En un coup d’œil
- Le groupe de pilotage de la Plateforme contre la pauvreté a formulé une proposition de structure nationale pour la coordination et le développement de la politique de lutte contre la pauvreté.
- Le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l’intérieur (DFI) d’approfondir cette proposition et d’élaborer un concept d’ici la fin de l’année.
- Le Conseil fédéral juge important d’intensifier les partenariats avec d’autres acteurs de la politique de lutte contre la pauvreté.
Depuis 2014, la Confédération s’engage aux côtés des cantons, des communes et des organisations de la société civile dans la prévention et la lutte contre la pauvreté. La Confédération veut améliorer les mesures existantes en fournissant des connaissances pratiques et en favorisant la mise en réseau des acteurs des différents niveaux étatiques et champs d’action politiques. Jusqu’en 2018, elle l’a fait dans le cadre du Programme national contre la pauvreté et depuis lors, de la Plateforme nationale contre la pauvreté.
La plateforme, dont le mandat est limité à fin 2024, met l’accent sur les chances de formation des personnes socialement défavorisées, la prévention de la pauvreté des familles et la participation des personnes touchées par la pauvreté à la politique de lutte contre ce phénomène. Alors quelles suites pour la plateforme ?
Conférence nationale sur la pauvreté
Pour marquer la fin du mandat actuel de la Plateforme nationale contre la pauvreté, une Conférence nationale sur la pauvreté aura lieu le 22 août 2024 à Berne. Ce sera l’occasion, d’une part, de présenter les résultats de la plateforme et de les approfondir dans le cadre d’ateliers et, d’autre part, de discuter la nécessité d’agir à l’avenir du point de vue des différents acteurs. La conférence s’adresse aux responsables des différents domaines de la prévention et de la lutte contre la pauvreté ainsi qu’aux personnes ayant l’expérience de la pauvreté.
Des produits de haute qualité, mais de portée limitée
Le Conseil fédéral a opté pour une procédure en deux phases. Dans un premier temps, il a pris connaissance en juin 2024 de l’évaluation externe de la plateforme (Stern et al. 2024) et il a publié le rapport final sur les cinq années écoulées (Conseil fédéral 2024). Il décidera probablement des prochaines étapes à la fin de l’année.
L’évaluation externe confirme la haute qualité des produits de la plateforme. Les activités qu’elle propose rencontrent une large approbation auprès des groupes cibles, et les produits sont jugés pertinents pour la pratique et faciles à comprendre. Ses fonctions d’échange et de mise en réseau sont également couronnées de succès.
Malgré cela, la plateforme ne parvient que partiellement à fournir les impulsions souhaitées dans la politique de lutte contre la pauvreté. Sa portée est trop limitée et il y a un manque d’incitations à mettre en œuvre les recommandations. L’évaluation relève à cet égard un écart entre les objectifs ambitieux de la plateforme et le budget dont elle dispose, nettement inférieur à celui du Programme national contre la pauvreté 2014-2018 qui l’a précédée (0,5 million de francs par an en moyenne contre 1,8 million de francs par an).
Proposition du groupe de pilotage de la plateforme
Selon les derniers chiffres, quelque 700 000 personnes en Suisse sont touchées par la pauvreté, soit 8,2 % de la population résidente permanente.
Afin de maîtriser les défis identifiés dans l’évaluation, le groupe de pilotage de la plateforme, composé de représentants des trois échelons fédéraux et d’organisations d’utilité publique, a formulé une proposition. Il recommande de regrouper les activités existantes en matière de lutte contre la pauvreté dans une structure globale au niveau national, et ce afin de renforcer leur efficacité. Cette structure doit comprendre quatre éléments, qui sont complémentaires et s’influencent mutuellement :
- Monitoring national de la pauvreté: début 2021 déjà, le Conseil fédéral a décidé de mettre en place un monitoring national de la pauvreté, qui doit publier un rapport tous les cinq ans. Ce monitoring suit l’évolution de la pauvreté à l’aide d’indicateurs statistiques et rassemble des connaissances fondées concernant les effets des mesures de lutte contre la pauvreté. Il s’intéresse au système global de prévention et de lutte contre la pauvreté.
