Assurances sociales : ce qui va changer en 2021

La sécurité sociale suisse s’étoffe en 2021 avec l’introduction de nouvelles prestations, comme le congé paternité. Des modifications importantes entrent aussi en vigueur, en particulier la réforme des prestations complémentaires. Le présent article donne un bref aperçu de ce qui change en 2021, sur la base des informations disponibles début novembre 2020.
Mélanie Sauvain
  |  02 décembre 2020
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CHANGEMENTS AU 1ER JANVIER 2021

RÉFORME DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES Adoptée en mars 2019 par le Parlement, la réforme des prestations complémentaires (PC) entre en vigueur le 1er janvier 2021. Les principales modifications touchent les conditions d’octroi, le calcul des prestations ainsi que leur montant.

  • Nouveaux montants maximaux pour les loyers Les frais de logement sont pris en compte dans le calcul des PC jusqu’à concurrence d’un certain montant. Ce plafond est désormais augmenté afin de tenir davantage compte des coûts effectifs. Il varie selon la taille des ménages concernés et de leur région d’habitation. Pour une personne seule habitant dans un grand centre urbain, le loyer maximum reconnu passe par exemple de 1100 à 1370 francs par mois. Pour une famille de 4 personnes habitant en zone rurale, les frais remboursés passent de 1250 à 1740 francs par mois.
  • Meilleure pris en compte de la fortune La fortune est désormais prise en compte lors de la détermination du droit aux PC. Seules les personnes dont la fortune est inférieure à 100 000 francs (200 000 francs pour les couples mariés) auront droit à ces prestations. Cette limite ne concerne pas les biens immobiliers servant d’habitation.

    Lors du calcul du montant de la PC, une part de la fortune – la franchise – n’est pas prise en compte. Le montant de ces franchises est abaissé, de 37 500 à 30 000 francs pour les personnes seules et de 60 000 à 50 000 francs pour les couples. La franchise pour les enfants reste inchangée à 15 000 francs. L’abaissement de ces franchises a pour conséquence que le revenu déterminant dans le calcul des PC augmente en cas de fortune supérieure à 30 000 francs. La notion de dessaisissement de fortune est par ailleurs étendue. Jusqu’ici, le calcul des PC tenait compte des éléments de fortune auxquels la personne avait volontairement renoncé, par exemple lors d’une donation. Dès le 1er janvier, les cas de consommation excessive de la fortune sont aussi pris en considération, par exemple si le bénéficiaire a dépensé plus de 10 % de sa fortune en une année sans raisons valables.
  • Nouveaux montants pour les enfants Deux modifications sont apportées au niveau de la couverture des besoins vitaux des Le montant octroyé pour les enfants de moins de 11 ans est revu à la baisse et se monte désormais à 7200 francs par an (pour le premier enfant, ensuite dégressif). En contrepartie, les frais de prise en charge extrafamiliale des enfants de moins de 11 ans sont reconnus comme dépenses dans le cadre du calcul des PC, pour autant que les deux parents travaillent. Pour les enfants à partir de 11 ans, le montant servant à couvrir leurs besoins vitaux s’élève à 10 260 francs.
  • Obligation de restitution Une nouvelle disposition sur la restitution des PC en cas de succession est appliquée dès janvier. Les prestations complémentaires qu’une personne aura touchées au cours des dix années précédant son décès devront être restituées par ses héritiers dans les cas où la succession est supérieure à 40 000 francs. Cette obligation s’applique uniquement sur la part dépas- sant ce montant. Si la succession est inférieure à 40 000 francs, il n’y a pas d’obligation de restituer. Cette disposition ne concerne que les PC touchées après le 1er janvier 2021.
  • Autres adaptations Plusieurs modifications touchent au calcul du montant des PC. Le revenu de l’activité lucrative du conjoint (sans PC) sera pris en compte à hauteur de 80 %, contre deux tiers jusqu’ici. Concernant la prime maladie reconnue comme dépense, c’est désormais le montant effectif qui est déterminant, mais au maximum la prime moyenne cantonale ou régionale.
  • Période transitoire de trois ans Les personnes qui bénéficiaient déjà de PC avant l’entrée en vigueur de la réforme sont soumises à une période transitoire de trois ans. Le nouveau droit leur est appliqué s’il leur est favorable, c’est- à-dire s’il entraîne une hausse de leurs prestations. À l’inverse, si les changements impliquent une baisse des prestations, voire la fin du droit aux PC, les personnes concernées auront trois ans avant que les dispositions ne leur soient appliquées. Cela afin qu’elles puissent s’adapter à leur nouvelle situation économique.

