« Intervenir le plus tôt possible est primordial »

La réadaptation professionnelle de l’assurance-invalidité (AI) gagne en importance. Une bonne nouvelle, estime Florian Steinbacher, responsable de l’AI à l’Office fédéral des assurances sociales : « Éviter une rente est avantageux pour tout le monde : pour la personne concernée, pour l’employeur, pour l’assurance et pour la société. »
Markus Binder
  |  17 juin 2024
    Entretien
  • Assurance-invalidité
« C’est le devoir de l’AI de conserver ou d’améliorer de manière ciblée la capacité de gain », rappelle Florian Steinbacher, responsable de l’assurance-invalidité à l’Office fédéral des assurances sociales. (Photo : Marcel Giebisch / OFAS)

En 2023, plus de 56 000 personnes ont participé à des mesures de réadaptation professionnelle de l’AI. Ce nombre a presque triplé depuis 2008. Qu’en pensez-vous ?

Cette évolution était voulue. Ces quinze dernières années, l’AI s’est de plus en plus concentrée sur la réadaptation. Le principe qui prévaut est que « la réadaptation prime la rente ». Ces dernières années, le nombre de mesures facilement accessibles a également augmenté. Selon le principe : mieux vaut intervenir trop tôt que trop tard. En effet, éviter une rente est avantageux pour tout le monde, tant pour la personne concernée que pour son employeur, pour l’assurance et pour la société. Bien sûr, d’autres facteurs peuvent aussi provoquer une augmentation du nombre mesures de réadaptation, notamment la conjoncture ou une pandémie. Il s’agit toutefois de facteurs sur lesquels l’AI n’a aucune influence.

« Mieux vaut intervenir trop tôt que trop tard. »

Environ 60 % des personnes qui ont terminé une réadaptation professionnelle de l’AI ont trouvé un emploi ou étaient à nouveau en mesure d’exercer une activité professionnelle. Un succès ?

Oui, ces chiffres sont réjouissants, car derrière eux se cachent des êtres humains. Grâce à l’AI, ces personnes ont pu conserver leur emploi ou ont trouvé le moyen d’exercer à nouveau un travail.

Toute réadaptation est donc une réussite ?

Oui. L’AI essaie de trouver la meilleure solution pour chaque personne, afin de permettre à chacun de mener une vie autodéterminée aussi indépendante que possible. L’AI a pour mission d’aider les personnes souffrant de problèmes de santé à conserver leur emploi ou à postuler à nouveau sur le marché du travail. Mais j’aimerais insister sur un point : lorsque la réadaptation s’avère impossible, l’AI examine le droit à une rente. Ce qui importe, c’est que la décision relative à la rente soit le fruit d’un examen minutieux et complet de la situation de la personne. Et aussi que tout soit d’abord mis en œuvre pour permettre à la personne concernée de conserver son emploi ou d’avoir à nouveau la possibilité d’exercer une activité lucrative. L’objectif n’est donc pas d’octroyer le moins de rentes possible, mais d’exploiter au mieux le potentiel de réadaptation des assurés.

La capacité de gain est-elle un objectif suffisant ? L’AI ne devrait-elle pas plutôt veiller à ce que les personnes concernées trouvent réellement un poste après la réadaptation ?

Sa tâche consiste à conserver ou améliorer de manière ciblée la capacité de gain des assurés. Dans ce contexte, il est indispensable que les mesures de réadaptation soient tournées vers le marché primaire du travail. L’AI soutient également les assurés dans leur recherche d’emploi pendant un certain temps.

Comment faire pour que la réadaptation professionnelle porte ses fruits ?

La collaboration de tous les acteurs est essentielle, à savoir de la personne concernée, de l’employeur, du médecin et de l’entourage, ainsi que des spécialistes des offices AI. Il est en outre primordial d’intervenir le plus tôt possible. Plus le temps passe, plus les chances que la réadaptation réussisse diminuent. C’est ici que les mesures d’intervention précoce de l’AI se révèlent particulièrement efficaces, surtout lorsque la personne concernée a encore un employeur.

« Plus le temps passe, plus les chances que la réadaptation réussisse diminuent ».

Comment cela s’explique-t-il ?

L’année qui suit une intervention précoce, 72 % des personnes concernées exercent une activité lucrative sans toucher de rente, contre 33 % après des mesures de réinsertion. Dans le premier cas, l’assuré est généralement en meilleure santé et, la plupart du temps, il a encore un employeur. C’est la raison pour laquelle l’engagement de l’employeur est tellement décisif. Les mesures de réinsertion en revanche visent à renforcer l’endurance et la capacité de travail de la personne.

Les mesures de réadaptation ont-elles des effets durables ?

Difficile de répondre à cette question. Parmi les personnes qui ont terminé un processus de réadaptation professionnelle en 2021, plus de la moitié avaient un revenu l’année suivante. Nous savons toutefois que la part des assurés auxquels une rente AI est octroyée augmente dans les quatre années qui suivent la réadaptation. Cela est parfois dû à une nouvelle détérioration de l’état de santé de la personne. Dans ces cas, l’AI a besoin de documents médicaux et d’instructions médicales afin de pouvoir examiner le droit à la rente, ce qui peut prendre beaucoup de temps.

Pourquoi ?

Avant que l’AI puisse rendre une décision définitive, l’état de santé de l’assuré doit se stabiliser. Pour certaines maladies, cela peut prendre du temps. La loi prévoit en outre un délai légal d’une année avant qu’une invalidité puisse être confirmée. Et puis nous manquons cruellement d’experts, surtout dans certaines disciplines. C’est la raison pour laquelle certaines personnes doivent attendre longtemps avant d’obtenir un rendez-vous pour une expertise.

Que sait-on de l’effet porte tournante, c’est-à-dire du nombre de personnes qui passent d’une assurance sociale à une autre ?

Cela ne concerne qu’une infime minorité des assurés. La plupart des personnes ne touchent des prestations que d’une seule assurance sociale.

Récemment, la Confédération et l’Union patronale suisse ont signé une convention de collaboration afin d’encourager la réadaptation professionnelle. Pourquoi ?

Parce que cela profitera à tout le monde : aux personnes concernées, aux entreprises et à l’AI. De telles collaborations sont possibles depuis 2022 avec l’entrée en vigueur du Développement continu de l’AI. La Confédération aide l’Union patronale à élaborer des mesures spécifiques à chaque branche. Il est aussi important de bien faire connaître les mesures de réadaptation de l’AI, puisque nous cherchons à amorcer le processus le plus tôt possible, avant même qu’une personne ait perdu son poste. L’AI peut ainsi aussi contribuer à combattre la pénurie de main d’œuvre.

Mesures de réadaptation de l’AI

Conseils et suivi : dans le cadre de la gestion des cas, l’office AI conseille et suit l’assuré et, le cas échéant, son employeur. Dans des cas particuliers et à certaines conditions, des prestations de coaching peuvent venir compléter ces conseils et ce suivi. (Art. 14quater LAI)

Mesures d’intervention précoce : adaptation du poste de travail, cours de formation, placement, orientation professionnelle, mesures de réadaptation socio-professionnelle, mesures d’occupation, conseils et suivi ; (art. 7d LAI)

Mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle ; (art. 14a LAI)

Mesures d’ordre professionnel : orientation professionnelle, formation professionnelle initiale, reclassement, placement, placement à l’essai, location de services, allocation d’initiation au travail, indemnité en cas d’augmentation des cotisations et aide en capital. (art. 15 à 18 LAI)

 

Voir aussi : Le nombre de réadaptations professionnelles de l’AI continue d’augmenter

Responsable de la Communication de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS)
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