En un coup d’œil
- Après l’entrée en vigueur en 2020 de la révision des dispositions du code des obligations concernant le droit de la prescription, les assurances responsabilité civile et les assurances sociales exerçant le droit de recours ont conclu un nouvel accord sur la prescription en 2022.
- Cet accord fixe des critères simples et objectifs pour déterminer le début et la durée des délais de prescription.
- Un délai de prescription de dix ans simplifie le règlement des recours.
Depuis une vingtaine d’années, un groupe de travail composé de représentants de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), de la Suva et de l’Association suisse d’assurances (ASA) discute des problèmes juridiques et pratiques liés au droit de la coordination et du recours et propose, lorsque cela est possible et approprié, des solutions pragmatiques et efficaces.
Des intérêts divergents s’affrontent au sein de ce groupe : d’un côté, la Suva et l’OFAS souhaitent créer un cadre juridique leur permettant de récupérer autant que possible les prestations versées par les assurances sociales dans les cas de responsabilité civile en exerçant des recours contre les assureurs-responsabilité civile ; d’un autre côté, l’ASA, qui représente ces assureurs, a un intérêt légitime à opposer le plus grand nombre possible de motifs juridiques à de telles demandes.
Par le passé, le groupe de travail a précisé les positions juridiques en présence et rédigé des propositions de solution à l’attention de la Commission des chefs de sinistres (CCS) de l’ASA, au sein de laquelle sont représentées les principales compagnies d’assurance-responsabilité civile. Si la CCS approuve les propositions, celles-ci sont communiquées à l’ensemble des assurances responsabilité civile ainsi qu’aux assurances sociales concernées.
Les accords sont contraignants pour la Suva, l’OFAS et les membres de l’ASA, mais les autres assureurs privés et sociaux s’y conforment également. En effet, ces textes simplifient de manière générale le règlement des dommages corporels et des cas de recours en matière de responsabilité civile. Ils contribuent de la sorte à l’économie des procédures, ainsi que le permet l’art. 13 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales (OPGA).
L’accord le plus récent date de 2022 et clarifie les dispositions du code des obligations concernant le droit de la prescription. Le nouvel accord sur la prescription remplace celui de 2020 ainsi que l’ensemble des accords sur la prescription conclus sous l’ancien droit.
Les embûches des délais de prescription
L’accord sur la prescription doit être compris comme une réaction à la révision du code des obligations (CO) concernant les délais de prescription, qui est entrée en vigueur au début de l’année 2020. Cette révision a permis d’harmoniser et d’allonger dans une large mesure les différents délais en matière de responsabilité extracontractuelle que l’on trouve pour l’essentiel dans des lois spéciales. De plus, un délai de prescription dit relatif s’applique désormais au domaine de la responsabilité civile contractuelle comme à celui de la responsabilité extracontractuelle.
Le droit de la prescription joue en particulier un rôle important pour le règlement des recours. Une fois la prescription acquise, il n’est en effet plus possible d’exécuter une créance contre la volonté du débiteur. Il suffit que ce dernier oppose expressément l’exception de prescription pour que la créance ne soit plus protégée par le droit et que les tribunaux ne puissent plus y donner suite en cas de procès civil.
La disposition suivante du droit de la responsabilité du CO s’applique en premier lieu au traitement des recours :
« En cas de mort d’homme ou de lésions corporelles, elle [l’action en dommages-intérêts ou en paiement d’une somme d’argent à titre de réparation morale] se prescrit par trois ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne tenue à réparation et, dans tous les cas, par vingt ans à compter du jour où le fait dommageable s’est produit ou a cessé. »
Art. 60, al. 1bis, CO
En d’autres termes, deux délais légaux doivent être respectés lors de l’exécution d’une créance récursoire contre une assurance-responsabilité civile : le premier est le délai « relatif » de trois ans, qui court à partir de la connaissance du dommage (ou de la prétention récursoire) et de la personne tenue à réparation ; le second est le délai « absolu » de vingt ans, qui court à partir du moment où est survenu le dommage. Dès lors que l’un de ces deux délais n’est pas respecté (ou n’est pas interrompu), la créance récursoire est prescrite.
Des notions peu claires
En pratique, le délai le plus important est généralement le plus court, c’est-à-dire le délai relatif. Or, les expressions « a eu connaissance du dommage » et « a eu connaissance de la personne tenue à réparation » qui s’appliquent dans ce cas ne permettent pas de déterminer clairement le moment ou le délai commence à courir. Cette situation n’est pas satisfaisante, car la détermination de ce moment donne régulièrement lieu à des discussions entre les parties, discussions qui aboutissent parfois devant les tribunaux civils.
Afin d’éviter pareils litiges, le nouvel accord sur la prescription définit de manière contraignante pour les parties les conditions claires et objectives dans lesquelles le délai relatif est prolongé. La prolongation du délai permet de régler la créance récursoire pendant cette période sans avoir à se soucier de la prescription. Dans certaines conditions, le délai absolu peut également être prolongé au-delà de vingt ans.
L’accord sur la prescription formule de manière claire les conditions objectives pour tous les cas de recours envisageables. Il est ainsi possible d’intégrer les cas de recours dans un système automatisé de gestion des délais, ce qui aide considérablement à traiter efficacement le volume et la diversité des cas. En fin de compte, le nouvel accord sur la prescription fournit la base permettant aux parties de traiter de manière économique les nombreux cas de responsabilité civile ou de recours.
