La Confédération pose des jalons dans la lutte contre la pauvreté

Le Conseil fédéral entend regrouper les efforts de lutte contre la pauvreté sur le plan national au sein d’une nouvelle structure. Il présentera une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté en milieu d’année 2027.
Philipp Dubach
  |  20 décembre 2024
    Droit et politique
  • Pauvreté
La conseillère nationale Estelle Revaz (g.) et la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider au Parlement. (Keystone)

En bref :

  • En décembre 2024, le Conseil fédéral a approuvé le plan d’une structure nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.
  • Cette structure englobe le monitoring de la pauvreté, une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, la Plateforme contre la pauvreté et des possibilités de participation pour les personnes concernées.
  • Un Conseil pour les questions de pauvreté, qui offrira une voix indépendante aux personnes ayant fait l’expérience de la pauvreté, sera mis en place pendant une phase pilote.

Peu avant Noël 2024, le Conseil fédéral a approuvé le plan d’une structure nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il tient ainsi compte d’une motion de la conseillère nationale socialiste genevoise Estelle Revaz, qui demandait que la Plateforme nationale contre la pauvreté soit maintenue et qu’une stratégie de réduction de la pauvreté soit élaborée. Cette motion demande que des moyens financiers suffisants soient mis à disposition pour assurer le fonctionnement de la plateforme et la mise en œuvre de la stratégie.

Le plan d’une structure nationale permet de regrouper les différents éléments de la politique nationale de lutte contre la pauvreté en les organisant dans un ordre cohérent. Le Conseil fédéral en a confié la mise en œuvre au Département fédéral de l’intérieur (DFI).

Le monitoring national de la pauvreté, dont le premier rapport sera publié fin 2025, y joue un rôle essentiel. Il vise à démontrer, à l’aide d’indicateurs statistiques, comment la pauvreté évolue en Suisse et quels sont les principaux défis à relever pour l’enrayer. Il dressera aussi un bilan des recherches menées sur la pauvreté en général et sur les effets des mesures politiques de lutte contre la pauvreté.

Sur la base de ces résultats, une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, assortie d’objectifs politiques, sera élaborée. Cette stratégie devra tenir compte du caractère transversal de la politique de lutte contre la pauvreté en couvrant de manière approfondie les possibles champs d’action de ce domaine. La motion Revaz cite notamment l’accès à la formation, aux soins de santé, au logement et à des conditions de travail dignes ainsi que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Le Conseil fédéral adoptera cette stratégie d’ici au milieu de l’année 2027.

Mise en réseau par la plateforme

Le nouveau plan prévoit aussi que la Plateforme contre la pauvreté continue à diffuser des approches innovantes et à promouvoir la mise en réseau entre les nombreux acteurs de la politique de lutte contre la pauvreté. Contrairement au monitoring et à la stratégie, la plateforme se concentre sur des thèmes prioritaires choisis, qu’elle suit chacun pendant une période définie.

Active depuis plus d’une décennie, la Plateforme contre la pauvreté a fait ses preuves. Le Conseil fédéral en a donc prolongé la durée d’activité jusqu’en 2030. En 2025, elle commencera à traiter un ou deux thèmes prioritaires. L’accent sera mis sur la pauvreté des familles et le non-recours aux prestations sociales. Après l’adoption de la stratégie nationale, ce programme sera complété par d’autres priorités à mettre en œuvre d’ici 2030.

La Plateforme contre le pauvreté constitue donc un levier important de la stratégie, même si elle n’est pas le seul : ses objectifs peuvent également être poursuivis, ou ses mesures appliquées, dans d’autres cadres. Il convient notamment d’aspirer à une étroite collaboration avec les structures de la collaboration interinstitutionnelle (CII).

Renforcer la coopération

Ces derniers mois, les cantons, les communes et les organisations de la société civile se sont prononcés avec force conviction en faveur du maintien de la plateforme. Leurs paroles se sont transformées en actes : la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales lui a alloué une contribution de 50 000 francs par an, la Conférence suisse des institutions d’action sociale, de 5000 francs ; l’Union des villes suisses et l’Initiative des villes ont, quant à elles, promis au total 40 000 francs pour les cinq prochaines années.

Ces fonds seront affectés à des projets communs, le fonctionnement de base étant financé par la Confédération. Des discussions avec d’autres partenaires et fondations sont en cours. Ces coopérations ont le potentiel d’insuffler de nouvelles impulsions à la prévention de la pauvreté.

La voix des personnes touchées

Un nouveau chapitre s’ouvre dans la participation des personnes ayant fait l’expérience de la pauvreté. Jusqu’à présent, celle-ci avait lieu dans le cadre de projets spécifiques. Désormais, ces personnes devraient disposer de leur propre organe indépendant : le Conseil pour les questions de pauvreté. Cet organe doit défendre les intérêts des personnes concernées et intégrer ses connaissances empiriques dans la politique suisse de lutte contre la pauvreté.

Porté par des organisations de la société civile, le Conseil devrait compter entre huit et douze membres, assistés d’experts et d’un secrétariat. Sous réserve de promesses fermes de coopération et de financement, le Conseil pour les questions de pauvreté devrait être mis en place pendant une phase pilote, entre 2025 et 2027.

Bilan en fin d’année 2030

La nouvelle structure est conçue pour fonctionner par cycles de cinq ans : la publication du nouveau rapport de monitoring sera suivie d’une mise à jour de la stratégie, puis la plateforme élaborera un nouveau plan de travail et le mettra en œuvre.

Tandis que le monitoring de la pauvreté est prévu pour durer, les ressources de la plateforme ne sont garanties, pour l’heure, que pour une période supplémentaire de six ans. Fin 2030, un rapport sur la mise en œuvre du plan et sur les résultats de la plateforme sera présenté au Conseil fédéral.

Sociologue, Secteur Vieillesse, générations et société, Office fédéral des assurances sociales (OFAS)
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