Par inclusion, nous entendons l’appartenance implicite des personnes handicapées. Or, l’inclusion sur le marché du travail primaire est un travail de longue haleine.
Tout d’abord, il convient de s’intéresser aux personnes concernées et à leurs limitations, en mettant l’accent sur le problème spécifique généré par le handicap et les possibilités d’y remédier (Pärli et al. 2009). Dans le domaine professionnel, il s’agit de doter la personne des capacités de participer à la vie active. Cela passe p. ex. par des moyens auxiliaires personnalisés ou des mesures de réadaptation.
Mais l’inclusion ne se limite pas à compenser les problèmes individuels, il faut également agir sur les structures sociales (Shakespeare 2009). En effet, l’environnement professionnel peut empêcher les personnes handicapées de réaliser leur potentiel. Dans ce domaine, les barrières peuvent prendre la forme de marches à l’entrée du bureau, ou d’un logiciel qui n’est pas ergonomique, mais aussi d’attentes élevées en matière de rendement et de flexibilité (Hall/Wilton 2011). Le manque d’engagement de la direction, la méconnaissance, les préjugés ou les craintes des cadres et des collaborateurs peuvent marginaliser les personnes handicapées (Carton/Lee 2013, Robinson 2000, Lewis et al. 2013, von Schrader 2013).
Autonomiser les personnes handicapées et supprimer les barrières crée certes les conditions nécessaires à l’inclusion dans la vie active, mais cela ne suffit pas. Pour que l’inclusion soit effective, il est nécessaire de valoriser la différence ; le but sera atteint lorsque le handicap ne sera plus seulement considéré comme un simple élément de la contingence humaine, mais apprécié comme une source précieuse de diversité sociale (Bielefeldt 2009, p. 7). Appliqué au monde du travail, le tournant que constitue une inclusion effective advient non seulement lorsque les personnes handicapées peuvent accéder à la vie active, mais surtout lorsqu’elles ont le sentiment d’en faire vraiment partie en y apportant une réelle plus-value.
Culture d’entreprise inclusive L’intégration dans le monde du travail va de pair avec une culture d’entreprise inclusive qui valorise la contribution spécifique de chacun et génère un fort sentiment d’appartenance (Böhm 2014, p. 239). Cette culture comprend, outre l’engagement de la direction et la sensibilisation des responsables du personnel, des cadres et des équipes, des postes de travail accessibles. Toutefois, supprimer les obstacles sur la seule base des besoins individuels comporte le risque d’adapter l’environnement de travail de manière aléatoire et au cas par cas sans qu’il y ait nécessairement une réelle volonté d’inclusion (Kulkarni/Lengnick-Hall 2011, p. 526).
Encourager les entreprises à prendre conscience de la nécessité de supprimer systématiquement les barrières et de valoriser la diversité, telle est la tâche à laquelle l’association Impulse s’attelle depuis quatre ans. En effet, toute culture d’entreprise est l’aboutissement d’un processus d’apprentissage permanent qui s’est formé au gré des interactions internes et avec l’environnement (Schreyögg 2008, p. 385). Pour ensuite réussir à modifier cette culture, il est nécessaire de mettre en place un suivi à long terme. C’est là que le label iPunkt entre en jeu.
Le label iPunkt : plus qu’un système d’incitation
Le label iPunkt distingue des entreprises actives sur le marché primaire du travail qui engagent ou gardent à leur service des personnes handicapées ou souffrant d’une maladie chronique. L’octroi du label est soumis à certaines conditions ; p. ex., l’entreprise doit employer au moins une personne handicapée dans un poste fixe aux conditions du marché du travail primaire. En sa qualité de responsable du label, l’association promeut également de manière ciblée les compétences des entreprises labellisées, leur mise en réseau et les liens avec les organisations actives dans le domaine de l’intégration sur le marché du travail. La phase pilote de quatre ans menée dans la région économique de la Suisse du Nord-Ouest a montré que cette approche avait un impact positif sur la confiance mutuelle et les relations au sein du réseau constitué par les entreprises iPunkt et les organisations de l’intégration sur le marché du travail. L’encouragement spécifique de l’échange d’expérience et du transfert de connaissances s’est traduit, comme souhaité, par une prise de conscience au sein des entreprises concernées.
iPunkt+ : vers une culture d’entreprise inclusive Avec son projet iPunkt+, Impulse entend développer les critères et les processus favorisant une culture d’entreprise inclusive. Parmi les facteurs déterminants, on peut citer le fait qu’une entreprise promeuve une culture d’équipe inclusive. En effet, il est vital de convaincre les collaborateurs du bien-fondé d’engager des personnes handicapées, puisque ce sont les équipes qui font vivre au quotidien la culture d’une entreprise. En outre, les collègues jouent un rôle important lorsqu’il s’agit d’apporter tous les jours un soutien concret (Kulkarni/Lengnick-Hall 2011). Le principal défi sera de mettre en place des critères mesurables et des processus de soutien axés sur un environnement de travail inclusif.
