En un coup d’œil
- Une évaluation externe mandatée par l’Office fédéral des assurances sociales s’est penchée sur la Plateforme nationale contre la pauvreté.
- La plateforme est bien ancrée au niveau fédéral et intéresse avant tout les spécialistes ; elle est moins connue dans les cantons, les villes, les communes et les milieux politiques.
- Les personnes interrogées estiment que les objectifs et thèmes prioritaires de la plateforme sont pertinents.
La Confédération a lancé en 2019 la Plateforme nationale contre la pauvreté (NAPA), qu’elle gère avec les cantons, les communes et des organisations de la société civile. Cette plateforme active jusqu’à fin 2024 a pris la relève du Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté. Elle entend enrichir les connaissances des spécialistes, des décideurs politiques et des organisations de personnes concernées et promouvoir le développement et l’optimisation d’offres pertinentes de lutte et de prévention contre la pauvreté.
La Plateforme contre la pauvreté propose des bases et des instruments pratiques sur cinq thèmes prioritaires (participation des personnes concernées, choix et débuts professionnels, qualification des adultes, pauvreté des familles, et enfin, pandémie de COVID-19 et pauvreté). Elle offre par ailleurs un espace de mise en réseau aux acteurs du domaine.
Afin de rendre compte au Parlement, au Conseil fédéral et aux décideurs des cantons, villes et communes, et de soumettre au Conseil fédéral des propositions concrètes pour le futur aménagement de la prévention et de la lutte contre la pauvreté en Suisse, le bureau d’étude Infras a procédé de décembre 2022 à septembre 2023, sur mandat de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et en collaboration avec le sociologue Ralph Thomas, à une évaluation de la Plateforme nationale contre la pauvreté (Stern et al. 2024). Il a utilisé plusieurs approches méthodologiques, dont un questionnaire standardisé et des entretiens qualitatifs individuels et de groupe avec divers acteurs du domaine.
Les réactions sont positives
Les personnes interrogées sont très satisfaites des objectifs et thèmes prioritaires de la Plateforme nationale contre la pauvreté. La plupart estiment que les thèmes sont très pertinents. Une partie souhaitent cependant que la plateforme en aborde également d’autres. Les structures organisationnelles et les comités sont jugés globalement bons. La majorité des acteurs de la lutte contre la pauvreté sont associés aux travaux. Une partie des personnes interrogées estiment toutefois que la composition des comités pourrait être améliorée. Selon eux en effet, les milieux économiques et la Suisse romande et italienne y sont sous-représentés.
Du point de vue des auteurs de l’évaluation, l’initiative visant à créer une structure permanente de participation pour les personnes concernées par la pauvreté est un pas dans la bonne direction. Les personnes interrogées soutiennent donc les efforts déployés par l’OFAS pour intégrer au processus les personnes touchées par la pauvreté. Les organisations de personnes concernées souhaitent cependant que ces dernières soient mieux prises en compte dans les grands colloques.
Les objectifs de prestations sont atteints
Même si les activités de la plateforme courent jusqu’à fin 2024 et que certains produits sont encore en cours d’élaboration, les auteurs de l’évaluation estiment que les objectifs de prestations sont largement atteints. Cette nouvelle est réjouissante, puisque la mise en œuvre a partiellement coïncidé avec la pandémie.
La plateforme est bien ancrée au niveau fédéral et intéresse avant tout les spécialistes. Elle est en revanche moins connue dans les cantons, les villes, les communes et les milieux politiques.
Cependant, les personnes qui la connaissent utilisent et apprécient ses offres, puisque les études, les guides et les manifestations sont très bien accueillis.
Mettre la pauvreté en évidence
Mieux les utilisateurs connaissent la plateforme, plus ils diffusent les informations qu’elle contient. Selon l’enquête en ligne, les produits les plus souvent recommandés sont les guides, les études et les rapports. Le simple fait qu’il s’agisse d’une plateforme fédérale qui se penche sur le thème de la pauvreté au sens large lui permet de lancer des impulsions politiques. Les thèmes qu’elle traite influencent donc le débat public, puisque ses conclusions et démonstrations sont reprises dans des argumentaires et réutilisées.
De plus, son efficacité réside surtout dans sa capacité à relier les différents acteurs et sa contribution à la coordination transversale. Pour des raisons de méthodologie (période d’observation, liens indirects de cause à effet, etc.), il est par contre plus difficile de mesurer son impact à long terme sur l’amélioration de la lutte contre la pauvreté. On trouve toutefois quelques projets cantonaux et communaux qui reposent sans conteste sur des impulsions lancées par la plateforme.