Extension du cercle des participants
À la différence de la version de 2020, le nouvel accord sur la prescription limite son champ d’application aux dommages corporels (l’extension aux dommages matériels et pécuniaires s’est révélée impraticable et a été abandonnée). En outre, l’accord est désormais étendu aux institutions de prévoyance professionnelle, aux assureurs sociaux et privés du Liechtenstein ainsi qu’aux fonds nationaux de garantie de la Suisse et de la Principauté du Liechtenstein. De plus, sont désormais considérés comme « assureurs-accidents » non seulement ceux qui pratiquent l’assurance obligatoire visée à l’art. 68 de la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA), mais aussi ceux qui proposent l’assurance complémentaire et l’assurance facultative conformément à la loi sur le contrat d’assurance (LCA). Dans la prévoyance professionnelle, l’accord sur la prescription s’applique également aux institutions de prévoyance dans le domaine obligatoire et dans le domaine surobligatoire. À l’inverse, les assureurs-maladie ne sont couverts que dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins (couverture subsidiaire LAA).
Renonciation à soulever l’exception de prescription pendant dix ans
La règle fondamentale de la convention est la suivante : l’assureur responsabilité civile renonce, dans les limites de la couverture, pour lui et au nom de l’assuré, à soulever l’exception de prescription, dans la mesure où la prétention récursoire lui a été annoncée (ou au besoin à son assuré) par écrit dans un délai de trois ans à partir de l’événement dommageable. Pour le recours de l’AVS/AI et pour les institutions de prévoyance professionnelle, ce délai de trois ans commence à courir le jour de la réception de la demande de prestations par les organes compétents de l’AVS ou de l’AI (caisses de compensation ou offices AI) ou de l’institution de prévoyance professionnelle.
À l’expiration du délai d’annonce, mais au plus tard à l’expiration d’un délai de dix ans à compter de l’événement dommageable ou, pour les prétentions récursoires de l’AVS/AI et des institutions de prévoyance professionnelle, à partir de la réception de la demande de prestations, l’assureur exerçant le recours renonce à faire valoir des prétentions récursoires, ceci à moins qu’il empêche la survenance de la prescription en obtenant dans les délais une renonciation à soulever l’exception de prescription ou en prenant des mesures qui interrompent le délai de prescription.
L’accord sur la prescription stipule en outre que l’AVS/AI et les institutions de prévoyance renoncent, indépendamment du moment de la demande de prestations, après expiration d’un délai de quinze ans à compter de la survenance de l’événement dommageable, à faire valoir des prétentions récursoires, à moins qu’elles n’obtiennent dans les délais une renonciation à soulever l’exception de prescription ou qu’elles ne prennent de mesures qui interrompent le délai de prescription.
Pour l’AVS/AI et les institutions de prévoyance, l’annonce du recours doit ainsi intervenir en règle générale dans les trois ans à compter de la date de réception de la demande de prestations. Une fois le recours annoncé à l’assurance-responsabilité civile, la prescription est garantie pendant dix ans à compter de la réception de la demande de prestations par l’AVS/AI et les institutions de prévoyance, mais au maximum jusqu’à quinze ans à compter de la survenance de l’événement dommageable. Si nécessaire, il convient, avant l’expiration de ces délais, d’obtenir des déclarations de renonciation à soulever l’exception de prescription ou de prendre d’autres mesures qui interrompent le délai de prescription.
Annonce tardive en cas de retard dans l’annonce du recours
Si l’assureur exerçant son droit de recours n’est avisé du cas qu’après l’expiration du délai de trois ans à compter de la survenance de l’événement dommageable, il peut annoncer le recours à l’assureur-responsabilité civile dans un délai d’un an à compter de la réception de la déclaration de sinistre. Il en va de même lorsqu’une constellation de recours ne survient ou n’est connue qu’après l’expiration du délai d’annonce régulier de trois ans et ne pouvait pas être constatée plus tôt malgré une gestion diligente du recours. Ce délai d’annonce tardive d’un an débute à partir du moment où il y a connaissance de la constellation de recours. Dans tous les cas, une annonce tardive du recours n’est admissible que dans les dix ans qui suivent le jour de la survenance de l’événement dommageable.
Si aucune annonce de recours n’a pu être faite dans un délai de trois ans à compter de la réception de la demande de prestations par l’AVS/AI et les institutions de prévoyance, parce que la constellation de recours n’était pas connue (ou ne pouvait pas être constatée malgré une gestion diligente) ou parce qu’elle n’était même pas encore survenue, alors il est possible, à titre substitutif, d’annoncer le recours après coup dans un délai d’un an à compter de la connaissance de la constellation de recours, mais au maximum jusqu’à dix ans à compter de la survenance de l’événement dommageable. Une fois l’annonce tardive effectuée dans les délais, le délai de prescription est à nouveau garanti pendant dix ans à compter à partir de la réception de la demande de prestations ou au maximum pendant quinze ans à compter de la survenance de l’événement dommageable.
40 signataires
L’accord révisé sur la prescription a jusqu’à présent fait ses preuves dans la pratique. Il a en outre permis de transférer dans le nouvel accord tous les cas de recours qui avaient été ouverts sous le régime des accords correspondant à l’ancien droit, sans qu’aucune lacune n’apparaisse jusqu’à présent pour ce qui est du respect des délais de prescription.
Le fait que tous les signataires de l’accord de 2020 aient signé celui de 2022 peut également être considéré comme un succès. Enfin, le nombre de 40 signataires indique qu’un accord est en mesure de répondre à un besoin de sécurité juridique partagé par toutes les parties.