Accompagnement des enfants et des adolescents en âge scolaire présentant des TSA

De quelles formes d’accompagnement et de quel soutien professionnel les enfants et les ­adolescents en âge scolaire présentant des TSA ont-ils besoin ? Quelles sont les offres disponibles actuellement ? Y a-t-il nécessité d’agir en Suisse à ce sujet ? L’article qui suit cherche 
à répondre à ces questions d’un point de vue scientifique.
Andreas Eckert
  |  07 juin 2019
  • Assurance-invalidité
  • Handicap
  • Réadaptation

De nombreuses études scientifiques ont été menées sur l’efficacité des programmes d’encouragement pour les enfants en bas âge et tout particulièrement pour ceux qui présentent des troubles du spectre de l’autisme (TSA) ou d’autres particularités dans le développement du langage et dans le développement cognitif. L’efficacité de mesures complexes et spécifiques telles que les approches intensives en thérapie comportementale (p. ex. l’Applied Behavior Analysis, ABA) et les interventions précoces naturalistes orientées sur le développement (p. ex. l’Early Start Denver Model, ESDM, ou le programme d’intervention précoce de Francfort, A-FIPP) fait l’objet d’un consensus au sein de la communauté scientifique (Freitag et al. 2017 ; Liesen et al. 2018). Les formations psychoéducatives destinées aux parents et visant à les familiariser avec le mode de pensée et de perception des enfants atteints de TSA et à leur permettre de tenir compte le mieux possible des particularités et des besoins de leur enfant sont, elles aussi, jugées efficaces (Freitag et al. 2017 ; Noterdaeme et al. 2017).

Pour les enfants en âge scolaire, par contre, l’état actuel des données ne permet pas de tirer des conclusions aussi claires. Les offres professionnelles en matière d’accompagnement et de soutien des enfants et des adolescents de cette tranche d’âge présentant des TSA peuvent être réparties en deux catégories principales : encouragement pédagogique dans le contexte scolaire et mesures thérapeutiques complémentaires (cf. graphique G1). Par ailleurs, une attention particulière doit être portée aux offres qui s’adressent à l’entourage ainsi qu’à l’accompagnement lors des transitions entre les différentes phases d’encouragement pédagogique et thérapeutique.

Critères de qualité pour l’accompagnement d’enfants en âge scolaire

Encouragement pédagogique dans le contexte scolaire Le débat scientifique souligne aujourd’hui l’importance primordiale de la mise en place, dans les écoles concernées, de conditions de réussite visant spécifiquement l’autisme afin d’offrir un encouragement pédagogique efficace aux enfants et aux adolescents présentant des TSA. Les modèles généraux pour l’encouragement scolaire en cas de TSA décrivent les éléments essentiels à l’organisation d’écoles adaptées à l’autisme (Eckert/Gruber 2016 ; Ullrich 2017). Des environnements pédagogiques structurés, des offres de soutien individualisées (p. ex. assistance, compensation des inégalités) et une planification de l’encouragement axée sur l’autisme figurent parmi ces conditions de réussite.

La gestion consciente, définie sur le plan théorique, des défis particuliers rencontrés quotidiennement à l’école (Canonica et al. 2018) et le développement de compétences spécifiques au sein du corps enseignant constituent deux autres éléments fondamentaux. À cet égard, les modèles de compétences récents qui portent sur l’encouragement scolaire des enfants et des adolescents présentant des TSA fournissent des indications utiles (Eckert et al. 2018).

Mesures thérapeutiques pour les enfants en âge scolaire La recherche actuelle sur l’efficacité distingue deux catégories de mesures thérapeutiques : celles qui sont fondées sur des données probantes et dont l’efficacité a été prouvée par des études de qualité, et celles dont l’efficacité n’a pas été clairement établie (Freitag et al. 2017). Même si une thérapie rangée dans cette seconde catégorie peut être justifiée dans certains cas, elle devrait être soumise à un examen critique concernant sa pertinence pour l’autisme.

