Que font les jeunes en ligne ?

Selon une étude récente, deux tiers des jeunes de 11 à 15 ans en Suisse utilisent les réseaux sociaux quotidiennement, et un cinquième joue chaque jour aux jeux vidéo. Pour une minorité d’entre eux, cet usage est problématique.
Marina Delgrande Jordan
  |  18 juillet 2023
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Quand l’usage devient-il problématique ? (Alamy)

En un coup d’œil

  • En 2022, en Suisse, environ 82 % des jeunes de 11 à 15 ans étaient en ligne chaque jour, que ce soit pour se divertir, communiquer, apprendre ou s’informer.
  • Environ 20 % des jeunes de 11 à 15 ans jouaient tous les jours aux jeux vidéo et environ 65 % allaient tous les jours sur les réseaux sociaux.
  • On estime que des jeux vidéo sont utilisés de manière problématique par 3 % des joueurs et joueuses de 14 et 15 ans ; les réseaux sociaux par environ 7 % des jeunes de 11 à 15 ans.

En 2022, l’étude internationale Health-Behaviour in School-aged Children (HBSC) dédiée à la santé et aux comportements de santé des élèves de 11 à 15 ans a été conduite pour la 10e fois en Suisse (voir encadré).

Elle s’est penchée, entre autres, sur les comportements en ligne et l’usage problématique des jeux vidéo et des réseaux sociaux. On entend par « usage problématique » une perte de contrôle sur le temps investi dans ces activités, avec des répercussions négatives importantes pour la santé, les relations avec l’entourage proche et la scolarité.

La méthode en bref

L’étude internationale Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) est réalisée tous les quatre ans sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS-Europe). En Suisse, l’étude est conduite par Addiction Suisse depuis 1986 et financée par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et la plupart des cantons.

Il s’agit d’une étude de monitorage représentative au niveau national sur la santé et les comportements de santé des jeunes de 11 à 15 ans. En 2022, 857 classes de 5e à 9e années de programme (7e à 11e années HarmoS) ont été sélectionnées au hasard en Suisse, et 636 classes ont participé à l’enquête (9’345 élèves de 11 à 15 ans), soit un taux de participation de 74,2 %.

L’enquête est basée sur un questionnaire papier standardisé autoadministré, rempli en classe entre mars et juin 2022. La participation était volontaire (sur consentement des parents) et les réponses strictement confidentielles.

L’usage problématique peut, dans certains cas, aller jusqu’à l’addiction. La Classification internationale des maladies (CIM-11) inclut en effet le diagnostic du trouble (de type addictif) de l’usage des jeux vidéo. Elle n’inclut en revanche pas de diagnostic spécifique pour les réseaux sociaux. Un diagnostic de trouble addictif doit être posé dans le contexte clinique et ne peut dès lors être déduit des réponses données par les élèves à l’occasion d’une enquête populationnelle telle que HBSC.

En ligne pour se divertir, apprendre et communiquer

En 2022, en Suisse, environ 82 % des 11 à 15 ans étaient en ligne chaque jour, le genre ne jouant pas de rôle avec 81 % des garçons et 84 % des filles concernées. Environ 65 % utilisaient chaque jour les réseaux sociaux et quelque 48 % écoutaient chaque jour de la musique, la radio ou un podcast. Environ 20 % jouaient quotidiennement à des jeux vidéo et le même pourcentage regardait chaque jour des films ou des séries en streaming. Enfin, environ 10 % utilisaient Internet chaque jour pour faire leurs devoirs.

Les filles étaient plus nombreuses que les garçons à aller chaque jour sur les réseaux sociaux ou à écouter de la musique/radio/podcast. Jouer quotidiennement aux jeux vidéo était plus répandu chez les garçons.

Environ 17 % des 11 à 15 ans communiquaient en ligne presque toute la journée, c’est-à-dire chaque fois que cela est possible. Les filles étaient 19 %, les garçons 16 % (voir graphique).

Usage problématique des jeux vidéo …

Les jeux vidéo sont une source de divertissement et de plaisir pour de très nombreux jeunes. Ils leur permettent d’échanger avec leurs amis et de renforcer le sentiment d’appartenir à une communauté. Ces jeux sont aussi l’occasion de développer certaines aptitudes. En 2022, environ 20 % des 11 à 15 ans jouaient tous les jours aux jeux vidéo, avec une forte différence entre filles (8 %) et garçons (32 %). Cette activité a aussi certains revers.

