En un coup d'oeil
- Le Bureau d’études de politique du travail et de politique sociale (BASS) a analysé la situation du logement protégé en Suisse.
- Le logement protégé est adapté aux besoins des personnes âgées et offre certaines prestations de base comme la présence de professionnels ou des activités sociales.
- Le passage à un logement protégé est « rentable » lorsqu’il permet d’éviter ou de retarder la solution plus coûteuse d’une entrée en EMS.
- Environ la moitié des cantons ont établi des bases légales pour financer le logement protégé par le biais des prestations complémentaires (PC).
Avec le vieillissement de la population, la prise en charge des personnes âgées à domicile gagne en importance. Une motion de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national a chargé le Conseil fédéral de présenter au Parlement une modification de la loi garantissant le financement du logement protégé par le biais des prestations complémentaires (PC) à l’AVS. Cela devrait permettre de retarder, voire d’éviter un certain nombre d’entrées en établissement médicosocial (EMS). En mars 2023, le Conseil fédéral a mis un avant-projet en consultation.
En amont de ces travaux législatifs, nous avons réalisé une étude sur le logement protégé à la demande de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) (Bannwart et al. 2022). L’étude s’appuie notamment sur une enquête auprès des prestataires de logements protégés de toutes les régions linguistiques de Suisse et sur des entretiens avec des organisations professionnelles et des services administratifs de la Confédération et des cantons.
Qu’est-ce que le logement protégé ?
Il n’existe actuellement en Suisse aucune définition uniforme du logement protégé pour personnes âgées. Pour la clarté de la discussion, il est utile d’opérer une distinction entre le logement protégé (en tant qu’offre à part entière) et le recours à des prestations d’assistance et de soutien au domicile de la personne concernée (« prestations d’assistance à domicile »). Pour être qualifié de logement protégé, un logement doit notamment être adapté aux limitations et aux besoins liés à l’âge, entre autres grâce à des prestations d’aide et de soutien spécifiques.
Les logements protégés font généralement partie d’un complexe résidentiel construit pour les personnes âgées. En plus du loyer, les locataires paient un ensemble de prestations de soutien qui sont rémunérées de manière forfaitaire dans le cadre des charges locatives. Ces prestations de base comprennent, par exemple, une aide dans les situations d’urgence, des personnes référentes sur place, des heures de consultation, des salles de séjour et des activités sociales. Les prestations de soins et d’assistance ambulatoires ne sont pas incluses dans le forfait et sont facturées séparément.
Qui utilise le logement protégé ?
Les personnes qui optent pour un logement protégé présentent en général une certaine fragilité sociale, physique ou psychique, sont souvent seules, isolées et insuffisamment intégrées socialement. Le besoin de sécurité est également une raison importante de leur choix. Le logement protégé est jugé peu adapté aux personnes souffrant de démence, de problèmes psychiques ou de dépendance, car elles ont besoin d’un cadre plus structuré.
Toutes offres confondues, un peu plus de 40 % des nouveaux résidents ont déjà besoin de soins. La durée moyenne du séjour en logement protégé est de cinq ans, soit environ le double de celle passée en EMS.
À l’avenir, la demande de logements protégés abordables devrait augmenter. D’une part, les spécialistes observent une saturation du marché dans les gammes de prix moyens et supérieurs. D’autre part, l’offre pourrait devenir accessible à des catégories plus larges de la population si les prestations d’assistance étaient un jour mieux remboursées dans le cadre des PC. L’évolution démographique et les tendances sociales revêtent également une importance, et il est probable que les EMS perdront encore davantage de leur attrait par rapport à des types de logements offrant une plus grande autonomie.
Le logement protégé est-il exclusif ?
Les prix des logements protégés peuvent être relativement élevés, en fonction de l’étendue des prestations de base. De ce fait, les offres proposant des prestations de base étendues – comme la présence d’un professionnel 24 heures sur 24, les repas et les prestations de nettoyage inclus – ne sont souvent accessibles qu’aux personnes disposant des moyens financiers correspondants.
Les personnes qui ne font appel qu’à un petit nombre de prestations d’assistance et de soins et qui n’ont pas impérativement besoin des prestations de base d’un logement protégé (par ex. la présence d’un professionnel ou une aide en cas d’urgence) s’en tirent généralement à meilleur compte à leur domicile habituel qu’en logement protégé. Le logement protégé devient « rentable » dès lors qu’il permet d’éviter ou du moins de retarder l’entrée en EMS. Les professionnels considèrent que les limites du logement protégé sont atteintes lorsque la durée des soins se monte à 60 à 80 minutes par jour. Le rattachement institutionnel du logement protégé à un EMS peut cependant s’avérer plus avantageux qu’un séjour en EMS, même en cas de besoins en soins plus élevés, lorsque les prestations sont fournies par un service interne d’aide et de soins à domicile. Il ressort des données fournies par les prestataires correspondants que les transferts internes – donc vers l’EMS associé au logement – ont lieu à partir d’un besoin de soins de deux heures par jour en moyenne.
