En un coup d’œil
- Une analyse de la cohorte 2016 des nouveaux rentiers AVS indique que seule une minorité d’entre eux émigrent au moment de percevoir leur rente.
- Les plus sédentaires sont les Suisses et les ressortissants des États non contractants.
- Parmi les nouveaux retraités qui s’installent au moment de percevoir leur rente à l’étranger, les ressortissants des États de l’UE ou de l’AELE ont une rente inférieure à celle des Suisses, car ils ont cotisé moins longtemps que ces derniers.
À l’exception d’une interruption temporaire pendant la pandémie de Covid-19, le nombre de personnes quittant la Suisse augmente au fil des ans. Au vu du vieillissement démographique, il est légitime de se demander quelle proportion de nouveaux rentiers émigrent, qu’il s’agisse pour eux de rentrer au pays d’origine ou de profiter d’un plus haut pouvoir d’achat. La nationalité ou le pays de destination font-ils une différence ?
Afin de répondre à ces questions, nous avons analysé un appariement du registre des rentes AVS et de la Statistique de la population et des ménages (STATPOP). Nous avons examiné le comportement migratoire des personnes ayant commencé à percevoir leur rente en 2016 (voir encadré) au moment du passage à la retraite.
Nouveaux rentiers 2016, répartition en cinq groupes
Pour notre analyse, nous avons réparti la cohorte 2016 des nouveaux rentiers en cinq groupes en fonction de leur comportement en matière d’émigration (voir graphique 1). Fin 2021, près de deux tiers des nouveaux rentiers 2016 percevaient leur rente en Suisse, et un tiers à l’étranger. La majorité des bénéficiaires vivant à l’étranger n’apparaissent pas en tant qu’émigrants, soit qu’ils aient quitté la Suisse avant 2011 (leur départ ne figure donc pas dans les données analysées), soit qu’il s’agisse de frontaliers qui n’ont jamais résidé en Suisse.
Qui a droit à une rente AVS ?
Pour avoir droit à une rente de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS), il faut avoir cotisé pendant au moins un an. Toutes les personnes qui résident en Suisse dès leur vingtième année (18 ans pour les actifs) et les frontaliers exerçant une activité lucrative en Suisse sont obligatoirement assurées dans l’AVS.
Lorsqu’ils atteignent l’âge de la retraite, tous les résidents en Suisse qui y ont droit perçoivent une rente de vieillesse de l’AVS, indépendamment de leur nationalité. Les ayant-droits qui résident à l’étranger peuvent y recevoir leur rente, pour autant qu’il s’agisse de ressortissants suisses, d’un État de l’UE ou de l’AELE, ou d’un État avec lequel la Suisse a conclu une convention de sécurité sociale qui règle l’exportation des prestations. En 2016, par exemple, l’exportation des rentes de 86 % de la population résidente permanente étrangère était garantie par une convention de ce type. Tout comme les ressortissants suisses, ces personnes ont droit à une rente AVS au moment de leur retraite, même si elles émigrent. Pour notre analyse, nous avons fait la distinction entre les ressortissants d’États contractants et ceux d’États de l’UE ou de l’AELE.
En revanche, les ressortissants d’États n’ayant pas conclu de convention de sécurité sociale qui s’installent à l’étranger n’ont pas droit à la rente AVS, mais peuvent demander que les cotisations AVS versées par leur employeur et par eux-mêmes leur soient restituées sous forme de retrait en capital unique sans intérêt. Cette restitution est plafonnée et correspond à la rente de vieillesse hypothétique capitalisée calculée sur la base des cotisations versées.
Deux tiers des retraités restent en Suisse
En 2016, selon le registre des rentes, 126 200 personnes ont perçu leur première rente de vieillesse AVS, en Suisse ou à l’étranger. Fin 2021, deux tiers d’entre eux vivaient toujours en Suisse, et un tiers à l’étranger. Toutefois, ce dernier chiffre comprend à la fois les émigrants et les frontaliers qui travaillaient en Suisse avant leur retraite.
Il est donc plutôt rare d’émigrer dans un pays tiers ou de retourner dans le pays d’origine au moment du passage à la retraite : seuls 5 % de tous les nouveaux bénéficiaires quittent le pays dans les 5 ans qui précèdent ou qui suivent la première perception de leur rente, pour la plupart au moment de la perception de la rente (3 %, c’est-à-dire 3800 personnes), soit deux ans avant ou un an après.
Les ressortissants suisses et des États non contractants sont particulièrement sédentaires : fin 2021, 90 % d’entre eux percevaient leur rente en Suisse. Par contre, seuls 15 % des ressortissants de l’UE ou de l’AELE y résidaient toujours (voir graphique 2). Ce groupe se caractérise notamment par un taux élevé de personnes ayant émigré avant la retraite et de frontaliers (76 % au total). En revanche, seuls 5 % ont quitté la Suisse au moment de percevoir la rente. En comparaison, ce taux est deux fois plus élevé pour les ressortissants des États contractants.
Le Portugal vient en tête
83 % des 3800 nouveaux rentiers qui émigrent au moment de percevoir la rente s’installent dans un pays européen. Avec 15 %, le Portugal vient en tête, suivi de l’Allemagne (13 %), de l’Italie (11 %), de la France, de l’Espagne et de la Serbie avec chacun 9 % (voir graphique 3).