Pour les enfants en âge scolaire, il existe des programmes thérapeutiques dont l’efficacité est établie, bien que leurs effets soient moindres que ceux des interventions précoces évoquées plus haut. L’on peut citer notamment les approches alternatives de communication (p. ex. le Système de communication par échange d’images, PECS), les thérapies de groupe visant à encourager les compétences sociales dans le contexte de l’autisme (p. ex. KOMPASS [entraînement de compétences zurichois pour les adolescents présentant des TSA], entraînement en cas de TSA basé sur la théorie de l’esprit [Theory-of-Mind-Training bei ASS, TOMTASS]) et aides à la structuration et à la visualisation (p. ex. Treatment and Education of Autistic and Related Communication Handicapped Children, TEACCH) (Freitag et al. 2017 ; Noterdaeme et al. 2017).

Des offres aujourd’hui courantes, telles que l’ergothérapie, la logopédie, la thérapie en psychomotricité et différentes méthodes de psychothérapie ne disposent pas, à l’heure actuelle, de preuve scientifique suffisante de leur efficacité pour le traitement d’enfants et d’adolescents présentant des TSA. Elles peuvent toutefois, dans des cas particuliers, être très favorables au développement de l’enfant, surtout si les conditions d’encouragement spécifiques à l’autisme sont respectées.

Aménagement des transitions Étant donné les différentes étapes de l’encouragement pédagogique et thérapeutique, l’aménagement des transitions pour les enfants en âge scolaire est crucial. L’une des premières consiste dans l’entrée à l’école enfantine. À ce stade, l’essentiel est de transmettre les expériences et les connaissances récoltées dans le cadre de l’encouragement précoce, que ce soit par le biais de l’éducation précoce spécialisée, de la logopédie précoce ou des interventions précoces intensives. Ce principe de coopération interdisciplinaire vaut aussi pour le passage à l’école primaire ou secondaire et, plus tard, pour la transition vers une formation ou vers l’intégration professionnelle.

Offres proposées à l’entourage des enfants en âge scolaire L’accompagnement des familles et les prestations de conseil aux parents et à d’autres proches d’enfants et d’adolescents en âge scolaire présentant des TSA restent des offres très importantes dans le contexte d’un encouragement global, tourné vers les familles. En particulier pour les enfants dont les TSA n’ont été décelés qu’à cet âge, la psychoéducation des parents par le biais d’entretiens de conseil réguliers et les programmes d’entraînement pour les parents peuvent avoir une grande importance. Des offres permettant de décharger les familles lorsque cela s’avère nécessaire devraient également être envisagées. Enfin, la coordination des offres d’encouragement proposées dans différents contextes institutionnels constitue un autre aspect essentiel.

La situation actuelle en Suisse Sur la base des études les plus récentes, nous exposerons d’abord brièvement quelques résultats de recherche relatifs à l’accompagnement des enfants et des adolescents en âge scolaire présentant des TSA, avant de résumer les recommandations qui en découlent pour la pratique. Nous nous référons pour l’essentiel aux documentations de recherche portant sur la situation en Suisse (Eckert 2015 ; Eckert et al. 2015a) et aux deux rapports du Conseil fédéral, décisifs sur le plan politique (Conseil fédéral 2015 ; 2018).

Encouragement pédagogique dans le contexte scolaire La progression de la scolarisation intégrative des enfants et des adolescents présentant des TSA peut être considérée comme l’une des évolutions majeures du système scolaire actuel, tout en représentant un défi important pour celui-ci. Sur les vingt dernières années, la scolarisation intégrative a augmenté massivement et couvre aujourd’hui tout le spectre de l’autisme, bien qu’un tiers des élèves fréquente toujours une école spécialisée et que l’on constate des variations importantes en fonction du diagnostic secondaire et de l’ampleur des troubles. Le taux d’intégration fluctue aussi d’une région à l’autre. Par ailleurs, le taux élevé de changements d’école est frappant, surtout à l’école primaire, ou il peut atteindre jusqu’à 30 % selon les régions (Eckert 2015).

Les données empiriques explicites sur l’aménagement qualitatif de l’encouragement pédagogique en termes de conditions de réussite et de modèles de compétences sont rares. Les connaissances dont nous disposons révèlent une professionnalisation croissante au cours des deux dernières décennies, tout en faisant apparaître une claire nécessité d’optimiser et d’élargir les offres visant spécifiquement l’autisme (Eckert et al. 2015a).