Évaluation globale des besoins
Comme critère pour le besoin d’assistance, la réforme des PC prévoyait initialement d’utiliser le fait de bénéficier d’une allocation pour impotent. Cette solution semble toutefois peu adaptée à la pratique en raison du délai de carence existant pour cette allocation. À cela s’ajoute le fait que les facteurs psychosociaux, tels que l’isolement, le sentiment d’être dépassé par les tâches ménagères ou le besoin de sécurité accru, qui peuvent plaider en faveur de l’entrée en logement protégé, ne seraient pas suffisamment pris en compte par l’allocation pour impotent.
Certains des experts interrogés considèrent par conséquent qu’il serait judicieux de lier le cofinancement du logement protégé à une évaluation plus globale des besoins, qui tienne compte à la fois des facteurs sanitaires et des facteurs sociaux. Une possibilité serait de s’appuyer sur les instruments d’évaluation ou les évaluations gériatriques actuellement utilisés par les fournisseurs de prestations (Aide et soins à domicile, Pro Senectute) dans les systèmes cantonaux d’évaluation ou dans le cadre de projets pilotes (par ex. les garanties de prise en charge en ville de Berne).
Diversité fédérale
À l’échelon cantonal, on observe deux régimes de financement opposés : d’un côté, il y a les cantons qui opèrent sur la base de leur propre définition du logement protégé et qui lient le cofinancement de l’offre de soins à long terme à des critères spécifiques, des besoins avérés et des normes de qualité ; d’un autre côté, certains cantons n’ont délibérément pas de réglementation distincte pour le logement protégé et s’efforcent de soutenir le financement des prestations d’assistance ou d’éviter l’entrée en EMS indépendamment du type de logement.
Près de la moitié des cantons ont mis en place des bases légales pour le logement protégé. Certains remboursent les prestations de base du logement protégé par le biais du remboursement des frais de maladie et d’invalidité dans le cadre des PC. La définition des prestations de base et des montants remboursés varie toutefois fortement. En outre, dans de nombreux cantons, le remboursement des frais de maladie et d’invalidité joue un rôle important dans le financement des prestations d’assistance, indépendamment de l’existence ou non d’une réglementation du logement protégé. Ces dernières années, certains cantons ont en outre créé de nouvelles catégories de prestations et de nouvelles possibilités de remboursement, afin de permettre le maintien à domicile ou de retarder les admissions en EMS.
Deux approches
D’une manière générale, les responsables politiques doivent décider si le logement protégé doit être défini comme une forme de logement intermédiaire distincte au sein des PC ou si certaines prestations doivent être incluses dans les PC, indépendamment du type de logement.
Pour la première approche, il serait utile d’avoir une définition du logement protégé valable pour toute la Suisse. On pourrait ainsi préciser les exigences pour un cofinancement via les PC. Les cantons pourraient, par exemple, indemniser les coûts des prestations de base du logement protégé par le biais d’un forfait dans le cadre des frais de maladie et d’invalidité.
La deuxième approche – l’intégration de certaines prestations (par ex. un système d’appel d’urgence) au catalogue de remboursement des frais de maladie et d’invalidité – serait certes plus lourde sur le plan administratif, mais elle présenterait l’avantage de pouvoir être appliquée indépendamment du type de logement. Dans les deux cas, le législateur devrait définir quelles prestations sont financées par les PC dans le cadre du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (aide, soins et assistance à domicile ainsi que dans les structures de jour).
La question fondamentale est de savoir si les PC sont le bon « canal » pour résoudre complètement le problème du financement dans le domaine de l’assistance. Les propositions visant à adapter le système des PC pour soutenir davantage les prestations du logement protégé ne constituent qu’un pan des discussions sur le financement de l’assistance aux personnes âgées. Parmi les autres solutions débattues figurent une réforme de l’allocation pour impotent, le développement de l’aide à la vieillesse dans les cantons (une aide en partie cofinancée par la Confédération via la loi sur l’AVS) et l’élaboration de modèles de financement plus vastes.
Bibliographie
Bannwart, Livia ; Künzi, Kilian ; Jäggi, Jolanda ; Gajta, Patrik (2022). Betreutes Wohnen – Aktualisierte Grundlagen. Büro für arbeits- und sozialpolitische Studien (BASS) [Bureau d’études de politique du travail et de politique sociale], sur mandat de l’OFAS. « Aspects de la sécurité sociale ». Rapport de recherche no 1/22.