- Plateforme nationale permanente: contrairement au monitoring, la plateforme est axée sur la mise en pratique. Par la mise en réseau, l’échange et son savoir-faire, elle contribue à améliorer l’efficacité des mesures de lutte contre la pauvreté. Elle se concentre à cet effet sur des thèmes prioritaires choisis. À la différence de la situation actuelle, il s’agit de pérenniser la plateforme afin de pouvoir réagir le plus rapidement possible aux nouveaux défis de la lutte contre la pauvreté.
- Programmes de travail: dans le cadre de la plateforme, il s’agit de développer et de mettre en œuvre des programmes de travail limités dans le temps. Ces programmes formuleront des objectifs de développement sur lesquels les partenaires de la plateforme, en particulier les cantons, devront s’engager. L’objectif est d’accroître l’effet d’impulsion de la plateforme.
- Structure de participation des personnes touchées par la pauvreté: l’implication des personnes concernées est un objectif fondamental de la plateforme, mais elle est restée jusqu’ici limitée à des projets spécifiques. La mise en place d’une structure nationale de participation, le « Conseil pour les questions de pauvreté en Suisse », doit permettre d’assurer durablement la participation. Un modèle pour une telle structure a été élaboré dans le cadre de la plateforme actuelle (Chiapparini et al. 2024).
Il s’agit maintenant d’approfondir les propositions du groupe de pilotage. Le Conseil fédéral a donc chargé le DFI de lui soumettre un plan de mise en œuvre d’ici fin 2024. Ce dernier devra également prévoir une structure de participation pour les personnes ayant l’expérience de la pauvreté, le « Conseil pour les questions de pauvreté en Suisse ».
Le projet est placé sous la responsabilité de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Une fois le plan de mise en œuvre élaboré, le Conseil fédéral décidera des prochaines étapes.
Élargir le financement
Aux yeux du Conseil fédéral, il est d’ores et déjà clair qu’il faut intensifier le partenariat avec les cantons, les communes et les organisations de la société civile et élargir le financement de la plateforme. En effet, pour assurer le fonctionnement de la structure de participation décrite ci-dessus et pour remédier aux lacunes constatées lors de l’évaluation, il serait nécessaire d’augmenter les ressources humaines et matérielles par rapport à la situation actuelle.
Aujourd’hui, la Confédération est seule à prendre en charge les coûts directs de la direction du projet et les coûts matériels de la plateforme. Le Conseil fédéral a donc chargé le DFI d’évaluer dans quelle mesure des partenaires actuels ou potentiels sont prêts à s’engager, de concert avec la Confédération, dans ces projets de lutte contre la pauvreté et à contribuer à leur financement.
Bibliographie
Chiapparini, Emanuela ; Guerry, Sophie ; Reynaud, Caroline (2024). Wie können armutserfahrene Personen mit ihrer Erfahrungsexpertise dauerhaft in die Schweizer Armutspolitik einbezogen werden und mitwirken? Grundlagen und Konzept einer ständigen Beteiligungsstruktur, die forschungsbasiert gemeinsam mit armutserfahrenen Personen entwickelt wurde. Étude réalisée sur mandat de la plateforme contre la pauvreté (OFAS).
Conseil fédéral (2024). Résultats et évaluation de la Plateforme nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté 2019–2024, 19 juin.
Stern, Susanne ; Rüegge, Bettina ; Wick, Alina ; Thomas, Ralph (2024). Évaluation de la Plateforme nationale contre la pauvreté. Sur mandat de l’OFAS. Aspects de la Sécurité sociale. Rapport de recherche no 01/24.