APG – CONGÉ PATERNITÉ Les pères dont l’enfant naît à partir du 1er janvier 2021 ont droit à un congé paternité payé de 10 jours. Ils peuvent prendre ce congé en bloc de deux semaines ou sous forme de jours isolés dans les 6 mois suivant la naissance. Pour 10 jours de congé pris, le père a droit à 14 indemnités journalières financées par le biais des allocations perte de gain (APG).

Certaines conditions doivent être remplies par les pères pour avoir droit au congé payé : exercer une activité lucrative au moment de la naissance de l’enfant, être assuré obligatoirement auprès de l’AVS pendant les neuf mois précédant la naissance et, au cours de cette période, avoir exercé une activité lucrative pendant au moins cinq mois. L’allocation est versée soit à l’employé directement, soit à l’employeur si celui-ci continue de lui verser son salaire pendant le congé.

Comme pour le congé maternité, l’allocation perte de gain correspond à 80 % du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant la naissance de l’enfant, mais au maximum à 196 francs par jour.

Afin de financer ce congé de paternité, le taux de cotisation au régime des APG passe de 0,45 à 0,5 % dès le 1er janvier 2021. Pour les pères salariés, la moitié de cette augmentation est assumée par l’employeur.

SOUTIEN AUX PROCHES AIDANTS La nouvelle loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches entre en vigueur en deux étapes : une première le 1er janvier 2021 et une seconde le 1er juillet 2021. Les proches aidants qui exercent une activité lucrative pourront s’absenter brièvement de leur travail, réduire leur taux d’occupation ou prendre un congé. Cette loi permet d’octroyer des conditions identiques à tous les employés.

  • Salaire payé en cas d’absence de courte durée Les dis- positions légales en lien avec les courtes absences professionnelles pour prendre en charge un proche malade ou accidenté sont clarifiées et étendues dès le 1er janvier 2021. Ainsi, sont considérés comme proches plus seulement les enfants, les époux/épouses et les partenaires enregistrés, mais également les concubins, les parents, les beaux-parents et les frères/sœurs. La personne qui s’absente du travail pour prendre en charge un de ces proches a droit à son salaire durant 3 jours au maximum par cas, 10 jours au maximum dans l’année.
  • Extension des bonifications pour tâches d’assistance Le droit aux bonifications pour tâches d’assistance dans l’AVS est étendu aux proches aidants qui s’occupent d’une personne au bénéficie d’une allocation pour impotence faible. Auparavant, il fallait un degré d’impotence moyen ou grave. La prise en charge de son concubin – ménage commun d’au moins 5 ans – est désormais aussi reconnue, au même titre que celle des parents, beaux-parents, grands-parents, enfants, enfants du conjoint, conjoint et frères/sœurs. Les bonifications pour tâche d’assistance constituent un revenu fictif pris en compte lors du calcul de la rente AVS.
  • Allocation pour impotent et supplément pour soins in- tenses en cas d’hospitalisation La nouvelle loi prévoit que le versement de l’allocation pour impotent et du supplément pour soins intenses de l’AI en faveur des enfants ne sera plus interrompu en cas d’hospitalisation de l’enfant. Si le séjour à l’hôpital dure plus qu’un mois, ces aides ne seront versées que si la présence des parents est nécessaire. Les séjours en home ne sont pas concernés, l’enfant étant alors pris intégralement en charge par des tiers.

