La mixité des publics dans les mesures d’insertion : défis et opportunités

L’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) Valais accompagne des participants issus de mandants et systèmes assuranciels divers vers l’insertion socio-professionnelle. Cette mixité des publics soulève à la fois des défis et des opportunités.
Luis Vaudan-Bellaro
  |  10 septembre 2024
    Opinion
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L’OSEO Valais pratique la mixité des publics dans ses programmes d’insertion professionnelle et sociale (Photo : Valérie Pinauda – Photoval.ch)

En un coup d’œil

  • Depuis 2010, l’OSEO Valais a fait le choix de la mixité des publics dans ses programmes d’insertion professionnelle et sociale.
  • Cette approche offre plusieurs avantages à l’institution, dont une meilleure stabilité budgétaire, alors que les participants ont tout à gagner de la mutualisation des expériences.
  • L’un des principaux défis à relever est l’hétérogénéité des besoins des participants et des objectifs à travailler.

L’insertion professionnelle a pour but de permettre à des personnes sans emploi ou sans formation – jeunes ou adultes – d’intégrer le marché du travail et la société. Afin de poursuivre cet objectif, l’OSEO Valais a choisi le modèle de mixité des mandats et des publics pour les nombreux avantages qu’il offre. En effet, cette diversification réduit la dépendance de l’institution à une seule source de financement et assure une meilleure stabilité budgétaire. En diversifiant ses sources de financement, l’OSEO Valais peut ainsi mieux gérer les fluctuations économiques auxquelles les organisateurs de mesures doivent faire face chaque année. Certains facteurs comme la baisse du chômage, des changements de bases légales ou un contexte géopolitique mouvant ont un impact important sur les commandes de mesures d’insertion des mandants.

En intégrant des publics diversifiés dans des ateliers et cours, l’OSEO Valais peut également rationaliser l’utilisation de ses ressources. Cette approche permet de mutualiser les coûts et de maximiser l’efficacité des interventions. En centralisant les efforts sur des groupes hétérogènes, il est aussi possible de proposer des formations, ainsi que des ateliers plus complets et variés sans multiplier les dépenses.

Des profils et des besoins différents

L’un des principaux défis de la mixité des publics réside dans l’hétérogénéité des besoins des participants et des objectifs à travailler. Les jeunes en recherche d’une formation professionnelle initiale, les adultes en reconversion et les personnes migrantes ont des parcours de vie très différents, qui se traduisent par des attentes et exigences variées en matière de formation et d’accompagnement. Les prestations doivent donc être suffisamment flexibles pour répondre à cette diversité, ainsi qu’aux exigences des mandants. Cette hétérogénéité nécessite également des approches pédagogiques diversifiées et personnalisées, ce qui augmente la complexité de la gestion d’un cours ou d’un atelier. Les professionnels (conseillers en insertion, formateurs et maitres socioprofessionnels) doivent donc porter une attention particulière à chaque individu et faire preuve d’adaptation en fonction de chaque mesure.

Au sein des ateliers, les maitres socioprofessionnels accompagnent par exemple régulièrement des participants avec un niveau différent de compétences professionnelles et de connaissances de la langue. Par conséquent, gérer un groupe hétérogène nécessite de la part des encadrants de très bonnes compétences pédagogiques et organisationnelles. Savoir moduler les approches et s’adapter à des profils différents devient alors indispensable. C’est pourquoi l’institution doit prévoir des formations continues pour ses collaborateurs afin qu’ils soient outillés pour accompagner adéquatement une diversité de profils.

Si pour l’OSEO Valais une mixité est toujours possible dans les ateliers destinés à développer des compétences métier et des compétences transversales (attitudes professionnelles, ponctualité, communication, etc.), cela n’est pas forcément le cas dans les formations qui sont spécifiques aux besoins de chaque population. En parallèle des ateliers communs, ils sont amenés à suivre par exemple des cours de langue de différents niveaux, des cours numériques, des cours en lien avec les matières apprises en formation duale. Durant leur parcours d’insertion socioprofessionnelle, les participants bénéficient également de coaching de la part de conseillers en insertion spécialistes de chaque public (jeunes, adultes, personnes migrantes).

Lorsque l’OSEO Valais a pris le chemin de la mixité des publics, elle a développé un continuum de mesures allant de l’insertion sociale à l’insertion professionnelle pour des publics très proches du premier marché du travail. L’institution a aussi étoffé l’offre des prestations de formation et de coaching pour accompagner les différents publics.

