En vertu de l’art. 112c de la Constitution fédérale, l’aide à la vieillesse relève de la compétence des cantons. C’est à eux qu’il incombe de fournir l’aide et les prestations directes nécessaires aux personnes âgées, à leurs proches ainsi qu’aux professionnels et bénévoles actifs dans ce domaine. En complément, conformément à l’art. 101bis de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS), la Confédération alloue chaque année des aides financières d’environ 70 millions de francs à des institutions reconnues d’utilité publique actives à l’échelle nationale.
Chargé de gérer et d’octroyer ces subventions, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a commandé une étude (Stettler et al. 2020) afin de disposer d’une base de connaissances sur la situation actuelle en matière d’aide à la vieillesse. L’OFAS souhaitait en particulier avoir une meilleure vue d’ensemble de l’organisation et du pilotage de l’aide à la vieillesse dans les cantons pour pouvoir planifier et cibler encore plus efficacement ses contributions financières aux organisations d’utilité publique actives à l’échelle nationale dans l’aide à la vieillesse, en complément des activités et des stratégies cantonales. À cette fin, l’étude a dressé un état des lieux complet des conditions générales et des activités des cantons et rendu compte des interactions entre les cantons, les communes et la Confédération dans le domaine de l’aide à la vieillesse. Le présent article résume les principaux résultats de l’étude.
Conception de l’étude et méthodologie Pour bien circonscrire l’objet de l’étude, il a tout d’abord fallu délimiter et définir le terme d’aide à la vieillesse en se référant à l’art. 101bis LAVS. Dix grands domaines d’activité de l’aide à la vieillesse ont ensuite été regroupés dans un tableau, qui a servi de base à une enquête en ligne réalisée à l’été 2019 auprès des services administratifs cantonaux compétents. Les documents stratégiques en lien avec l’aide à la vieillesse fournis par les cantons (lignes directrices, programmes, rapports, etc.) ont en outre été analysés. Durant la phase d’approfondissement qui a suivi, à l’automne 2019, trois grands ateliers ont réuni des représentants des cantons et de certaines communes, et deux entretiens avec des spécialistes ont été menés, l’un avec Pro Senectute Suisse, l’autre avec le Réseau suisse des villes amies des aînés.
Par « aide à la vieillesse », les auteurs de l’étude entendent l’ensemble des mesures de soutien, de renforcement et d’encouragement permettant aux personnes âgées de rester le plus longtemps possible chez elles et de mener une vie active et autonome. L’étude met l’accent sur l’aide à la vieillesse, au sens d’une aide et de prestations directes destinées aux personnes âgées, à leurs proches ainsi qu’aux professionnels et bénévoles actifs dans ce domaine. Elle ne s’intéresse pas aux soins gériatriques et de longue durée, à la couverture matérielle des besoins vitaux durant la vieillesse (AVS, PC, etc.), ni à la création d’infrastructures adaptées aux personnes âgées.
Le graphique G1 présente de manière abrégée les dix domaines de l’aide à la vieillesse ainsi que leurs sous-domaines. Les domaines 1 à 7 (cases horizontales) recouvrent les offres et les prestations destinées, pour la plupart, à la population âgée, aux proches aidants, aux bénévoles ainsi qu’au personnel d’encadrement et au personnel auxiliaire. Les domaines 8 à 10 (cases verticales) représentent les secteurs transversaux. Leur fonction consiste à fixer les conditions-cadre permettant de proposer des offres adaptées aux besoins et de fournir des prestations coordonnées et efficaces.
Les principaux résultats de l’étude L’étude présente les conditions générales qui prévalent dans les différents cantons en matière d’aide à la vieillesse. Elle fait état de différences notables entre les cantons dans la conception même de l’aide à la vieillesse, la législation qui s’y réfère, les stratégies définies et la répartition des tâches entre les échelons cantonal et communal. Des différences sont également constatées dans les rôles que s’attribuent les cantons en matière de mise à disposition et de pilotage de l’aide à la vieillesse, qui doivent toujours être considérés dans une perspective d’interaction avec les communes et les organisations privées. Enfin, l’étude révèle le degré de coordination du financement de l’aide à la vieillesse avec les contributions de la Confédération et fait état d’un intérêt, de la part des cantons, à renforcer la collaboration avec celle-ci.
Conditions générales du volet politique de l’aide à la vieillesse dans les cantons La plupart des cantons ne parlent pas ou plus d’aide à la vieillesse. Dans leurs documents stratégiques, ils préfèrent utiliser des expressions telles que « politique de la vieillesse », « politique des personnes âgées » ou « politique sociale dans le domaine de la vieillesse », sans faire de l’aide à la vieillesse un sous-domaine spécifique. Même dans les cantons utilisant encore l’expression « aide à la vieillesse », celle-ci ne recouvre que partiellement la définition à laquelle se réfère l’étude.
