HomeDossiersPerspectives financières des assurances socialesL’AVS toujours en déficit malgré de meilleures perspectives financières

L’AVS toujours en déficit malgré de meilleures perspectives financières

Si aucune solution de financement n’est trouvée pour la 13e rente, les dépenses de l’AVS dépasseront ses recettes. Les dernières perspectives financières établies par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) dressent toutefois un tableau plus positif que celui de l’année dernière.
Jörg Kalbfuss
  |  20 août 2025
    PerspectivesRecherche et statistique
  • Assurance-vieillesse et survivants
Les perspectives financières de l’AVS sont teintées d’une grande incertitude. (Keystone)

En un coup d’œil

  • Selon les perspectives financières établies par l’OFAS, le résultat de répartition de l’AVS sera négatif au cours des prochaines années en raison du versement de la 13erente à partir de 2026.
  • Le déficit de l’AVS a été estimé à 1,9 milliard de francs en 2030 et à environ 3,4 milliards en 2040 (à l’échelle de prix 2024).
  • Les nouveaux scénarios démographiques de l’Office fédéral de la statistique permettent d’établir une projection du résultat de répartition plus satisfaisante que celle de l’année précédente.

Le résultat de répartition de l’AVS est un indicateur majeur qui se situe au centre du débat politique et public. Il correspond à la différence entre les recettes et les dépenses annuelles de cette assurance (sans tenir compte du rendement du capital du Fonds de compensation).

Les recettes proviennent principalement des cotisations salariales, de la contribution fédérale et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les dépenses quant à elles se composent majoritairement des rentes de vieillesse (voir graphique 1).

Les 65 ans et plus déterminants pour les dépenses

Pour comprendre l’évolution future des rentes de vieillesse, il faut considérer deux facteurs, à savoir le nombre des bénéficiaires et le montant moyen des rentes.

Dans sa projection du nombre des bénéficiaires, l’OFAS s’appuie principalement sur les scénarios démographiques de l’Office fédéral de la statistique (OFS 2025). Ils montrent l’évolution probable de la structure d’âge de la population suisse sur le territoire pour la décennie à venir, et sont mis à jour tous les cinq ans, la version la plus récente datant de cette année.

La durée de vie restante après 65 ans est un facteur déterminant dans l’évolution des scénarios démographiques car elle permet d’estimer la durée moyenne de perception des rentes et influe donc considérablement sur les projections de dépenses réalisées par l’OFAS. Le scénario démographique de l’OFS en 2025 repose sur une augmentation de l’espérance de vie beaucoup moins rapide que celle prise en compte dans le scénario de 2020 ; ainsi l’espérance de vie attendue en 2040 est écourtée d’une demi-année. Cumulée à diverses autres adaptations mineures, cette modification implique qu’en 2040, le nombre des bénéficiaires de rente sera inférieur de 100 000 au chiffre avancé jusque-là.

Hormis la démographie, c’est le montant de la rente minimale légale qui exerce une influence substantielle sur les dépenses de l’AVS. Ce montant évolue en fonction de ce que l’on appelle l’indice mixte, c’est-à-dire la moyenne entre l’indice suisse des prix à la consommation et l’indice suisse des salaires. Les estimations de l’OFAS concernant l’évolution du montant minimal de la rente reposent sur les prévisions économiques de l’Administration fédérale des finances (AFF) et du Secrétariat d’État à l’économie (SECO).

De même que le scénario démographique, les dernières prévisions économiques (revues pour la dernière fois en juin 2025), combinées à l’adaptation de la méthode utilisée dans les projections de croissance salariale à long terme, modifient de manière sensible la situation de l’AVS. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, le montant de la rente minimale projeté pour 2030 est de 25 francs inférieur à celui ressortant des prévisions de l’année dernière. Le ralentissement dans la progression de la rente minimale et le nombre moindre de bénéficiaires de rente attendu sont les deux principaux facteurs expliquant la différence entre les projections de l’OFAS de 2024 et 2025 pour les dépenses de l’AVS.

Recettes: tendances contraires et équilibrage

La majeure partie des recettes de l’AVS se compose des cotisations salariales. Par nature, elles sont proportionnelles à la masse salariale, laquelle dépend du nombre des actifs et de leur revenu moyen soumis à cotisation. Or, tant l’évolution du nombre des actifs que celle des salaires dépendent de facteurs tels que le développement économique, l’augmentation de la productivité et la migration.

Pour évaluer le taux d’activité en Suisse, l’OFAS s’appuie sur les projections d’équivalents à plein temps reposant également sur les scénarios démographiques de l’OFS. Les hypothèses utilisées par l’OFS dans ses scénarios ont également changé de manière substantielle par rapport à celles de 2020 : par exemple, le nombre d’actifs attendu en 2040 est plus élevé que précédemment (+ 220 000). Selon les scénarios de l’OFS, l’activité des frontaliers travaillant en Suisse est appelée à suivre les mêmes tendances, parfois de manière plus prononcée, que les projections domestiques. Néanmoins, l’augmentation du taux d’activité doit permettre d’équilibrer les perspectives pessimistes concernant l’évolution des salaires : en moyenne, on s’attend à ce que l’effet net sur les finances de l’AVS est certes légèrement positif, mais pratiquement nul.

Les recettes provenant de la TVA ne connaissent que de faibles variations par rapport à l’année dernière. Étant donné qu’elle est proportionnelle aux dépenses, la contribution fédérale sera elle aussi inférieure aux valeurs annoncées l’année passée, mais à 20,2 % des dépenses, elle reste la deuxième source de recette de l’AVS. Dans l’ensemble, les recettes annuelles de l’AVS sont appelées à diminuer, mais en moyenne, cette tendance sera largement compensée par la baisse des dépenses attendue jusqu’en 2040.

