspectives macroéconomiques et financières. Elle se fait en deux étapes : allocation des classes d’actifs, puis allocation détaillée. L’allocation des classes d’actifs est proposée par la Direction au Conseil d’administration après avoir consulté son Comité de placement. Ce dernier décide ensuite de l’allocation détaillée. Chaque année, le processus d’allocation d’actifs démarre en mars et se termine en décembre (Graphique 2).
G2 : Processus d’investissement
Situation et défis des Fonds
Les trois Fonds gérés par compenswiss présentent aujourd’hui des profils distincts :
- AVS : les ajustements des allocations suivent l’évolution des perspectives démographiques et des décisions politiques majeures comme la réforme AVS21 ou l’adoption de la 13e Tant que les modalités de financement de cette dernière n’auront pas été définies, le Fonds devra maintenir une gestion conservatrice.
- AI : les perspectives demeurent sombres, avec de surcroît une dette de CHF 10 milliards envers l’AVS, sans perspective de remboursement partiel à moyen terme. Cette situation limite la marge de manœuvre et impose une gestion particulièrement prudente.
- APG : à l’inverse, la dynamique des APG est positive, à court comme à long terme, ce qui autorise une politique d’investissement plus ambitieuse et tournée vers la croissance.
Les perspectives des trois Fonds de compensation sont donc matériellement différentes (cf. Graphique 3), mais elles peuvent également évoluer sensiblement d’une année à l’autre, comme le montre le cas du Fonds AI – d’où l’importance pour compenswiss de rester flexible dans son approche.
Un équilibre entre prudence et rendement
Afin de maintenir le subtil équilibre entre prudence et performance, la gestion de compenswiss est constamment réinterrogée à la lumière des perspectives financières. Dans un environnement où chaque réforme, chaque évolution démographique ou économique peut redessiner le paysage des risques et des opportunités, l’exigence de congruence actifs-passifs préside à toutes les décisions d’allocation. Le processus de compenswiss repose sur une architecture suffisamment robuste pour absorber les ajustements de projections, qu’ils soient liés à des facteurs politiques, économiques ou de modélisation, tout en maintenant la cohérence stratégique à long terme.