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Reporting ESG dans la prévoyance professionnelle : de la marge à la norme

L’investissement durable s’est bien établi dans le paysage suisse des caisses de pension. Avec la norme de reporting ESG introduite en 2023, l’association suisse des institutions de prévoyance (ASIP) entend améliorer la comparabilité des stratégies d’investissement durable.
Lukas Müller-Brunner
  |  10 juillet 2025
    Droit et politiqueOpinionRecherche et statistique
  • Prévoyance professionnelle
Dans des rapports de durabilité, les caisses de pension peuvent faire toute la transparence sur les entreprises dans lesquelles elles investissent (Alamy).

En un coup d’œil

  • La norme ESG de l’ASIP assure la transparence des stratégies d’investissement durable dans la prévoyance professionnelle.
  • Une évaluation montre qu’en 2023, près de la moitié de la fortune de prévoyance était soumise à la norme ESG.
  • La qualité des données et leur comparabilité constituent de véritables enjeux.

L’investissement durable avec le label ESG est très prisé. L’acronyme ESG est apparu pour la première fois dans un rapport des Nations Unies publié en 2004, qui appelait à une meilleure prise en compte des actions durables des entreprises dans les sphères environnementale (E), sociale (S) et de bonne gouvernance (G) lors des décisions d’investissement. En toile de fond figurent entre autres la marée noire causée par le pétrolier américain Exxon-Valdez au large de l’Alaska en 1989 ainsi que les fraudes comptables des groupes Enron et MCI WorldCom au tournant du millénaire.

Dans l’intervalle, l’investissement durable est devenu une valeur sûre. En témoignent la diversité des produits d’investissement labellisés ESG, l’augmentation du volume des investissements et l’omniprésence du vocabulaire ESG dans les brochures de marketing. Même les scandales d’écoblanchiment (greenwashing) n’ont pu entamer sa popularité. Avec la crise énergétique au début de la guerre en Ukraine et la politique économique du président américain Donald Trump, les investissements durables ont récemment fait l’objet de nouvelles critiques.

En tant que place financière interconnectée, la Suisse est aussi concernée par la thématique ESG, comme le montre le contexte réglementaire. Ainsi, l’Association suisse des banquiers a défini des normes de durabilité pour la branche. Les aspects de durabilité sont désormais systématiquement abordés dans les entretiens de conseil. Les préférences ESG des investisseurs doivent ensuite être appliquées aux produits et stratégies d’investissement selon un système de classification uniforme.

Norme de reporting ESG pour les caisses de pension

Ces dernières années, l’intérêt des caisses de pension suisses pour les critères ESG a aussi fortement augmenté. Autrefois d’une importance très marginale, ces critères sont aujourd’hui bien ancrés dans la prévoyance professionnelle. Naturellement, les caisses souhaitent mettre en évidence ce changement dans leurs rapports. Mais nombre d’entre elles déploraient jusqu’ici l’absence d’indicateurs globaux et comparables qui soient largement acceptés pour le reporting ESG. Actuellement, la seule obligation légale est que les caisses de pension doivent exercer activement leur droit de vote dans les entreprises suisses et les documenter.

L’ASIP s’est donc engouffrée dans la brèche. En 2023, elle a développé, en étroite collaboration avec des spécialistes issus d’autres associations, une « Norme de reporting ESG pour les caisses de pension ». Les caisses de pension peuvent ainsi faire la transparence sur leurs activités ESG. Elles peuvent par exemple montrer comment elles définissent leurs investissements et quelles étapes elles ont franchies en matière de durabilité.

Certes, la norme de reporting ESG n’a que valeur de recommandation. Cependant, en mettant à disposition cet outil, l’ASIP prend un engagement clair : cette norme doit garantir la plus grande transparence possible en matière de mise en œuvre des critères ESG, et ce de manière responsable et avec le soutien de l’ensemble de la branche dans le cadre d’un partenariat social. Avec cet engagement volontaire, l’association veut faire en sorte que la densité, déjà importante, des prescriptions légales et les coûts de la réglementation dans la prévoyance professionnelle n’augmentent pas davantage.