Des différences dans les rémunérations et les indemnités

Les participants des programmes de l’OSEO Valais sont envoyés par divers mandants, tels que l’aide sociale, l’office de l’asile, le chômage et l’assurance invalidité. En conséquence, ils sont indemnisés de manière différente, ce qui pourrait potentiellement poser des problèmes d’équité et de cohésion au sein des groupes. Or, aucune problématique au niveau du régime assurantiel et de sa rémunération n’est relevée par les participants et les professionnels de l’association. Cela s’explique par le fait que les personnes accueillies viennent dans le but de suivre une mesure pour être insérées sur le premier marché et ne s’attardent pas sur le régime assuranciel auquel sont soumis les autres participants de l’atelier. L’absence de catégorisation des participants selon leur provenance et la focalisation sur les objectifs individuels de (ré)insertion professionnelle contribuent également à renforcer la cohésion des groupes au sein de l’OSEO Valais.

Une mutualisation des expériences

En réunissant des personnes de divers horizons, les mesures d’insertion mixtes favorisent l’échange de connaissances et de compétences entre les membres du groupe de l’atelier. Les jeunes peuvent par exemple bénéficier du mentorat des adultes, tandis que les migrants peuvent trouver des personnes ressources pour mieux s’intégrer localement. Les réseaux ainsi créés sont essentiels pour favoriser l’insertion professionnelle et sociale. Cela contribue aussi à développer des compétences transversales et une meilleure compréhension des autres. Travailler dans un environnement mixte encourage la tolérance et l’empathie. Les participants apprennent notamment à dépasser leurs préjugés et à apprécier les différences. En se confrontant à des réalités diverses, chacun est amené à développer une meilleure capacité d’écoute et de compréhension qui constituent des qualités essentielles dans la vie professionnelle et sociale. Chaque année, ce sont ainsi plus de 1000 participants qui retirent les bénéfices de la mixité en suivant des ateliers de cuisine, de service, de vente, de conciergerie et intendance ou encore d’administration.

Un contexte professionnalisant pour les jeunes

Depuis 2019, en regroupant les publics jeunes et adultes, nous avons également constaté une évolution positive de l’attitude et de l’investissement des jeunes qui, au contact des adultes, se retrouvent dans un contexte plus proche du premier marché du travail. Leur attitude s’ajuste naturellement vers une posture professionnelle. De même, la cohabitation dans un même atelier ou cours de jeunes issus aussi bien de l’AI, du chômage que de l’asile, permet d’accueillir chaque jeune avant tout dans son projet de formation, peu importe « sa porte d’entrée ». La mixité contribue dans ce cas à déstigmatiser et à valoriser chaque jeune qui doit assumer des activités professionnalisantes et des responsabilités.

Rôle moteur de la mixité

La mixité des publics dans les mesures d’insertion comporte à la fois des défis et des opportunités. Les aspects négatifs, tels que l’hétérogénéité des besoins, nécessitent une gestion attentive et des ressources adaptées de la part de l’institution. En intégrant des participants de divers horizons, cette approche favorise en revanche l’échange de compétences et l’enrichissement mutuel tout en assurant une stabilité financière et une rationalisation des ressources. L’expérience de l’OSEO Valais montre que, bien encadrée, la mixité peut jouer un rôle moteur dans l’insertion socioprofessionnelle des personnes en recherche d’un emploi ou d’une formation professionnelle initiale. En fin de compte, la clé réside dans la capacité des programmes d’insertion à s’adapter et à évoluer pour répondre aux besoins diversifiés des participants, tout en valorisant la richesse de chaque individu.

OSEO Valais en bref

  • Section valaisanne de l’Œuvre Suisse d’Entraide Ouvrière, fondée par l’Union syndicale suisse et le Parti socialiste suisse, neutre politiquement et confessionnellement
  • Association de droit privé sans but lucratif créée en 1994 à Sion
  • 88 employés et 95 interprètes communautaires sur mandat horaire
  • 7,6 millions de francs de chiffres d’affaires
  • Plus de 1000 personnes par année y suivent des mesures d’insertion socioprofessionnelle
  • 39 mesures d’insertion y sont proposées.
Directeur OSEO Valais
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