Profil d’intégration axé sur les ressources

Afin de favoriser l’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap, ­Compasso a élaboré, avec le profil d’intégration axé sur les ressources (PIR), un outil en ligne modulable qui pourra contribuer à optimiser la collaboration entre les employeurs et le corps médical.
Martin Kaiser, Regina Knöpfel
  |  01 juin 2018
  • Assurance-invalidité
  • Réadaptation

Par l’entremise de Compasso, une discussion s’est tenue fin 2015 entre diverses sociétés de discipline médicale, des employeurs et des représentants de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) ainsi que des assureurs privés en vue de remédier au caractère peu constructif de la coopération actuelle entre employeurs et médecins en matière de réadaptation professionnelle. Cette première rencontre a eu lieu sur l’initiative de La Poste et du Réseau Santé Psychique Suisse. Il est apparu clairement que la collaboration dans le domaine de l’intégration professionnelle doit être redéfinie et organisée conjointement. L’analyse de la situation initiale, la formulation des objectifs et l’élaboration de mesures appropriées ont été prises en main, sous la direction de Compasso, par un groupe de projet formé de représentants des sociétés de discipline médicale, de l’OFAS, de quelques employeurs, d’Inclusion Handicap et de l’Association suisse d’assurances (ASA).

Compasso

Réseau fonctionnant sur le principe de la neutralité, Compasso  joue un rôle important dans la réinsertion professionnelle : il met les employeurs en lien avec les acteurs du système afin d’élaborer ensemble des outils adéquats. Grâce à l’engagement solidaire de ses membres (grandes entreprises, associations professionnelles et autres, assureurs privés et assurances sociales), il fournit gratuitement aux PME des informations et des instruments qui les soutiennent dans leurs efforts d’insertion et de réinsertion professionnelle.

Diversité des besoins, manque de clarté des objectifs et dispersion des approches L’analyse a mis en lumière la diversité des rôles et des besoins des employeurs suivant la branche et la taille de l’entreprise, mais aussi les nombreux rôles joués par les médecins. Il est apparu également que les divers formulaires élaborés au fil des ans par les offices AI et les assureurs, et dans lesquels employeurs et médecins peuvent inscrire respectivement les exigences des postes et l’appréciation de la capacité ou de l’incapacité de travail, sont insuffisants tant du point de vue de la forme que du contenu, sans compter que, la plupart du temps, ils sont utilisés trop tard. Leur multiplicité fait qu’il est difficile aux intéressés de les remplir correctement, raison pour laquelle ils sont peu utilisés. Par ailleurs, ils servent surtout à consigner les exigences et les conditions générales sur le plan physique, mais non sous leurs aspects psychosociaux. Par conséquent, ces formulaires ne reflètent qu’imparfaitement les ressources disponibles. À relever aussi cette constatation des assureurs d’indemnités journalières et de Swiss Insurance Medicine : ces dernières années, les attestations de capacité de travail partielle ont été rares ; dans 80 % des cas, les certificats médicaux faisaient état d’une incapacité de travail de 0 ou de 100 %.

En dépit de la diversité des rôles et des besoins, l’analyse a convaincu les participants de la nécessité d’élaborer un processus de réadaptation commun, axé principalement sur les ressources des personnes concernées.

Éviter la désinsertion Bien que l’évaluation de différentes approches de la réadaptation, et en particulier de la révision des rentes axée sur la réadaptation appliquée par l’assurance-invalidité (Guggisberg et al. 2015, p. 70), ait montré que la probabilité d’un retour au travail réussi est nettement plus grande si l’intervention est précoce, celle-ci est encore trop rare en pratique et, lorsqu’elle a lieu, c’est en général trop tard. Pour les collaborateurs atteints dans leur santé psychique, en particulier, il est rare que l’échange entre employé, employeur et médecins ait lieu suffisamment tôt. Étant donné les faibles perspectives de maintien de l’emploi en cas de manifestation d’une atteinte à la santé psychique, la probabilité que les collaborateurs souffrant d’un tel problème n’en parlent jamais au travail est nettement plus élevée que pour les atteintes à la santé physique.

Une enquête non publiée, que les Services psychiatriques cantonaux de Bâle-Campagne ont menée notamment avec les sections bâloises de l’Union patronale suisse et de l’Union suisse des arts et métiers auprès de toutes les PME des cantons de Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Argovie et Soleure, et qui a été présentée en février 2018 à l’occasion de diverses manifestations en région bâloise, a révélé qu’en cas d’atteinte à la santé non précisée, plus des quatre cinquièmes des quelque 500 entreprises qui ont répondu n’avaient aucun contact avec le médecin traitant, mais que trois quarts d’entre elles souhaitaient en avoir un précisément dans les cas d’atteinte à la santé psychique.

Clarifier à temps la possibilité d’une capacité de travail partielle, mais protéger les données relatives à la santé Du point de vue du collaborateur malade, le souhait d’une intervention aussi précoce que possible en cas d’atteinte à la santé soulève des questions délicates en matière de protection des données. Pour les médecins, ce n’est pas seulement la question du secret médical qui est en jeu, mais aussi celle de la relation de confiance avec le patient. C’est précisément pour cela que le PIR offre une base objective axée sur les ressources, qui ne contient ni constat, ni diagnostic, ni recommandation de traitement médical.