Seuls cinq cantons disposent d’une loi spécifique au domaine de la vieillesse ou de l’aide à la vieillesse. Dans les autres cantons, l’aide à la vieillesse relève de la législation en matière d’affaires sociales ou d’aide sociale, de la législation relative aux soins (de longue durée) ou simplement du droit général de la santé. Historiquement, les cantons ont intégré chacun à leur manière, et parfois très différemment, l’aide à la vieillesse dans leur législation sociale et/ou sanitaire. Néanmoins, une large majorité d’entre eux dispose, pour les activités relevant de l’aide à la vieillesse, d’une base stratégique relativement explicite et exhaustive. Dans un autre groupe de cantons, ces activités reposent principalement sur une planification des soins et de la prise en charge de longue durée, parfois complétée par des documents stratégiques en rapport avec des domaines dans lesquels la Confédération joue un rôle actif (p. ex. proches aidants, logements protégés, démence ou soins palliatifs). Dans les cantons restants, l’aide à la vieillesse se fonde principalement sur des documents relevant des programmes de législature.
La répartition des tâches entre canton et communes varie beaucoup d’un canton à l’autre. Selon les dispositions légales et les stratégies, trois modèles se dégagent :
- L’aide à la vieillesse incombe pour l’essentiel aux communes dans huit cantons (AG, BL, GR, LU, SG, SH, ZG et ZH), le rôle du canton consistant à créer les conditions-cadre et à soutenir les communes dans leurs tâches.
- La compétence de l’aide à la vieillesse relève conjointement du canton et des communes dans treize cantons (AR, BE, BS, FR, GE, NW, OW, SO, SZ, TG, UR, VD et VS). Ce partage des tâches prend des formes extrêmement variées.
- L’aide à la vieillesse est une tâche principalement ou exclusivement cantonale dans cinq cantons (AI, GL, JU, NE et TI).
Rôle des cantons, des communes et des acteurs privés dans la mise à disposition et le pilotage de l’aide à la vieillesse Pour déterminer le rôle des cantons dans chacun de ces domaines, un indicateur mesurant le niveau d’engagement des cantons a été défini. Celui-ci tient compte, d’une part, du nombre de domaines d’activité de l’aide à la vieillesse, parmi les dix qui ont été définis, dans lesquels les cantons sont investis et, d’autre part, de l’étendue de l’engagement des cantons dans le pilotage de l’aide à la vieillesse (développement stratégique, planification des besoins, financement, etc.). D’après les résultats de l’étude, les cantons se répartissent en trois groupes :
- Le premier groupe réunit des cantons présentant une gamme d’activités relativement large. Ceux-ci sont actifs dans tous ou presque tous les domaines d’activité et exercent une influence relativement forte sur les activités de pilotage de l’aide à la vieillesse. Il s’agit de quatre cantons où cette tâche fait l’objet d’une compétence partagée entre le canton et les communes (BS, FR, GE et VD), et de trois où elle relève essentiellement du canton (AI, NE et TI).
- Le deuxième groupe comprend les cantons présentant une gamme moyennement étendue d’activités. Le nombre de domaines d’activité couvert dans ce groupe est comparable ou légèrement inférieur à celui du premier groupe de cantons, mais l’étendue des activités de pilotage est nettement moindre. Il s’agit de cinq cantons pour lesquels l’aide à la vieillesse est une tâche conjointe du canton et des communes (BE, SO, SZ, TG et VS), et de deux où elle relève avant tout de la compétence cantonale (GL et JU).
- Les cantons du dernier groupe présentent une gamme d’activités relativement restreinte. Ils couvrent un nombre de domaines légèrement ou nettement inférieur aux autres et n’interviennent souvent que ponctuellement dans le pilotage. Il s’agit principalement de cantons dans lesquels l’aide à la vieillesse incombe essentiellement aux communes (AG, BL, GR, LU, SG, SH, ZG et ZH) ainsi que de petits cantons (AR, NW, OW et UR), dans lesquels cette aide est assurée conjointement par le canton et les communes.
Dans une grande majorité de cantons, les organisations d’aide à la vieillesse telles que Pro Senectute ou la Croix-Rouge suisse jouent un rôle important en leur qualité de prestataires et, en particulier, d’organismes spécialisés. Pour la plupart, les cantons tiennent compte du rôle actif joué par ces organisations et associent celles-ci à l’élaboration des stratégies, les considèrent comme d’importants partenaires de coordination ou leur confient la mise en œuvre de la stratégie cantonale en collaboration avec les communes.
Les pratiques concrètes de pilotage de l’aide à la vieillesse dans les cantons, en particulier concernant la planification des besoins, se fondent généralement sur l’expérience des prestataires, qui connaissent bien les réalités du terrain. Dans certains cantons, plutôt de grands cantons, des enquêtes auprès de la population et des prestataires actifs dans le domaine de l’aide à la vieillesse sont réalisées. Les stratégies nationales de santé publique et les données statistiques sur lesquelles elles se fondent peuvent également servir de base à la planification des besoins.
