En un coup d’œil
- Une étude de Swisscanto portant sur la période 2008-2022 montre que la présence de valeurs immobilières et de placements alternatifs dans le portefeuille des investisseurs institutionnels a permis d’en augmenter la performance.
- En 2022, selon le CIFI Swiss Property Benchmark, le rendement réalisé par les investisseurs institutionnels sur le marché immobilier était supérieur à la moyenne.
- Les caisses de pension sont en mesure de montrer l’exemple, car elles parviennent à concilier transparence et engagement social et sociétal avec une performance soutenue.
En 2021, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, la fortune totale des caisses de pension suisses s’élevait à 1159 milliards de francs. L’allocation des actifs est un exercice qui permet aux institutions de prévoyance de placer leur fortune dans diverses catégories, le principe de diversification leur permettant de limiter les risques. Pour cela, elles doivent se conformer aux prescriptions de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2). Parmi les placements autorisés, on trouve les placements sur le marché monétaire et les obligations de caisse, mais aussi les actions, les private equities et les placements immobiliers.
L’opinion publique est particulièrement sensible à cette dernière catégorie de placement, car elle est souvent associée, dans les médias, aux notions de démesure, de spéculation ou de rendements excessifs. Inquiétude toute naturelle, les assurés peuvent se demander si l’épargne des ménages n’est pas là exposée à un risque non maîtrisé.
Mais en réalité, c’est tout l’inverse. Tout d’abord, la part des investissements dans les diverses catégories de placement est réglementée par l’OPP 2. Pour l’immobilier, cette part est limitée à 30 % des investissements, dont un tiers au maximum à l’étranger. De plus, la part investie dans un seul objet immobilier ne peut pas dépasser 5 % de la fortune globale, et ce afin d’éviter une concentration des risques.
Deuxièmement, la performance des placements dans l’immobilier suit une courbe régulière depuis le tournant du millénaire. Les actions et les obligations connaissent, en comparaison, des variations beaucoup plus marquées. Les valeurs immobilières revêtent un caractère conservateur sécurisant et stabilisant pour la valeur d’un portefeuille, tandis que les autres éléments de fortune peuvent rapidement perdre de leur valeur.
Contexte difficile
Dans les faits, l’année dernière a été une année de turbulences pour les marchés financiers. L’interruption des chaînes d’approvisionnement et le sursaut des marchés globaux après le relâchement progressif des restrictions liées à la pandémie de COVID-19 ont déclenché une poussée d’inflation fulgurante à l’échelle mondiale. En mars 2022, le taux d’inflation aux États-Unis a atteint 8 %, la valeur la plus élevée des quarante dernières années.
Les banques centrales se sont alors rappelé un vieil instrument utilisé avant la période des taux d’intérêt bas et oublié depuis : la hausse des taux directeurs. Les mauvaises nouvelles se sont enchaînées. Le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine s’est poursuivi. La faillite d’une banque aux États-Unis a mené Credit Suisse dans une impasse. Enfin, le marché des actions a chuté.
Dans un tel contexte, les caisses de pension ont réussi à conserver une performance relativement bonne, selon le constat de l’étude sur les caisses de pension de Swisscanto en 2023. Malgré un rendement net moyen de – 8,8 %, la rémunération d’intérêts moyenne des avoirs de vieillesse a été de 1,9 % pour cette année.
Part de l’immobilier en augmentation
La contribution de l’immobilier à la performance annuelle a été déterminante, selon l’étude de Swisscanto. La part de la fortune totale consacrée à cette catégorie de placement n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années puisqu’elle est passée de 20 % en 2008 à 27 % en 2022. Les valeurs recensées par la statistique des caisses de pensions – qui dresse de la prévoyance professionnelle un tableau plus complet – attestent également d’une hausse, certes plus modérée. La part des actions a également progressé, passant de 23 à 31 % dans cette même période. La part des obligations est quant à elle passée de 40 à 27 %, une évolution non sans rapport avec les taux négatifs pratiqués par la Banque nationale suisse en 2015.
Néanmoins, si les investissements des institutions de prévoyance dans l’immobilier ont permis de stimuler le secteur de la construction, ils sont également à l’origine d’une surchauffe sur le marché foncier. En effet, on ne comptait pas moins de 78 832 logements vacants en Suisse, chiffre qui a cependant reculé depuis.