En 2018, un groupe de travail interdisciplinaire, composé de représentants des entreprises labellisées et d’organisations nationales et régionales, se penchera sur le développement de processus efficaces et facilement applicables en vue de définir des critères opportuns. Une phase pilote de trois ans menée dans une région de Suisse permettra ensuite de tester et d’évaluer cette nouvelle approche.
Le succès de ce nouveau modèle repose sur la simplicité du processus de certification, une forte présence et une bonne visibilité auprès du public et des acteurs économiques de la région pilote. Mais pour assurer un impact maximum, il semble aussi primordial de considérer l’inclusion sur le marché du travail comme un processus intégratif. La volonté de tous les acteurs concernés de promouvoir l’inclusion de manière concertée et cohérente est ici déterminante. Dans cette optique et pour illustrer la valeur du +, iPunkt proposera un modèle organisationnel précisant les interfaces, les processus et les acteurs nécessaires à la création d’un environnement de travail inclusif. Ce programme facilitera la diffusion du label à d’autres régions suisses intéressées.
- Bibliographie
- Böhm, Stephan A. (2014) : « Berufliche Inklusion von Menschen mit Behinderung. Flexible Arbeitsplatzanpassung und die Rolle von Personalabteilung, Führungskräften und Kollegen », dans Zeitschrift Führung und Organisation 83, 1, p. 235 ss.
- Von Schrader, Sarah ; Malzer, Valerie ; Bruyère, Susanne M. (2014) : « Perspectives on Disability Disclosure : The importance of employer practices and workplace climate », dans Employee Responsibilities and Rights Journal 26, 4, p. 237 ss.
- Carton, John ; Lee, Rachel (2013) : « Vielfalt als zentrale Unternehmensphilosophie bei Dow Chemicals (Zürich) », dans Böhm, Stephan A. et al. (Éd.) , Berufliche Inklusion von Menschen mit Behinderung – Best Practices aus dem ersten Arbeitsmarkt ; Berlin : Springer, p. 237 ss.
- Lewis, Ruth ; Dobbs, Lynn ; Biddle, Paul (2013) : « If this wasn’t here I probably wouldn’t be : Disabled workers’ views of employment support », dans Disability & Society 28, 8, p. 1089 ss.
- Hall, Edward ; Wilton, Robert (2011) : « Alternative spaces of ‹ work › and inclusion for disabled people », dans Disability & Society 26, 7, p. 867 ss.
- Kulkarni, Mukta ; Lengnick-Hall, Mark L. (2011) : « Socialization of people with disabilities in the workplace », in Human Resource Management 50, 4, p. 521 ss.
- Bielefeldt, Heiner (2009) : Zum Innovationspotenzial der UN-Behindertenrechtskonvention, Berlin : DIMR : www.institut-fuer-menschenrechte.de > Publikationen > Rechte von Menschen mit Behinderungen > Essay No 5.
- Schreyögg, Georg (2008) : Organisation : Grundlagen moderner Organisationsgestaltung,Wiesbaden : Gabler.
- Pärli, Kurt ; Lichtenauer, Annette ; Caplazi, Alexandra (2009) : Literaturanalyse : Integration in die Arbeitswelt durch Gleichstellung. Im Auftrag des Eidgenössischen Büros für die Gleichstellung von Menschen mit Behinderungen (EBGB) ; Olten : Fachhochschule Nordwestschweiz.
- Shakespeare, Tom (2006) : « The social model of disability », dans Davis, Lennard J. (Éd.), The Disability Studies Reader ;Routledge : New York, p. 197 ss.
- Robinson, Jill (2000) : « Access to employment for people with disabilities : Findings of a consumer-led project », dans Disability and Rehabilitation 22, 5, p. 246 ss.