Dans les cantons où l’aide à la vieillesse relève essentiellement de la compétence des communes, le type de gestion et l’étendue de l’engagement des communes dépendent en grande partie de la taille de ces dernières et du degré de professionnalisation des autorités communales. Les différences constatées dans l’engagement de la population, le taux de personnes âgées au sein de la population, les rapports de force politiques et la situation financière de la commune constituent d’autres facteurs d’influence.
Coordination avec les subventions de la Confédération Une partie des cantons harmonisent explicitement leur propre pratique avec celle de la Confédération. Ces cantons poursuivent différentes stratégies, qui reviennent dans l’ensemble à compléter les subventions fédérales. Pour une autre partie des cantons, l’octroi d’aides financières dépend principalement de la stratégie cantonale et des objectifs prioritaires qui y sont définis. Les subventions cantonales ne sont alors pas explicitement coordonnées avec celles de la Confédération. Dans l’ensemble, les cantons estiment que les priorités définies par la Confédération en matière de subventionnement de l’aide à la vieillesse selon l’art. 101bis LAVS sont justes et claires. La récente modification de la pratique fédérale, et en particulier la limitation de la part du financement fédéral à 50 % des charges totales de la prestation subventionnée ainsi que la priorité donnée aux groupes vulnérables, a poussé de nombreux cantons à s’interroger sur la nécessité de suppléer au manque induit. Dans certains cas, les cantons sont intervenus dans des domaines stratégiques. Dans d’autres, les prestations ont été réduites.
Renforcement de la collaboration entre les cantons et la Confédération pour relever les défis à venir En période de restrictions budgétaires et de changement démographique, le financement constitue pour les cantons le premier défi à relever en matière d’aide à la vieillesse. Le second découle des mutations sociales : les cantons devront en particulier trouver des solutions à l’isolement social croissant des personnes âgées ainsi que des réponses adéquates à la diversification de la population.
Face à ces enjeux, les approches varient d’un canton à l’autre. Certains créent de nouvelles bases légales pour asseoir le financement à plus long terme de l’aide à la vieillesse, d’autres renforcent la planification stratégique et la collaboration entre les acteurs publics et privés. Tous sont favorables à une collaboration et à un échange accrus avec la Confédération et avec les autres cantons. Les cantons accueillent également favorablement la possibilité, formulée par la Confédération, de participer à l’élaboration des contrats de subvention avec les institutions d’utilité publique actives sur leur territoire.
Conclusion de l’étude L’étude fournit une base d’informations sur le pilotage de l’aide à la vieillesse dans les cantons. Elle révèle la grande diversité des conditions générales, des stratégies, des acteurs et des modes de collaboration observée d’un canton à l’autre. Les différences ainsi mises au jour ont permis de regrouper les cantons en catégories afin d’en faciliter la comparaison.
Plusieurs questions n’ont toutefois pas pu être suffisamment approfondies. Des analyses ou des recherches complémentaires sur le sujet pourraient donc être utiles au développement de la politique de la vieillesse.
- L’étude n’a pas permis d’établir avec précision le degré de couverture des besoins en matière d’aide à la vieillesse et les domaines dans lesquels la prise en charge mériterait d’être améliorée. Or, au vu du manque de ressources, la question d’une prise en charge conforme aux besoins joue un rôle crucial dans le (futur) pilotage de l’offre. La Confédération pourrait soutenir activement cette démarche en développant avec les cantons les connaissances permettant de connaître l’offre existante et de mieux l’orienter pour répondre aux besoins.
- L’étude montre qu’un très grand nombre d’acteurs très divers interviennent dans le domaine de l’aide à la vieillesse et dans la politique de la vieillesse. Il est donc particulièrement difficile de dresser un état des lieux de l’offre en matière de prestations de soutien et de services. Les représentants politiques de la population âgée et les spécialistes soulignent l’importance d’une information ciblée pour que les aînés puissent tirer parti des offres. La Confédération et les cantons devraient accroître les efforts déjà engagés pour mettre en place des services d’information destinés à la population âgée, déployer de manière plus ciblée les informations portant sur l’offre existante, et développer spécifiquement des structures de case management.
- Il ressort de l’étude que, d’un point de vue légal, conceptuel, structurel et au vu de la pratique des cantons, l’aide à la vieillesse et la politique de la vieillesse relèvent à la fois des affaires sociales et de la santé publique. Cette situation, presque inévitable dans les faits, engendre des difficultés et des confusions, avec des répercussions négatives sur l’offre de prestations. Pour améliorer la future coordination de l’aide à la vieillesse entre les échelons fédéral et cantonal, il faudra donc veiller autant que possible à développer le dialogue et la coordination entre les offices des affaires sociales et de la santé publique des deux échelons et les deux conférences cantonales (la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales [CDAS] et la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé [CDS]).
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