L’étude de Swisscanto le montre clairement : l’augmentation de la part de l’immobilier a un effet positif sur la performance du portefeuille des institutions de prévoyance. Elle est parvenue à cette conclusion après avoir analysé en détail les allocations des caisses ayant connu une performance moyenne particulièrement bonne ou, à l’inverse, particulièrement mauvaise au cours des cinq dernières années. L’échantillonnage sélectionné couvrait les 10 % de caisses avec le meilleur rendement et les 10 % avec le pire rendement. Il en est ressorti que les caisses ayant adopté une stratégie considérée comme « défensive » avec en moyenne 39 % de leurs placements en obligations se retrouvaient dans le classement 2022 parmi les 10 % de caisses dont la performance nette était la plus mauvaise (voir graphique 1). Les 10 % de caisses ayant les performances les meilleures avaient consacré une grande part de leurs placements à l’immobilier, aux placements alternatifs et aux infrastructures, avec une part totale de 49 %.
Investisseurs institutionnels plus performants que les assureurs
Le CIFI Swiss Property Benchmark fournit également des indications sur la performance des placements réalisés par les investisseurs institutionnels dans l’immobilier. Pour 2022, ses analyses ont porté sur 7885 biens immobiliers en Suisse, dont 64 % d’immeubles d’habitation, pour une valeur vénale de 186 milliards de francs.
L’indice CIFI classe également les investisseurs institutionnels parmi les meilleurs, puisqu’avec une performance globale de 5,9 % en 2022, ils réalisent même un résultat légèrement supérieur à celui des assurances de fonds de placement (voir graphique 2). Cet indice intègre l’évolution des prix et le rendement des cash flows nets dans son calcul de la performance. Ces deux indicateurs sont restés relativement stables dans les placements des investisseurs institutionnels à un niveau moyen de 2,9 % chacun sur une période de 10 ans. Le rendement des cash flows nets avait atteint en 2013 son maximum à 4,1 %, tandis que la performance culminait à 4,3 % en 2019.
Les caisses de pension se doivent de montrer l’exemple
Chiffrer la valeur économique des investissements en immobilier des caisses de pension est un exercice difficile. En effet, si les caisses de pension, avec 17 % des biens locatifs, sont un acteur important du marché, elles ne sont pas pour autant un acteur dominant. Ce constat est d’autant plus vrai que les fonds des caisses de pension sont répartis entre de nombreuses institutions.
Malgré cela, un rôle primordial des caisses de pension est de montrer l’exemple dans le choix de leurs placements, car les plus de quatre millions de personnes cotisant au 2e pilier souhaitent que leurs futures rentes soient garanties. Par ailleurs, les critères éthiques relatifs à l’environnement, au développement social et à la gouvernance (ESG) sont encore plus importants pour les caisses de pension que pour les autres investisseurs.
Transparence, rendement et critères ESG
Pour simplifier, on peut dire que les assurés du 2e pilier attendent de leur caisse transparence, performance et engagement social et sociétal. Les débats médiatiques rendent ces attentes encore plus pressantes quand il s’agit de placements immobiliers.
En ce qui concerne la transparence, le grand public a accès aux informations sur les investissements immobiliers de chaque caisse publiées dans son rapport de gestion et peut donc apprécier dans quelle mesure les prescriptions de l’OPP 2 sont respectées. En outre, un indice tel que le Swiss Property Benchmark permet à chaque caisse de pension de comparer sa performance à la performance globale atteinte chaque année.
Les biens immobiliers permettent aussi de trouver le juste équilibre entre profit et stabilité du point de vue du rendement. Selon la grande banque UBS, c’est même un des placements au rendement moyen le plus élevé. Un autre avantage des biens immobiliers est qu’ils génèrent de manière régulière des liquidités très utiles pour le versement des rentes.
L’engagement social et sociétal des caisses est abordé dans une enquête de CIFI menée auprès de grandes caisses de pension comme BVK, Publica et la Caisse de pensions Migros. Cette enquête révèle que les caisses sondées ont déjà introduit des mesures pour améliorer l’efficacité énergétique et les systèmes de chauffage dans leur parc immobilier, dans l’optique de la stratégie climatique à long terme 2050.
En conclusion, augmenter la part de l’immobilier dans leur portefeuille de placement a permis aux caisses de pension de stabiliser leur performance. Les placements immobiliers contribuent à renforcer leur situation financière et ainsi à les sécuriser. Les rapports de gestion des caisses permettent aux assurés de se faire une idée, en toute transparence, de leur stratégie de placement et de connaître la part consacrée à chaque catégorie de placement en fonction de la fortune totale. Enfin, les locataires de biens immobiliers appartenant à une caisse de pension bénéficient des mesures d’amélioration de l’efficacité énergétique et des systèmes de chauffage, par exemple par une baisse des charges de chauffage.