Sur la base de ces connaissances, le rapport du Conseil fédéral de 2018 formule des mesures visant à la fois à encourager l’intégration scolaire et à améliorer les offres des écoles spécialisées :

  • Concernant l’intégration scolaire, il recommande d’engager des professionnels disposant d’une formation dans le domaine de l’autisme pour soutenir les enfants concernés, de proposer aux enseignants des formations, des formations continues et des conseils spécifiques, d’utiliser à l’école des méthodes basées sur des données probantes, de formuler des critères généraux de bonnes pratiques au niveau de la CDIP et, enfin, d’informer et de sensibiliser plus largement le milieu scolaire.
  • Pour les écoles spécialisées, le Conseil fédéral met l’accent sur l’adaptation des offres existantes aux besoins spécifiques à l’autisme, sur la formation continue et sur les conseils aux professionnels.

Les efforts politiques de certains cantons, comme la création d’un service spécialisé dans l’autisme par le canton de Lucerne, montrent des possibilités de réponse aux besoins actuels.

Mesures thérapeutiques pour les enfants en âge scolaire En Suisse, les enfants et les adolescents en âge scolaire présentant un TSA bénéficient principalement de séances de logopédie, d’ergothérapie et de thérapies en psychomotricité, qui se déroulent généralement dans le contexte scolaire (Eckert 2015 ; Eckert et al. 2015a). En fonction des qualifications du thérapeute, ces mesures tiennent plus ou moins compte des principes d’encouragement visant spécifiquement l’autisme. Par contre, il est encore rare aujourd’hui que soient proposées d’autres thérapies spécifiques, dans l’esprit des approches fondées sur des données probantes telles que l’entraînement des compétences sociales en groupe. Cette situation semble être due en partie à des options de financement, mais aussi au nombre restreint de services spécialisés qualifiés.

Le second rapport du Conseil fédéral se concentre sur les mesures scolaires qui viennent d’être mentionnées, sans nommer de façon explicite les offres thérapeutiques complémentaires.

Compte tenu des résultats de recherche actuels, la recommandation suivante peut être faite :

  • Pour les enfants en âge scolaire, il s’agit de couvrir l’ensemble des besoins en constituant une offre complète en matière de thérapies visant spécifiquement l’autisme. Cela passe, d’une part, par la qualification des thérapeutes issus de différentes spécialités (logopédie, psychothérapie, etc.) et, d’autre part, par l’élargissement de l’offre en thérapies basées sur des données probantes.

Aménagement des transitions Concernant l’aménagement actuel des transitions entre les différentes offres professionnelles qui s’adressent aux enfants et aux adolescents, peu de résultats d’études spécifiques existent. Les interviews menées avec des experts dans le contexte du premier rapport du Conseil fédéral de 2015 révèlent toutefois qu’en pratique, les transitions sont souvent accompagnées de difficultés de coopération entre les professionnels et d’un manque de coordination des offres.

Le dernier rapport du Conseil fédéral tient compte de cet aspect dans plusieurs de ses recommandations :

  • Le passage des interventions précoces à l’encouragement scolaire devrait être accompagné intégralement par la personne chargée de l’encouragement précoce.
  • De même, une attention particulière devrait être portée à la préparation, à la coordination et à l’accompagnement du passage de l’école à la vie professionnelle.
  • De manière générale, une grande place doit être accordée à la mise en réseau des professionnels et des offres d’encouragement, c’est-à-dire également lors du passage d’un niveau scolaire à un autre.

Offres s’adressant à l’entourage des enfants en âge scolaire Les rapports de recherche insistent par ailleurs sur la nécessité d’agir en matière d’offres de soutien pour l’entourage des enfants et des adolescents présentant des TSA. Ces actions pourraient comprendre la création de services de consultation pour différents groupes cibles, une meilleure coordination des offres spécialisées ainsi que des mesures de soutien et de décharge pour les familles.

Le récent rapport du Conseil fédéral a très largement repris ces thèmes, entre autres comme axe d’intervention prioritaire « Conseil et coordination » :

  • La création de centres de compétences spécifiques est considérée comme une base indispensable pour fournir des prestations de conseil aux professionnels, aux parents et aux enfants concernés, mais aussi pour favoriser l’accompagnement, la coordination et la mise en réseau des offres et des acteurs tout au long de la vie des personnes souffrant de TSA.
  • Pour le groupe cible des parents et des familles, le rapport du Conseil fédéral préconise le développement d’offres de coaching et de soutien, le renforcement des structures d’accueil extrascolaire ainsi que le l’élaboration d’offres spécifiques pour préparer et accompagner le processus de détachement familial.

