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HomeDossiersLa LPP fête ses 40 ansLe système du 2e pilier n’a pas d’équivalent à l’étranger

Le système du 2e pilier n’a pas d’équivalent à l’étranger

En comparaison internationale, la prévoyance professionnelle suisse fait figure d’exception. Elle combine une obligation légale et un financement par capitalisation, alors que de nombreux pays privilégient pour cette catégorie de prévoyance des dispositifs volontaires ou fondés sur la négociation collective.
Valérie Ruffieux
  |  23 décembre 2025
    Droit et politique
  • Prévoyance professionnelle
Au Royaume-Uni, les salariés éligibles sont automatiquement affiliés à un régime de retraite complémentaire, avec la possibilité de résilier leur affiliation. Heure de pointe à Londres. (Alamy)

En un coup d’œil

  • La prévoyance professionnelle suisse associe cadre étatique, caractère obligatoire et financement par capitalisation.
  • Les pays de l’OCDE présentent une grande diversité de modèles – conventions collectives, auto-affiliation ou régimes volontaires – chacun avec ses atouts et ses limites.
  • Le système de prévoyance suisse est bien positionné en comparaison internationale ; il est solide, mais doit être adapté aux évolutions démographiques, économiques et professionnelles pour conserver sa force.

Dans un contexte mondial marqué par le vieillissement démographique et la recherche de modèles de retraite durables, la Suisse se distingue par un système de prévoyance professionnelle (LPP) unique en son genre. Son 2e pilier, ancré dans la Constitution fédérale, obligatoire pour les salariés réalisant un certain revenu et fondé sur la capitalisation, tranche avec la majorité des régimes étrangers, souvent volontaires ou basés sur la négociation collective.

Les comparaisons internationales des régimes de sécurité sociale sont rarement aisées, tant les contextes nationaux diffèrent. Qu’en est-il alors de la prévoyance professionnelle ? Paradoxalement, l’exercice se révèle plus simple, dans la mesure où aucun pays ne dispose d’un système véritablement comparable au 2e pilier suisse. Dans l’Union européenne (UE), les systèmes de retraite relèvent de la responsabilité des Etats membres. L’UE n’a en effet de compétence que sur les questions relatives à la mobilité transfrontalière, à la protection des consommateurs et au marché intérieur. Il en résulte une mosaïque de modèles. Peu de pays combinent comme en Suisse obligation légale et financement par capitalisation individuelle. En Europe, seules l’Islande et, plus récemment, la Norvège présentent une configuration semblable.

Au vu de ce qui précède, un survol des principaux modèles de régimes de retraite professionnels de quelques pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) apparaît plus pertinent qu’une comparaison avec le système suisse.

Les régimes fondés sur des accords collectifs

Dans plusieurs Etats, l’affiliation à un régime de prévoyance professionnelle découle d’accords entre partenaires sociaux. C’est notamment le cas des Pays-Bas, où les fonds de pension sectoriels sont très développés Bien que l’affiliation ne soit pas imposée par la loi, elle est rendue obligatoire dans de nombreuses branches par la voie de conventions collectives. Le Danemark ou encore la Suède par exemple recensent aussi des fonds de pension sectoriels couvrant une large partie des employés.

Pour l’OCDE, la faiblesse de ces systèmes réside dans le fait qu’ils excluent les salariés qui ne sont pas couverts par des conventions collectives ainsi que les travailleurs indépendants (voir OCDE 2024). Ces trois pays figurent néanmoins parmi les plus performants selon les experts du Mercer CFA Institute Global Pension Index. Cet indice de référence évalue 52 systèmes de retraite dans le monde selon trois axes : l’adéquation, la viabilité et l’intégrité, à l’aide de plus de 50 indicateurs. En 2025, seuls trois pays européens obtenaient l’excellente note de A, à savoir précisément les Pays-Bas, l’Islande et le Danemark. La Suède s’est vu attribuer la note globale de B+ tandis que la Suisse a reçu la note de B avec toutefois un score en augmentation par rapport à 2024. Selon les auteurs, la Suisse pourrait encore augmenter ce score, par exemple, en liant l’âge de la retraite à l’évolution de l’espérance de vie.

