Pour la plupart des personnes récemment retraitées, le passage à la retraite ne présente aucun risque financier. Au contraire, globalement, les membres des ménages aux ressources financières faibles voient alors leur situation s’améliorer avec la perception d’une rente AVS. Les moyens financiers à la disposition des bénéficiaires de rente du 2e pilier sont supérieurs à la moyenne.
En un coup d’œil
- L’Institut für Wirtschaftsstudien Basel (IWSB) a réalisé, à la demande de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), une étude portant sur le passage à la retraite dans le 1er et le 2e pilier, ainsi que sur l’activité lucrative exercée avant et après l’âge ordinaire de la retraite.
- En moyenne, la rente AVS, surtout associée aux prestations complémentaires, permet aux ménages ayant de faibles ressources financières d’améliorer leur situation économique au moment du passage à la retraite.
- Les bénéficiaires de rente PP disposent en général de moyens financiers supérieurs à la moyenne.
- Alors que, dans l’AVS, une très large majorité de personnes perçoivent leur rente à l’âge ordinaire de la retraite, dans la PP, la moitié demandent la perception anticipée de leur rente.
Quel est l’impact du passage à la retraite sur la situation économique des ménages en Suisse ? C’est la question à laquelle l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a chargé l’Institut für Wirtschaftsstudien Basel (IWSB) de répondre pour les 1er et 2e piliers. Dans son étude, l’IWSB s’est appuyé sur la base de données concernant la situation économique des personnes en âge de travailler et à l’âge de la retraite (WiSiER, Wirtschaftliche Situation von Personen im Erwerbs- und Rentenalter), qui apparie des données fiscales harmonisées fournies par onze cantons avec des données figurant dans des registres et des données issues d’enquêtes régulières. Ainsi, pour la première fois, la situation du ménage a pu être prise en compte dans l’étude du passage à la retraite.
Les données observées ont permis de constater qu’en moyenne, la situation économique des personnes vivant dans un ménage disposant de ressources financières très faibles s’améliorait avec la perception de la rente AVS, en particulier lorsque celle-ci s’accompagnait de prestations complémentaires. Dans le même temps, la proportion des ménages en situation économique précaire diminue : tandis qu’avant le début de la perception de la rente AVS, 9 % des personnes sondées vivent dans un ménage dans une telle situation, cette proportion passe à 7 % après le début de la perception (cf. graphique 1). Un ménage est en situation économique précaire lorsque son revenu équivalent est inférieur à 38 652 francs (soit moins de 60 % du revenu équivalent médian de la population).
Baisse du revenu médian
Dans l’ensemble, le revenu annuel équivalent médian des ménages diminue de presque 5 % pour s’établir à 67 597 francs après le début de la perception de la première rente AVS. Malgré cette baisse, il reste supérieur de 3177 francs au revenu médian de la population totale (64 420 francs). Le revenu annuel équivalent médian correspond au revenu total d’un ménage, pondéré avec le nombre de personnes qui le composent.
Pour pouvoir se constituer un 2e pilier, il faut réaliser un revenu minimal de 21 510 francs par an. De ce fait, il est rare que les personnes sans activité lucrative ou à faible revenu disposent d’une fortune de prévoyance. Il en va de même pour les indépendants, pour qui la prévoyance professionnelle se fait sur une base volontaire. Il en découle une sélection de fait selon laquelle les bénéficiaires de rente PP disposent de moyens financiers supérieurs à la moyenne. On estime qu’environ trois quarts des bénéficiaires de rente AVS ont accumulé une fortune de prévoyance dans le 2e pilier.
Un an avant le début du versement de la rente, le revenu médian des tous les bénéficiaires de rente PP s’élève à 81 790 francs, et même à 86 772 francs pour les personnes anticipant la perception de cette rente. Au moment dudit versement, il diminue de respectivement 11 % (73 023 francs) et 12 % (75 969 francs), sans que cela ne représente un risque financier.
AVS : une rente largement perçue à l’âge ordinaire
Environ 9 % de la population assurée perçoivent leur rente AVS avant l’âge ordinaire de la retraite (à 62 ou 63 ans pour les femmes et à 63 ou 64 ans pour les hommes). Une large majorité (88 %) commence à percevoir sa rente AVS à l’âge ordinaire de la retraite (cf. graphique 1). Seulement 3 % de la population perçoivent une rente différée.
Les personnes percevant une rente AVS anticipée sont souvent des personnes aux ressources financières faibles ou très faibles, des personnes ayant connu des périodes de chômage répétées ou encore des personnes touchant l’aide sociale. Les ménages de couple sont également plus nombreux que la moyenne à percevoir une rente AVS avant l’âge ordinaire de la retraite.