Structure et utilisation du PIR À partir des approches existantes en matière de réadaptation, les mesures et les instruments connus ont été regroupés et perfectionnés avec l’inclusion des aspects jusque-là manquants, comme les exigences et les conditions sous l’angle psychosocial, pour donner un outil de définition du profil : le PIR.

 

 

Conçu pour être facile à utiliser, le PIR est disponible sur Internet et peut être rempli en grande partie d’un simple clic. Sa structure modulaire vise à permettre de saisir autant de cas que souhaité, de façon aussi détaillée que possible et aussi individuelle que nécessaire. À l’été 2017, la version test a été validée par groupes cibles. Sur un peu plus de cent salariés, employeurs et médecins contactés, plus de la moitié ont répondu. En particulier, 30 grands employeurs sur 42 et 17 PME sur 18 ont répondu, ce qui est extrêmement réjouissant. Ces réponses, constructives dans leur très grande majorité, ont permis une optimisation ciblée du PIR, lancé à l’occasion d’une conférence de presse le 22 novembre 2017 en présence de représentants de l’OFAS, de l’Union patronale, de la FMH et d’autres sociétés médicales, ainsi que des CFF, qui entendent utiliser le PIR au Tessin.

Les éléments essentiels du PIR sont les exigences du lieu de travail et les conditions-cadre dans les catégories « Exigences physiques », « Exigences en matière de compréhension, de réflexion, de personnalité et concernant d’autres aspects psychosociaux », « Conditions-cadre sur le lieu de travail » et « Avis médical », que l’employeur et l’employé peuvent sélectionner ensemble d’un clic dans une liste et enregistrer au format Word à l’aide de l’outil en ligne. Lors de la prochaine consultation médicale, l’employé apporte le PIR préparé et le remet au médecin traitant. Celui-ci y note, à l’aide de critères prédéfinis et en le complétant au besoin, si la santé de l’employé permet à ce dernier de faire face aux exigences et aux conditions-cadre inscrites sur le PIR. Le document est complété par des informations de base sur l’employeur et l’employé ainsi que par la signature de l’employé, de l’employeur et du médecin, par laquelle ceux-ci confirment leur volonté d’organiser l’intervention de manière à maintenir avec succès l’emploi et la capacité de travail (cf. graphiques G1 et G2).

Le recours au PIR est indiqué surtout dans les cas où le collaborateur est en incapacité de travail depuis relativement longtemps, ou qu’il est régulièrement absent sur de courtes périodes. Le PIR aide à formuler ce que l’on peut encore ou de nouveau exiger d’un collaborateur atteint dans sa santé de façon à ce qu’il ne reste pas trop longtemps en congé maladie à 100 %. Cet outil permet d’espérer à juste titre que les participants, en particulier en cas d’atteinte psychique, obtiennent plus facilement un entretien de réadaptation.

Un gain pour les employés, les employeurs, les médecins et les assureurs sociaux Le PIR donne aux employés, au début du processus de réadaptation, la certitude que leur employeur compte sur eux. Ils seront ainsi réintégrés aussi rapidement que possible dans le processus de travail, à un poste aussi proche que possible de leurs compétences et performances précédentes. Leur poste et leur employabilité sont maintenus, et l’employeur peut écarter la menace de la perte coûteuse d’un précieux savoir-faire. En désignant avec soin les atteintes à la santé, mais aussi les capacités fonctionnelles restantes, le médecin permet par son savoir spécialisé d’éviter un surmenage ou un retour prématuré dans le processus de travail.

Le fait que le PIR soit axé sur les ressources plutôt que sur les déficiences facilite et favorise aussi les éventuelles demandes de clarification de l’employeur auprès du médecin. Les médecins traitants peuvent partir du principe que les employeurs ont la ferme intention d’utiliser les informations reçues pour maintenir autant que possible l’emploi de leur patient. De leur côté, les médecins seront plus disposés à reconnaître qu’un travail sensé a un effet stabilisateur sur la santé et peut contribuer au processus de guérison de leurs patients.

Les objectifs du PIR recoupent donc ceux que le Conseil fédéral a formulés dans son message relatif au développement continu de l’AI, qui vise aussi bien un renforcement de la collaboration entre les offices AI et les médecins (Développement continu de l’AI, pp. 2437ss) qu’une orientation optimale des mesures de réadaptation vers les particularités de l’emploi occupé et les ressources de l’assuré (Développement continu de l’AI, p. 2440). Lors du lancement du PIR, Stefan Ritler, responsable du domaine AI à l’OFAS, s’est dit convaincu que cet outil pouvait être utile aux assurances sociales, et en particulier à l’AI, car le fait d’intervenir suffisamment tôt peut réduire le risque d’invalidité. Les assureurs-accidents et les assureurs d’indemnités journalières devraient aussi profiter des mesures prises à temps pour maintenir l’emploi et stabiliser la capacité de travail (Kaiser/Knöpfel 2018).

La reconnaissance, par la Conférence nationale en faveur de l’intégration sur le marché du travail des personnes en situation de handicap, du PIR en tant qu’approche prometteuse axée sur la pratique fait de lui, pour tous les intéressés, un instrument durable permettant de réagir de façon coordonnée et efficace au risque d’une incapacité de travail prolongée et nécessitant d’autres mesures.

Les retours que Compasso a reçus à ce jour concernant le recours au PIR confirment son utilité surtout pour les affections psychiques qui entraînent des incapacités de travail de plus de 30 jours.

Président de Compasso, membre de la direction de l’Union patronale suisse (UPS).
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Responsable adjointe Développement spécialisé, Compasso.
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