Conclusion Les études scientifiques des dernières années ainsi que les processus politiques conjoints, qui ont débouché sur deux rapports du Conseil fédéral, ont fourni une bonne vue d’ensemble de la situation actuelle et des mesures à prendre dans l’accompagnement des enfants et des adolescents en âge scolaire présentant des TSA.

La prochaine étape concerne les institutions et les autorités désignées par le Conseil fédéral, qui sont appelées à suivre ses recommandations afin d’atteindre l’objectif principal, à savoir l’amélioration en Suisse de l’accompagnement des personnes présentant des TSA.

  • Bibliographie
  • Conseil fédéral (2018) : Rapport sur les troubles du spectre de l’autisme. Mesures à prendre en Suisse pour améliorer la pose de diagnostic, le traitement et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme. Rapport du Conseil fédéral du 17 octobre 2018 : www.ofas.admin.ch> Publications & Services > Rapports du Conseil fédéral.
  • Canonica, Carla et al. (2018) : « Herausforderungen im Schulalltag mit Lernenden mit Autismus-Spektrum-Störung aus Sicht von Lehrpersonen », in Vierteljahresschrift für Heilpädagogik und ihre Nachbardisziplinen 3, pp. 232-247.
  • Eckert, Andreas et al. (2018) : « Wege zu einer autismusfreundlichen Schule : Entwicklung eines Kompetenzmodells schulischer Förderung », in : Langner, Anke (éd.) Inklusion im Dialog : Fachdidaktik – Erziehungswissenschaft – Sonderpädagogik, Bad Heilbrunn : Klinkhardt, pp. 333-339.
  • Liesen, Christian et al. (2018) : Evaluation der Wirksamkeit der intensiven Frühinterventionsmethoden bei frühkindlichem Autismus, [Berne : OFAS, en allemand, avec résumé en français], Aspects de la sécurité sociale ; rapport de recherche no 9/18 : www.ofas.admin.ch > Publications & Services > Recherche et évaluation > Rapports de recherche.
  • Freitag, Christine M. et al. (2017) : Autismus-Spektrum-Störungen. Leitfaden Kinder- und Jugendpsychotherapie, Göttingen : Hogrefe.
  • Noterdaeme, Michele et al. (éd.) (2017) : Autismus-Spektrum-Störungen : Ein integratives Lehrbuch für die Praxis, (2e édition, revue et augmentée), Stuttgart : Kohlhammer.
  • Ullrich, Karolin (2017) : « Modelle schulischer Rahmenbedingungen », in : Noterdaeme, Michele et al. (éd.) : Autismus-Spektrum-Störungen : Ein integratives Lehrbuch für die Praxis, Stuttgart : Kohlhammer, pp. 351-353.
  • Eckert, Andreas ; Gruber, Karolin (2016) : « Kinder und Jugendliche mit einer Autismus-Spektrum-Störung : Herausforderungen und Gelingensbedingungen im Kontext schulischer Inklusion », in : Sturm, Tanja et al. (éd.), Bildungs- und Erziehungsorganisationen im Spannungsfeld von Inklusion und Ökonomisierung, Bad Heilbrunn : Klinkhardt, pp. 221-244.
  • Conseil fédéral (2015) : Enfants et jeunes atteints d’un trouble envahissant du développement en Suisse. Rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat (12.3672) Claude Hêche « Autisme et trouble envahissant du développement. Vue d’ensemble, bilan et perspectives » du 10 septembre 2012 : www.ofas.admin.ch> Publications & Services > Rapports du Conseil fédéral.
  • Eckert, Andreas (2015) : Autismus-Spektrum-Störungen in der Schweiz. Lebenssituation und fachliche Begleitung, Berne : CSPS.
  • Eckert, Andreas et al. (2015a) : Enfants, adolescents et jeunes adultes : troubles précoces du développement et invalidité, [Berne : OFAS], Aspects de la sécurité sociale ; rapport de recherche no 8/15 : www.ofas.admin.ch > Publications & Services > Recherche et évaluation > Rapports de recherche.
  • Eckert, Andreas et al. (2015b) : « L’autisme chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes », in Sécurité sociale CHSS 3/2015, pp. 170-174 : www.securite-sociale-chss.ch > Éditions & Dossiers.
Prof. Dr, directeur du service spécialisé dans l’autisme de la Haute école intercantonale de pédagogie curative
[javascript protected email address]

Autres articles sur le sujet