Étant donné que la norme est de percevoir sa rente AVS à l’âge ordinaire de la retraite, les bénéficiaires ne présentent pas spécialement de profil particulier. Cependant, pour des raisons liées au fonctionnement des institutions, les bénéficiaires d’une allocation pour impotent (API) ou d’une rente de l’assurance-invalidité (AI) sont particulièrement nombreux dans cette catégorie : les rentes de l’assurance-invalidité prennent en principe fin à l’âge ordinaire de la retraite, elles sont alors remplacées par une rente AVS. Les rentes de veuvage prennent également fin lorsque les bénéficiaires atteignent l’âge ordinaire de la retraite, pour autant que leur rente AVS soit plus élevée.
Une grande partie des personnes qui perçoivent leur rente AVS de manière différée appartiennent à un ménage aux ressources financières élevées (180 % du revenu équivalent médian) et ne sont pas financièrement tributaires de la rente AVS parce qu’elles continuent d’exercer une activité lucrative après l’âge ordinaire de la retraite ou parce que leur situation financière est excellente, indépendamment de leur revenu de l’activité lucrative. Par ailleurs, cette catégorie de personnes annonce plus fréquemment l’ajournement de sa rente et obtient ainsi un supplément de rente. L’autre partie des personnes percevant leur rente AVS de manière différée dispose de ressources financières très faibles (moins de 50 % du revenu équivalent médian). Ces personnes n’annoncent que rarement l’ajournement de leur rente et ne bénéficient pas d’un supplément de rente, bien que celui-ci leur serait proportionnellement plus profitable. Une des principales raisons pour l’absence d’annonce de l’ajournement serait que ces personnes sont moins bien informées des formalités à suivre dans ce cas.
PP : perception anticipée pour la moitié des personnes assurées
La perception anticipée des prestations de retraite est beaucoup plus répandue dans la prévoyance professionnelle que dans l’AVS : une personne sur deux la demande (52 %), 36 % perçoivent la rente PP à l’âge ordinaire de la retraite et seulement 12 % la perçoivent de manière différée.
Qui sont les personnes qui demandent la perception anticipée des prestations PP ? Contrairement à l’AVS, il s’agit principalement de personnes aisées. Plus le revenu équivalent est bas, plus la probabilité qu’un assuré demande la perception anticipée de ses prestations PP est faible. Bien que la perception anticipée entraîne une diminution de la rente, les personnes en bénéficiant touchent une rente PP en moyenne plus élevée que celles qui la perçoivent à l’âge ordinaire de la retraite ou de façon différée.
Disparités selon le sexe
Outre la situation financière des ménages, le sexe est un autre facteur déterminant de la retraite anticipée du 2e pilier : le nombre d’hommes en bénéficiant est supérieur à celui des femmes. Par contre, les femmes diffèrent plus souvent le moment de la perception de la rente PP.
Font exception à cela les femmes dont le partenaire perçoit déjà une rente : elles demandent plus souvent une perception anticipée. Le fait d’être ou non en couple exerce généralement une influence majeure sur cette décision : comme dans l’AVS, les personnes faisant partie d’un ménage de couple demandent plus souvent la perception anticipée que les personnes seules. Lorsque le ou la partenaire de l’assuré est plus jeune d’au moins quatre ans, la probabilité que ce dernier diffère la perception de ses prestations du 2e pilier augmente. Enfin, la présence d’enfants a également une influence notable à ce niveau : les personnes ayant des enfants diffèrent davantage la perception de leurs prestations que celles n’en ayant pas.
Les personnes disposant de ressources financières faibles ou très faibles, celles n’étant pas nées en Suisse et celles ayant plusieurs fois eu le statut d’indépendant au cours de leur carrière sont fortement représentées dans la catégorie des assurés percevant leurs prestations PP de manière différée. On peut supposer que ces personnes disposent d’une fortune de prévoyance modeste et cherchent ainsi à améliorer leur rente PP.
En conclusion, on peut affirmer que la pratique concernant la perception de la rente dans l’AVS diffère grandement de celle dans la PP. Alors que, selon l’étude, une large majorité d’assurés perçoivent leur rente AVS à l’âge ordinaire de la retraite, plus de la moitié d’entre eux demandent la perception anticipée de leurs prestations PP. La situation économique, le sexe et la situation de couple (présence d’un partenaire) sont les principaux facteurs influant sur cette décision.
Bibliographie
Braun-Dubler, Nils ; Frei, Vera ; Kaderli, Tabea ; Roth, Florian (2022). Qui prend sa retraite quand ? Passage à la retraite : parcours et déterminants. Aspects de la sécurité sociale. No 5/22.1. Berne : Office fédéral des assurances sociales. Le rapport est également disponible sous forme succincte en français et en allemand.