Les Suisses aiment particulièrement la France : 62 % des nouveaux rentiers qui y ont émigré au moment de percevoir la rente ont la nationalité suisse. Il s’agit, outre des ressortissants suisses qui s’installent près de la frontière, aussi de Suisses naturalisés.
La proportion de Suisses est bien plus faible dans les autres pays d’Europe. L’Espagne vient en deuxième position avec 34 %. Le Portugal est lanterne rouge, où seuls 13 % des nouveaux rentiers émigrants au moment de percevoir la rente ont la nationalité suisse.
Hors d’Europe, la Thaïlande est la destination préférée des nouveaux rentiers émigrants au moment de percevoir la rente : 3 % y vivent, dont 95 % de Suisses, alors qu’en moyenne, ces derniers ne représentent que 40 % de tous les nouveaux rentiers ayant émigré au moment de percevoir la rente.
La durée de cotisation et le revenu sont déterminants
En 2016, la rente de vieillesse minimale était de 1175 francs, la maximale de 2350 francs pour une personne seule. Les couples mariés reçoivent une rente plafonnée à maximale 3525 francs. Le montant de la rente dépend principalement de deux facteurs.
Le montant de la rente AVS dépend premièrement de la durée de cotisation, à savoir le nombre d’années où des cotisation ont été versées. Pour percevoir une rente maximale complète, les femmes devaient avoir cotisé 43 ans et les hommes 44 ans. Ce facteur est particulièrement pertinent dans un contexte migratoire, puisque les personnes concernées présentent souvent des durées de cotisation incomplètes, soit qu’elles soient arrivées tard en Suisse ou qu’elles la quittent avant l’âge de la retraite. De même, les frontaliers ont souvent cotisé moins que 44 ans.
Deuxièmement, le montant de la rente dépend aussi du revenu annuel moyen déterminant. En 2016, pour percevoir la rente maximale, les assurés devaient avoir réalisé un revenu moyen de 84 600 francs sur toute la durée de cotisation.
L’interaction entre ces deux facteurs est illustrée par le montant moyen de la rente AVS par les émigrants ayant quitté la Suisse au moment de percevoir la rente. Dans l’ensemble, les nouveaux rentiers suisses ont cotisé 38 ans pour un revenu annuel moyen de 68 400 francs. Ils perçoivent donc une rente de 1660 francs, plus élevée que celle des ressortissants de l’UE, de l’AELE, et des États contractants et non contractants (voir tableau).
Malgré un revenu moyen de 72 200 francs, la rente des ressortissants de l’UE et de l’AELE qui émigrent au moment de percevoir la rente n’est que de 1060 francs, soit la rente moyenne la plus faible. En effet, leur durée moyenne de cotisation n’est que de 24 ans. Enfin, les ressortissants d’États non contractants présentent la durée de cotisation la plus courte et le revenu moyen soumis à l’AVS le plus bas. Comme mentionné, en l’absence de convention de sécurité sociale, ils ne peuvent percevoir leur rente à l’étranger.
Trois groupes de destinations
S’agissant de la destination, et sans tenir compte de la nationalité des rentiers, trois groupes se dégagent : le premier comprend l’Allemagne et l’Autriche ainsi que l’Amérique du Nord (États-Unis et Canada). La durée moyenne de cotisation des nouveaux rentiers AVS qui émigrent au moment de percevoir la rente est de 20 à 25 ans et leur revenu annuel est de 86 300 à 100 000 francs, soit une somme relativement élevée. En moyenne, leur rente est d’environ 1000 francs.
Le deuxième groupe comprend les personnes ayant émigré aux Émirats arabes unis, à Monaco et à Singapour : leur durée de cotisation est relativement courte (19 ans), mais leur revenu annuel soumis à l’AVS est élevé (plus de 230 000 francs). En moyenne, leur rente est de 850 francs.
Enfin, les bénéficiaires d’une rente AVS en Thaïlande, au Brésil et aux Philippines ont cotisé longtemps (39 ans en moyenne) et réalisé un revenu soumis à l’AVS qui se situe dans la moyenne (un peu plus de 70 000 francs). Ce sont eux qui touchent la rente la plus élevée des trois groupes, soit 1740 francs en moyenne. Ce chiffre s’explique par la proportion élevée de ressortissants suisses, qui ont cotisé longtemps avant leur émigration.
Émigrer au moment de la retraite ?
Notre analyse montre que le nombre de personnes qui émigrent au moment de percevoir une rente est bien plus faible que ce qu’on aurait pu penser. Il convient toutefois de garder à l’esprit que l’analyse porte uniquement sur le 1er pilier. En réalité, les données relatives à l’émigration des étrangers durant le passage à la retraite (de 58 à 70 ans) montrent trois pics à 58, 60 et 65 ans.
Pour dresser un tableau plus précis de l’émigration pendant ce passage, il faudrait donc prendre en compte le 2e pilier, pour lequel on ne dispose actuellement d’aucune donnée. En effet, il est possible de percevoir une prestation du 2e pilier dès 58 ans, indépendamment de sa nationalité et de son pays de résidence. Par ailleurs, on manque d’informations sur les rentes transitoires en cas de retraite anticipée, réglées dans les conventions collectives de travail, comme on en trouve par exemple dans le secteur principal de la construction. Ces informations révèleraient probablement que le nombre de personnes qui émigrent au moment du passage à la retraite est plus élevé.