1ER PILIER

  • Hausse des rentes du 1er pilier et des PC Les rentes versées par l’AVS et l’AI augmentent en 2021. La rente minimale passe de 1185 à 1195 francs par mois ; la rente maximale de 2370 à 2390 francs par mois (pour une durée de cotisation complète).

    Les montants annuels des prestations complémentaires, destinées à couvrir les besoins vitaux, sont aussi revus à la hausse : de 19 450 à 19 610 francs pour les personnes seules et de 29 175 à 29 415 francs pour les couples. Pour les enfants, les montants passent à 10 260 francs pour les enfants âgés de 11 ans et plus. Ils diminuent à 7200 francs pour les enfants de moins de 11 ans à la suite de la réforme des PC.
  • Hausse des cotisations AVS/AI/APG Les cotisations AVS/ AI/APG augmentent, de 10,55 à 10,6 %. Pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative, la cotisation minimale AVS/AI/APG est également adaptée, de 496 à 503 francs par an.

PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE

  • Adaptation des montants-limites Dans la prévoyance professionnelle, le salaire minimal annuel (ou seuil d’accès au 2e pilier) se monte dès le 1er janvier à 21 510 francs par an. La limite supérieure au salaire annuel s’élève de son côté à 86 040 francs. Le salaire coordonné minimal passe à 3585 francs ; la déduction de coordination à 25 095 francs par an. Pour le 3e pilier, la déduction fiscale maximale pour les salariés est désormais de 6883 francs ; pour les indépendants, de 34 416 francs.
  • Taux d’intérêt minimal Le taux d’intérêt minimal dans la prévoyance professionnelle (PP) obligatoire reste fixé à 1 % en 2021. Le taux d’intérêt minimal ne concerne que les avoirs relevant du domaine obligatoire du 2e pilier. Pour le reste, les instituts de prévoyance sont libres de fixer une autre rémunération. Le taux de 1 %, en vigueur depuis 2017, est le plus bas de l’histoire de la prévoyance professionnelle suisse.

ASSURANCE-MALADIE

  • Hausse des primes maladie En 2021, la prime moyenne de l’assurance obligatoire des soins augmente de 0,5 %. Dans neuf cantons (AG, AI, AR, BS, NE, OW, SH, SZ, ZH), le montant de la prime moyenne n’augmente pas, voire diminue. La prime moyenne des adultes (375.40 francs) et celle des jeunes adultes (265.60 francs) tendent à augmenter, alors que celle des enfants (99.70 francs) baisse légèrement.

ASSURANCE MILITAIRE Le gain maximal assuré pris en compte pour calculer les rentes d’invalidité de l’assurance militaire est relevé à partir du 1er janvier 2021. Pour un taux d’invalidité de 100 %, la rente d’invalidité annuelle s’élève à 80 % du gain assuré qui est désormais plafonné à 156 560 francs par an (154 256 francs auparavant). L’assurance militaire verse des rentes d’invalidité aux personnes astreintes au service dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la poursuite du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme.

EXÉCUTION DES TRAITÉS  INTERNATIONAUX EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ SOCIALE La révision de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales entre en vigueur le 1er janvier 2021. Elle fixe les dispositions relatives à l’échange électronique de données dans le contexte international. La communication concernant les cas d’assurance sociale transfrontaliers passera par le système Electronic Exchange of Social Security Information (EESSI) mis à disposition par la Commission européenne. Comme tous les autres pays participants, la Suisse est tenue de mettre en place l’infrastructure informatique nécessaire au plan national.

CHANGEMENTS COURANT 2021

SOUTIEN AUX PROCHES  AIDANTS La seconde partie de la nouvelle loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches entrera en vigueur le 1er juillet 2021.