Priorité à l’établissement de rapports

L’ASIP recommande aux institutions de prévoyance de présenter dans leurs rapports de durabilité des informations tant qualitatives que quantitatives. Sur le plan qualitatif, il s’agit de décrire les intentions de l’institution quant au respect des critères ESG ainsi que les approches appliquées (exercice des droits de vote, engagement, exclusions, etc.). Sur le plan quantitatif, le rapport présentera les chiffres clés relatifs à l’exercice des droits de vote et à l’engagement, ainsi que les indicateurs climatiques relatifs aux actions, aux obligations et à l’immobilier.

Fin 2024, l’ASIP a publié une version actualisée de la norme (ASIP 2024), qui a notamment permis d’améliorer la qualité des rapports établis. L’accent est mis sur les efforts de gestion responsable (stewardship), c’est-à-dire le dialogue actif avec les entreprises et l’exercice des droits de vote des actionnaires, mais aussi désormais des informations sur la procédure d’escalade en cas d’échec des dialogues d’engagement. En outre, la notion d’actionnariat actif en matière de questions climatiques est explicitement mise en avant. En revanche, à la demande générale, les exigences pour les rapports quantitatifs ont été simplifiées et réduites, notamment en ce qui concerne les indicateurs quantitatifs.

Le reporting ESG rencontre un écho favorable

Dans une étude commandée par l’ASIP, la société d’audit et de conseil PWC Suisse a examiné dans quelle mesure la norme de reporting ESG avait déjà été adoptée pour l’exercice 2023 (ASIP et PWC 2024). L’étude documente le reporting ESG et analyse la diffusion et l’acceptation de la norme de reporting ESG auprès des caisses de pension suisses.

Les résultats sont prometteurs : près de 9 institutions de prévoyance sur 10 interrogées appliquaient déjà des approches d’investissement ESG en 2023. Près de la moitié de la fortune de prévoyance totale était déjà couverte par un rapport de durabilité répondant à la norme de reporting de l’ASIP. En outre, 45 % des caisses de pension interrogées prévoient d’introduire un reporting ESG en 2024.

Les caisses présentent également pour leurs placements – hors emprunts d’État – une empreinte carbone inférieure à celle de l’indice de référence et publient notamment leur comportement de vote lors des assemblées générales en Suisse et à l’étranger. Fait particulièrement réjouissant, on constate que 80 % des institutions de prévoyance interrogées se réfèrent à la norme de reporting de l’ASIP.

Pour les caisses de pension suisses, le respect des critères ESG est donc bien plus qu’une déclaration de façade. Elles contribuent ainsi concrètement à la stratégie à long terme de la Suisse, qui vise à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Des données encore lacunaires

Les résultats des premiers rapports ESG doivent encore être considérés avec prudence. Cela n’est toutefois pas dû à une absence de volonté, mais au fait que les caisses de pension doivent souvent composer avec des données de qualité insuffisante ou lacunaires. Des échanges intensifs se déroulent au sein de l’ASIP pour rassembler les expériences et améliorer la comparabilité à l’avenir.

D’une part, les rapports ESG fournissent aux conseils de fondation un bon aperçu des effets des mesures prises. D’autre part, ils offrent aux assurés et aux employeurs une vision transparente de la stratégie d’investissement ESG de leur institution de prévoyance. Par son engagement, l’ASIP joue également un rôle pionnier sur le plan international. En effet, des réglementations spécifiques aux caisses de pension font largement défaut dans d’autres pays européens. Dans l’UE, les grandes caisses de pension sont seulement tenues d’établir des rapports sur les principaux effets négatifs en matière de durabilité.

Une fois de plus, on observe que l’approche suisse en matière d’autorégulation n’a pas à rougir de la comparaison internationale. Les spécialistes reconnaissent qu’avec sa norme de reporting ESG, l’ASIP a trouvé un équilibre compréhensible entre pertinence et faisabilité.

Bibliographie

Directeur de l'’Association Suisse des Institutions de Prévoyance (Asip)
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