Incertitudes révélées par les scénarios de projection

Le débat exposé ci-dessus concernant les projections révisées de l’AVS s’appuie sur ce que l’OFAS appelle le scénario de référence (OFAS 2025). Ce scénario extrapole les futures tendances démographiques et économiques à partir des informations des dernières années et est considéré par l’OFAS comme l’évolution la plus probable au moment de son élaboration, la nouveauté étant que, désormais, il précise un état « haut » et un « bas » illustrant respectivement des résultats de répartition favorable et moins favorable. Ces alternatives permettent d’établir un scénario de référence qui reflète les incertitudes pesant sur les futurs résultats de répartition de l’AVS.

Estimer avec précision les variations du résultat de répartition de l’AVS à prendre en compte dans un scénario de référence n’est pas chose aisée car les évolutions démographique et économique sur lesquelles ce scénario repose sont elles-mêmes teintées de grandes incertitudes. Par ailleurs, plus l’horizon temporel considéré est long, plus les incertitudes de chaque facteur pris isolément s’accentuent et interagissent.

Pour contenir les effets de ce phénomène, l’OFAS complète ses propres calculs par les données des scénarios démographiques et économiques alternatifs de l’OFS et du SECO, entre autres. Ces derniers présentent en effet également des états « élevés » et « bas » correspondant par exemple à des situations de croissance économique forte et faible, ou encore à diverses probabilités d’évolution de la mortalité dans les classes d’âge élevées.

L’OFAS complète également les scénarios alternatifs de chaque assurance sociale en y intégrant plusieurs autres facteurs d’incertitude. Ainsi, l’estimation des cotisations salariales tient compte d’un « facteur structurel » illustrant les mouvements de la structure de l’économie : si, par exemple, le nombre d’actifs dans une branche à salaires élevés augmente, le revenu moyen augmentera également, et, de ce fait, les cotisations versées.

Combinées entre elles, les hypothèses des divers scénarios (voir tableau) suivent une logique simple : à titre exemple, des perspectives de croissance de PIB optimistes permettent de prévoir des résultats de répartition favorables. Cependant, le rôle de l’évolution démographique s’avère plus complexe à cerner. La raison en est qu’une forte croissance de population (comme celle du scénario alternatif de l’OFS) entraîne à la fois une augmentation de la population active et une augmentation du nombre de bénéficiaires de rente. Il en résulte une augmentation tant des recettes que des dépenses de l’AVS. Selon les calculs internes de l’OFAS, on peut néanmoins s’attendre à ce que l’effet positif d’une forte croissance de la population sur les recettes dépasse son impact sur les dépenses. On comprend ainsi pourquoi un scénario de répartition « élevé » dépend entre autres d’un scénario démographique élevé, malgré l’augmentation des bénéficiaires de rente qu’implique ce dernier.

Les perspectives financières sont désormais représentées par un scénario de référence du résultat de répartition, assorti d’un intervalle d’incertitude situé entre les résultats de répartition « élevé » et « bas ». Cet intervalle comprend toutes les évolutions du résultat de répartition que l’OFAS considère comme plausibles au vu des informations disponibles au moment de sa détermination. Les événements extraordinaires comme par exemple, les perturbations sur les marchés financiers, ne sont pas pris en compte dans une telle estimation.

En résumé, les scénarios élaborés concernant le résultat de répartition et l’état du Fonds de compensation de l’AVS permettent trois observations fondamentales :

  • Le résultat de répartition annuel de l’AVS entre 2026 – année du premier versement de la 13erente – et 2040 sera en moyenne de – 3 milliards de francs (selon le scénario de référence, au niveau des prix de 2024). Certes, l’intervalle d’incertitude considéré laisse à penser que les résultats seront meilleurs. Mais il ne faut pas oublier que la notion d’incertitude est à double sens et que les résultats peuvent aussi s’avérer plus défavorables. Quelles que soient les projections prises en compte, un constat reste immuable : la nécessité d’un financement additionel de la 13e rente n’est pas remise en question.
  • Au fur et à mesure des années, les incertitudes qui pèsent sur l’état du Fonds de compensation de l’AVS s’accentueront plus vite que celles pesant sur le résultat de répartition. Ce phénomène tient à la différence intrinsèque entre effectifs et flux, c’est-à-dire que les projections sur l’état du Fonds sont l’addition des incertitudes sur les résultats de répartition de chaque année. À cette réalité s’ajoute le fait que, contrairement aux estimations portant sur le résultat de répartition, les projections concernant le Fonds tiennent compte du rendement du capital. L’intérêt annuel de 2 % admis pour le capital du Fonds (en sus de l’inflation) comporte en soi un effet « boule de neige » qui accentue avec le temps les incertitudes pesant sur le Fonds.
  • Les évolutions démographiques et économiques conduisent dans l’ensemble à des déficits de répartition moins importants que ceux prévus il y a un an. Comme la rente minimale légale doit être adaptée au renchérissement et à l’évolution des salaires en moyenne tous les deux ans, il convient de comparer entre eux les chiffres des années paires, la différence s’élevant à environ 600 millions de francs en 2030 et à 1,7 milliard en 2036.

Toute affirmation concernant l’évolution des finances de l’AVS doit donc être avancée avec la plus grande prudence : au vu des dernières informations connues, plus l’horizon temporel considéré est long, plus les projections établies nécessitent de révisions.

Collaborateur scientifique, secteur Mathématiques, Office fédéral des assurances sociales (OFAS)
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