Au bout du compte, pour les personnes interrogées, la plateforme présente un très bon rapport coût/utilité, mais les moyens mis à sa disposition sont modestes.
La plateforme apporte une plus-value
La Plateforme nationale contre la pauvreté apporte notamment une plus-value dans quatre domaines. Premièrement, elle ancre le thème de la pauvreté au niveau fédéral, où l’OFAS joue un rôle de coordination en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté. Deuxièmement, elle relie les différents groupes d’acteurs du domaine. Troisièmement, elle met à disposition des bases de connaissances pratiques et fondées. Et quatrièmement, les contenus qu’elles proposent bénéficient d’un large soutien, notamment du fait qu’elle associe les personnes concernées par la pauvreté à diverses étapes du processus.
Recommandations en matière de stratégie
En matière de stratégie, les auteurs de l’évaluation ont formulé trois recommandations. Ces dernières s’adressent à l’OFAS et au groupe de pilotage.
Premièrement, il importe de prolonger les activités de la plateforme et le rôle de coordination assumé par la Confédération. En effet, renforcer l’ancrage politique de la plateforme permettrait de mieux légitimer ses recommandations et produits.
Deuxièmement, avant de prolonger la plateforme, il conviendrait de préciser quels sont ses groupes cibles. En effet, diffuser les contenus auprès des groupes cibles qui n’ont pas encore été atteints, ou qui ne l’ont pas été de manière satisfaisante, nécessiterait d’adapter les ressources en conséquence.
Troisièmement, pour améliorer l’efficacité des contributions de la plateforme, actuellement plutôt ponctuelles, l’OFAS et le groupe de pilotage devraient se pencher sur l’impact à long terme des produits et des canaux d’échange. En effet, si un nouveau financement de départ pour les projets devait être mis en place, la plateforme devrait fixer des critères clairs pour les demandes et disposer de temps pour en assurer le suivi.
Recommandations en matière de mise en œuvre
En matière de mise en œuvre, les auteurs ont formulé cinq recommandations :
- Il conviendrait de repenser la structure et la composition des comités. Le groupe de pilotage serait ainsi complété de manière ciblée afin d’assurer la représentation des divers groupes cibles et communautés linguistiques (par ex. plus de représentants des communes et de personnes concernées). Il faudrait également remplacer le groupe d’accompagnement par un nouveau format plus dynamique (par ex. pools d’experts sur des thèmes spécifiques).
- Afin de renforcer la présence des milieux économiques et de la société civile, la plateforme pourrait faire appel à des représentants des employeurs, des associations professionnelles, des partenaires sociaux ou encore des entreprises pour jouer le rôle de référents ou d’experts au sein des pools.
- Selon les auteurs de l’évaluation, il conviendrait de préciser les rôles des démultiplicateurs et de leur donner un caractère obligatoire. En effet, la plateforme ne dispose actuellement d’aucune stratégie déterminant quels acteurs et quels canaux s’adressent à quels groupes cibles. Mieux utiliser les structures cantonales de la Collaboration interinstitutionnelle pour diffuser les informations et faire connaître la Plateforme nationale contre la pauvreté dans les cantons paraît prometteur.
- Il importe que l’OFAS poursuive les travaux engagés en vue d’établir une structure de participation des personnes concernées par la pauvreté, ce qui inscrira la possibilité de codétermination au niveau national.
- Les trois thèmes prioritaires que sont « Choix et débuts professionnels », « Qualification des adultes » et « Pauvreté des familles » devraient être conservés. Il serait envisageable d’y ajouter des thèmes issus du monitoring de la pauvreté et de les approfondir.
Enfin, il faut souligner que le concept comme l’organisation de la plateforme ont fait leurs preuves. Les objectifs de prestations sont atteints, voire dépassés, et la plateforme présente un bon rapport coût/utilité. Le bilan des objectifs d’efficacité est mitigé, ce qui s’explique avant tout par le fait que la barre avait été placée très haut et que les ressources n’étaient pas suffisantes. Selon les auteurs de l’évaluation, l’impression générale est clairement positive. Au vu de la modestie des moyens engagés, de grands progrès ont été faits.
Bibliographie
Conseil fédéral (2024). Résultats et évaluation de la Plateforme nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté 2019–2024, 19 juin.
Dubach, Philipp (2024). Plateforme nationale contre la pauvreté : intensifier les partenariats, Sécurité sociale CHSS, 19 juin.
Stern, Susanne ; Rüegge, Bettina ; Wick, Alina ; Thomas, Ralph (2024). Évaluation de la Plateforme nationale contre la pauvreté. Sur mandat de l’OFAS. Aspects de la sécurité sociale. Rapport de recherche no 01/24.