Certains systèmes de prévoyance professionnelle gérés par les partenaires sociaux fonctionnent selon le principe de la répartition, à l’image des régimes AGIRC-ARRCO en France, qui couvrent les salariés du secteur privé, respectivement les cadres et qui fonctionnent par points (chaque année, les cotisations sont transformées en points de retraite qui alimentent un compte individuel). Avec l’évolution démographique (augmentation de l’espérance de vie et taux de natalité en baisse en particulier), ces systèmes de retraite par répartition doivent inévitablement être adaptés.

Le modèle de l’auto-affiliation

D’autres pays ont opté pour un modèle régi par l’Etat, mais facultatif pour les employés. C’est le cas par exemple du Royaume-Uni, avec son système d’auto-affiliation (auto-enrolment) : les salariés éligibles (à savoir les travailleurs dépassant un certain seuil de revenu, fixé à environ 10 000 francs par an pour 2025) sont automatiquement affiliés à un régime de retraite, mais ont la possibilité de résilier leur affiliation (opt-out). Le modèle britannique est néanmoins critiqué pour le niveau jugé insuffisant des cotisations : les règles minimales exigent seulement 3% de cotisation de l’employeur et 5% pour le salarié, des montants considérés comme trop faibles pour garantir une retraite adéquate à long terme. Des dispositifs similaires existent par exemple en Turquie ou en Nouvelle-Zélande, avec des degrés de réussite variables. L’Irlande va introduire un tel mécanisme dès le 1er janvier 2026 pour les salariés réalisant plus de 20 000 euros par an (My Future Fund).

La Commission européenne considère l’auto-affiliation comme un instrument efficace pour augmenter les taux de participation des travailleurs aux régimes complémentaires et améliorer les rendements pour les titulaires de pensions, grâce à la diversification des investissements et à l’effet d’échelle des fonds placés. En novembre 2025, elle a d’ailleurs adopté un ensemble de mesures visant à compléter les retraites publiques, dont une recommandation prônant des mécanismes d’affiliation automatique. La Commission suivra la mise en œuvre de la recommandation au niveau national par le biais de plusieurs mécanismes.

Les régimes volontaires

Dans de nombreux pays, les régimes de prévoyance professionnelle demeurent entièrement volontaires et dépendent de la politique de l’employeur. C’est le cas notamment de l’Allemagne (Betriebliche Altersvorsorge) ou des Etats-Unis. L’Etat, sans être directement impliqué, encourage le développement de ces plans de prévoyance au travers d’incitations fiscales.

Afin de promouvoir la prévoyance vieillesse complémentaire, qui peine encore à convaincre, l’Etat allemand a mis en place le mécanisme de la Riester-Rente. Il s’agit d’un contrat privé que le salarié ou son employeur peut souscrire à titre volontaire et pour lequel l’Etat alloue des avantages fiscaux et des subventions. A noter que le système de la Riester-Rente fait actuellement l’objet d’un projet de réforme, afin d’en améliorer l’attractivité ; l’entrée en vigueur du nouveau système est envisagée à partir de 2027. Le Bundestag a par ailleurs adopté le 5 décembre 2025 une deuxième loi renforçant les régimes de retraite d’entreprise (Betriebsrentenstärkungsgesetz II), qui entrera quant à elle en vigueur progressivement à partir du 1er janvier 2026. Aux Etats-Unis, les dispositifs d’épargne-retraite bénéficient d’un traitement fiscal fédéral avantageux, soit un traitement préférentiel sur l’ensemble du territoire américain. En revanche, l’absence d’harmonisation au sein de l’UE empêche un traitement fiscal préférentiel uniforme des produits d’épargne-retraite.

Un modèle helvétique singulier

La prévoyance professionnelle suisse apparaît ainsi comme une exception dans le paysage international : elle combine caractère étatique, obligation légale et financement par capitalisation. Ce système assure, avec le 1er pilier, une couverture étendue et une relative stabilité financière. Plus le revenu est élevé, plus le rôle du 2e pilier devient déterminant, voire indispensable pour maintenir le niveau de vie antérieur. Cette architecture originale reflète l’équilibre propre à la Suisse entre responsabilité individuelle et solidarité collective. Toutefois, sa pérennité exige des ajustements face aux évolutions démographiques, économiques et professionnelles : taux d’intérêt durablement bas, allongement de l’espérance de vie, diversification des parcours. C’est à cette condition que le 2e pilier pourra continuer à incarner un modèle efficace dans un environnement en mutation.

Juriste, Organisations internationales, Office fédéral des assurances sociales (OFAS)
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