Développement continu de l’AI – au Parlement de jouer

Stefan Ritler
  |  02 juin 2017
    Droit et politique
  • Assurance-invalidité
  • Réadaptation

Notre AI a connu diverses révisions cette dernière décennie. D’une part, il lui fallait opérer un tournant philosophique. Elle l’a fait. D’une assurance de rentes, elle s’inscrit désormais comme une véritable assurance de réadaptation. Une évaluation des 4e et 5e révisions de l’AI ainsi que du premier volet de la 6e révision (révision 6a) le démontre. Cette mue, plus rapide que prévue, a permis une diminution de l’effectif des rentes de plus de 10 %. Les nouvelles rentes ont diminué de 50 % depuis 2003. Le travail des offices AI avait permis de maintenir ou de réinsérer plus de 6000 personnes sur le marché du travail en 2008. Elles sont plus de 20 000 en 2015. D’autre part, l’AI a dû drastiquement se serrer la ceinture. Sa dette envers l’AVS se montait à près de 15 milliards de francs en 2011. Elle a déjà pu rembourser 3,6 milliards de francs, bien sûr grâce à l’apport supplémentaire de la TVA qui prendra fin au 31 décembre 2017. Selon les projections actuelles, elle sera totalement remboursée en 2030 environ. L’assainissement de l’AI est donc en cours et se déroule comme prévu.

Au final, une question légitime se pose : pourquoi lancer une énième réforme ? Tout d’abord, parce que l’évaluation des dernières révisions a démontré que les objectifs politiques de réadaptation fixés dans le cadre de la révision 6a n’ont pas été atteints. De plus, le rapport de l’OCDE sur la santé mentale et l’emploi en Suisse de 2014 a démontré que si l’AI fonctionnait bien, la collaboration avec les différents acteurs de la réadaptation était perfectible en différents points. Enfin, et c’est le point central des mesures proposées au Parlement, il nous faut remettre l’assuré au centre de nos préoccupations. Parce que si le système actuel a permis de diminuer les rentes octroyées de manière générale, il n’en va pas de même pour deux groupes de population : les jeunes et les personnes atteintes dans leur santé psychique. Etre présent plus tôt dans la vie des assurés, agir plus vite, accompagner les assurés de leur naissance à l’âge de la retraite. Selon les besoins, conseiller, guider, créer des synergies avec tous les acteurs de la réadaptation, y compris avec l’école, la formation professionnelle et la médecine. Etre là, sans forcément prendre la direction des opérations. Inciter, encourager, redonner confiance. Voici quelques credos que le projet vise à répéter et à renforcer.

Il ne s’agit plus de travailler de manière cloisonnée mais mieux coordonnée. Il nous faut intervenir en faveur de l’assuré atteint dans sa santé tout au long de son parcours de vie, lorsque c’est nécessaire, de la naissance, en passant par sa formation scolaire, puis professionnelle, jusqu’à son intégration sur le marché du travail et à son maintien en emploi jusqu’à l’âge de la retraite. Car toute mesure prise suffisamment tôt produira des effets bénéfiques pour toute la suite de la carrière de la personne concernée et rend inutiles les discussions sur un âge limite avant lequel une rente ne doit pas être octroyée. Optimiser le système : c’est ainsi que l’AI pourra faire face aux défis futurs qui l’attendent. Le menu proposé au Parlement est copieux. Espérons qu’il le trouve à son goût.

Vice-directeur de l’Office fédéral des assurances sociales, Domaine Assurance-
invalidité, Office fédéral des assurances sociales, OFAS
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