  • Congé payé de 14 semaines en cas de maladie grave d’un enfant Les parents auront droit à un congé payé de 14 semaines s’ils doivent s’occuper d’un enfant gravement atteint dans sa santé en raison d’une maladie ou d’un accident. Ils peuvent répartir le congé entre eux, le prendre en une fois ou sous forme de jours isolés. L’allocation de prise en charge est financée par les APG et est versée sous forme d’indemnités journalières. Elle s’élève à 80 % du revenu touché avant le congé, mais au maximum à 196 francs par jour. En parallèle, le parent bénéficie d’une protection contre le licenciement. Ses vacances ne peuvent pas être réduites.

PRESTATIONS TRANSITOIRES Le référendum contre la nouvelle loi sur les prestations transitoires n’ayant pas abouti, plus rien ne s’oppose à l’introduction de cette nouvelle prestation. Le Conseil fédéral doit encore fixer la date d’entrée en vigueur, dans le courant 2021. Les personnes de 60 ans révolus ayant épuisé leurs indemnités de chômage pourront bénéficier d’une prestation transitoire avant de percevoir leur rente de vieillesse. Certaines conditions devront être encore remplies, comme avoir cotisé à l’AVS durant 20 ans au minimum et au moins 5 ans après avoir eu 50 ans. La personne ne devra en outre pas disposer d’une fortune supérieure à 50 000 francs (100 000 francs pour un couple).

La prestation transitoire sera calculée comme les prestations complémentaires (PC) en fonction des dépenses reconnues et des revenus du bénéficiaire. Son montant est toutefois plafonné à 2,25 fois le montant destiné à la couverture des besoins vitaux dans les PC : soit 43 762 francs par an pour une personne seule et 65 644 francs par an pour un couple marié (base de calcul 2020).

Cette nouvelle prestation fera l’objet d’un article complet dans la Sécurité sociale CHSS 2/2021.

ASSURANCE-MALADIE L’ordonnance sur la surveillance de l’assurance-maladie est adaptée afin d’inciter les assureurs-maladie à calculer les primes au plus juste et éviter des réserves excessives. Celles-ci se montaient en 2020 à 11 milliards de francs. Le but est que les assureurs recourent plus facilement à la réduction volontaire des réserves. En 2021, cette réduction devrait s’élever à 28 millions de francs. Combinés à la compensation des primes encaissées en trop, ce sont près de 211 millions qui devraient retourner aux assurés. La nouvelle ordonnance doit entrer en vigueur courant 2021.

ASSURANCE-CHÔMAGE L’entrée en vigueur de la révision partielle de l’assurance-chômage est aussi prévue courant 2021. Des mesures pour faciliter le chômage partiel seront notamment introduites. Une personne au chômage partiel ne sera par exemple plus obligée de chercher une occupation provisoire ou d’en accepter une durant la période de réduc- tion de l’horaire de travail ou lors d’intempéries.

PRINCIPAUX CHANTIERS 2021

RÉFORMES DE LA PRÉVOYANCE VIEILLESSE Après l’échec en 2017 de Prévoyance vieillesse 2020, le Conseil fédéral a décidé de réformer les 1er et 2e piliers de manière séparée. La réforme visant la stabilisation de l’AVS (AVS 21) est depuis fin août 2019 entre les mains du Parlement. Elle prévoit de relever l’âge de référence des femmes à 65 ans, avec des mesures de compensation, de flexibiliser davantage les départs à la retraite, ainsi que d’augmenter la TVA pour financer l’AVS. Les mesures de la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP) devraient être connues d’ici la fin 2020 avec l’adoption du message par le Conseil fédéral.

ASSURANCE-MALADIE : INITIATIVES POPULAIRES ET CONTRE-PROJETS Deux initiatives populaires visant à agir sur les primes maladie ont abouti : celle du PDC « Pour des primes plus basses » et celle du PS « Maximum 10 % du revenu pour les primes maladie ». Le Conseil fédéral leur oppose deux contre-projets indirects distincts. Les débats sur les ini- tiatives et les contre-projets occuperont les Chambres fédérales ces prochaines années avant que le peuple ne doive se prononcer sur ces différents objets.

Responsable de projets, 
service Relations publiques, Office fédéral des assurances sociales (OFAS)
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