En 2022, pour la première fois dans le cadre de l’étude HBSC, les 14 et 15 ans qui jouaient au moins occasionnellement aux jeux vidéo (soit 97 % des garçons et 64 % des filles environ) ont répondu à dix questions correspondant chacune à des signes pouvant évoquer un usage problématique. Environ 3 % des joueurs et joueuses de 14 et 15 ans ont vécu souvent au moins cinq de ces signes dans les 12 mois précédents et auraient ainsi un usage problématique.

S’agissant des signes les plus mentionnés, quelque 18 % de l’ensemble des 14 et 15 ans qui jouent aux jeux vidéo disent le faire souvent pour soulager une humeur négative, environ 13 % ont souvent des pensées en lien avec leurs jeux et environ 11 % ont souvent beaucoup joué malgré les conséquences négatives.

… et des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux (par exemple Whatsapp, Snapchat, Tiktok et Instagram) sont des espaces de socialisation au travers desquels les jeunes peuvent être spontanément en contact avec leur groupe de pairs. Ils leurs permettent de partager des informations et des idées, et de se tenir au courant des nouveautés ou des manifestations à venir. En 2022, 65 % des 11 à 15 ans allaient tous les jours sur les réseaux sociaux, les filles (68 %) étant un peu plus nombreuses que les garçons (61 %). Les réseaux sociaux aussi peuvent conduire à un usage problématique.

Sur une liste de neuf signes pouvant évoquer un usage problématique des réseaux sociaux, environ 7 % des 11 à 15 ans ont dit en avoir vécu au moins six dans les 12 mois précédents, les filles (environ 10%) étant bien plus concernées que les garçons (environ 4%). L’usage problématique est plus répandu qu’en 2018 (environ 4%), ce qui pourrait être en partie lié à la pandémie de COVID-19, qui sévissait encore en 2022.

A propos des signes les plus mentionnés, environ 45 % des 11 à 15 ans ont souvent utilisé les réseaux sociaux pour échapper à des sentiments négatifs, environ 40 % ont essayé d’y passer moins de temps sans y arriver, environ 21 % ont régulièrement remarqué ne pouvoir penser à rien d’autre, et le même pourcentage s’est régulièrement senti pas content car il voulait passer plus de temps sur les réseaux sociaux.

Des mécanismes préoccupants

Certains mécanismes technologiques intégrés par les développeurs à de nombreux jeux vidéo et réseaux sociaux renforcent la pression à être connecté quotidiennement. D’autres poussent aussi à y dépenser un maximum d’argent.

Il s’agit notamment des systèmes de bonus récompensant le nombre de jours d’utilisation consécutifs, ainsi que des loot boxes (boîtes à butin virtuelles) à contenus aléatoires payants que les jeunes peuvent acquérir en déboursant de modiques sommes d’argent. Ces loot boxes, qui présentent des caractéristiques propres aux jeux de hasard et d’argent, ne sont pas interdites, alors que la législation fédérale interdit les jeux de loterie aux moins de 16 ans et fixe à 18 ans la limite d’âge pour tous les jeux de hasard et d’argent en ligne et les jeux de casino.

La prévention est donc essentielle. La promotion des compétences médiatiques des jeunes comme des adultes, la diffusion de recommandations d’usage et l’accompagnement des professionnels amenés à travailler avec les jeunes et leurs parents jouent un rôle crucial. Il s’agit également de s’intéresser aux activités en ligne des jeunes et d’être disponibles pour en parler, par exemple au sujet de leurs jeux vidéo et des dispositifs d’achats qui s’y trouvent. Il est aussi utile de fixer un petit budget pour l’achat de contenus payants au moyen d’une carte prépayée.

Bibliographie

Delgrande Jordan, Marina; Schmidhauser, Valentine (2023). Comportements en ligne des 11 à 15 ans en Suisse – Situation en 2022 et évolution récente. Résultats de l’étude Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) (rapport de recherche No 154). Lausanne : Addiction Suisse.

Co-responsable du secteur recherche, cheffe de projet « HBSC Suisse », Addiction Suisse
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