Programme d’incitation : les aides financières s’inscrivent bien dans la durée

Conformément à la loi fédérale sur les aides financières à l’accueil extrafamilial pour ­enfants­, la ­Confédération alloue depuis 2003 des aides financières pour promouvoir la création ou le développement des structures ­extrafamilial. La dernière évaluation confirme que l’effet de ces aides financières fortement recherchées s’inscrit dans la durée.
Philipp Walker, Annick de Buman, Ursula Walther
  |  02 mars 2018
    Recherche et statistique
  • Enfants
  • Famille
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En 2003, la Confédération a mis en place un programme d’impulsion limité à seize ans visant à promouvoir la création de nouvelles places d’accueil extrafamilial des enfants. Des aides financières permettent de créer des structures d’accueil collectif de jour (SAJ) et des structures d’accueil parascolaire (SAP) ou de développer leur offre. Les SAJ reçoivent pendant deux ans un forfait qui ne peut dépasser 5000 francs par place et par an. Pour les SAP, l’aide est limitée à trois ans et à 3000 francs par place et par an.

Ces dernières années, le programme a fait l’objet de plusieurs évaluations, portant notamment sur les effets à long terme des aides financières, un élément majeur du programme. Les deux dernières enquêtes, réalisées respectivement en 2009 (Kägi et al. 2010) et 2013 (Walker/Baeriswyl 2014), s’étaient d’ailleurs déjà particulièrement intéressées à cet aspect. L’évaluation présentée ici fait, comme les précédentes, la distinction entre pérennité des structures et effets des aides au sens large. La pérennité signifie que les structures soutenues étaient toujours en activité au moment de l’évaluation. Et dans une optique plus large, les auteurs se sont penchés sur l’évolution de l’offre des structures (nombre de places d’accueil, horaires) et de sa qualité (p. ex. qualification du personnel, programmes spécifiques) dans la période suivant l’arrêt des aides financières, ainsi que sur les formes de financement pour lesquelles elles ont opté afin de compenser cet arrêt.

Méthodologie et procédure Comme en 2013, l’évaluation a pris la forme d’une enquête menée auprès des structures d’accueil soutenues. Toutes les structures pour lesquelles le versement des dernières aides financières remontait à au moins un an au moment de l’enquête, et qui avaient donc dû trouver d’autres sources de financement dans l’intervalle, ont été interrogées. Au total, le panel comptait 2302 structures, aléatoirement réparties en deux groupes. Le premier a reçu la version longue de l’enquête, qui comportait des questions détaillées sur les modifications survenues depuis l’arrêt des aides financières (questionnaire A « Effets à long terme »), et le deuxième, une version résumée, qui mettait l’accent sur la pérennité des structures (questionnaire B « Pérennité »). De plus, les responsables des structures ayant cessé leur activité ont été interrogés sur les raisons de cette fermeture (questionnaire C « Cause de la fermeture »).

Mis à part quelques petites adaptations, le questionnaire A est identique à celui de 2013, ce qui a permis de comparer les résultats des deux enquêtes. Lorsque le questionnaire n’a pas pu être remis au destinataire ou que les responsables n’ont pas répondu à l’enquête, les auteurs ont procédé à des recherches par téléphone ou sur Internet, ce qui leur a permis d’établir, pour toutes les structures, si elles étaient encore en activité ou si elles avaient fermé leurs portes.

Effets à long terme des aides financières Les effets ont été analysés dans trois domaines : le premier concerne la durabilité au sens strict (pérennité des structures), le deuxième les autres effets à long terme tels que le développement du nombre de places et le taux d’occupation de la structure, le financement et les modifications qualitatives de l’offre (effets au sens large), et le troisième porte sur les raisons pour lesquelles certaines structures ont dû cesser leur activité.

Pérennité des structures et évolution du nombre de places A fin 2015, 2302 structures avaient reçu la totalité des aides financières auxquelles elles pouvaient prétendre. Parmi celles-ci, 96 % des SAJ et 94 % des SAP étaient toujours en activité au moment de l’évaluation. Les structures reprises ou concentrées sont considérées comme poursuivant leur activité (cf. tableau T1). Sur l’ensemble des structures soutenues, seules 45 SAJ (4 %) et 61 SAP (6 %) ont fermé leurs portes.

Une large majorité des structures (92 % des SAJ et 87 % des SAP) toujours en activité ont pu augmenter ou maintenir le nombre de places proposées après la période de soutien. Seules 3 % des SAJ et 4 % des SAP ont dû réduire leur offre. L’évolution de l’offre de 5 % des SAJ et de 10 % des SAP n’est pas connue. Bien qu’elles aient augmenté leur nombre de places, 86 % des SAJ et 87 % des SAP ont vu leur taux d’occupation augmenter ou rester stable. Ce taux n’a diminué que dans 4 % des SAJ et 6 % des SAP. L’évolution du taux d’occupation de 10 % des SAJ et 7 % des SAP dans la période suivant l’arrêt des aides financières n’est pas connue.

Situation financière Les aides financières ont largement contribué à la création de nouvelles structures ou au développement de l’offre des structures existantes. Leur importance varie toutefois en fonction du type de structure. Quelque 60 % des SAJ indiquent que leur structure n’aurait pas pu être créée ou développée sans les contributions fédérales, et 9 % que la structure aurait pu être créée ou développée, mais avec une offre plus restreinte ou de moins bonne qualité. Seules 14 % indiquent que la structure aurait pu être créée ou développée avec la même offre et la même qualité sans aides financières.

Pour ce qui est des SAP, par contre, ces subventions ont une importance moindre. En effet, seules 30 % d’entre elles indiquent que leur structure n’aurait pas pu être créée ou développée sans aides financières, et 40 % qu’elle aurait pu être créée ou développée avec la même offre et la même qualité, même sans aides financières. Et 7 % auraient pu être créées et développées sans aides financières, mais avec une offre plus restreinte et une qualité moindre. Plusieurs de ces structures indiquent en outre que les subventions fédérales envoient un signal fort aux autorités locales ou à d’autres sources de financement.

Les aides financières ont surtout été utilisées pour couvrir les besoins de financement courant. A la fin de la période de soutien, 45 % des SAJ et 28 % des SAP les ont remplacées directement par d’autres sources de financement, en particulier par les contributions parentales, communales et cantonales (cf. graphique G1). L’augmentation des contributions parentales s’explique par un meilleur taux d’occupation de la structure (55 % des SAJ et 64 % des SAP) et une hausse des tarifs (60 % des SAJ et 95 % des SAP).

Près de 70 % des structures indiquent n’avoir dû prendre aucune mesure de réduction des coûts à l’arrêt des aides financières. Seules 16 % des SAJ et 8 % des SAP ont dû y avoir recours. Pourtant, 41 % des SAJ et 53 % des SAP indiquent avoir constaté un déficit, qui a même duré plusieurs années pour 27 % des SAJ et 45 % des SAP. Le questionnaire ne permet toutefois pas de savoir si ce déficit a dû être assumé par les structures elles-mêmes ou s’il était éventuellement couvert par une garantie des pouvoirs publics. Comme seules quelques structures ont fermé, on peut conclure que la plupart ont trouvé une manière de poursuivre leur activité sans aides financières malgré leurs difficultés.

Modification de l’offre La pérennité des structures n’est qu’un aspect des effets à long terme produits par les aides financières. Lorsqu’on constate, après la période de soutien, une forte dégradation des aspects qualitatifs tels que le nombre d’employés, les horaires ou les offres spécifiques, cela laisse à penser que les aides financières ont servi à lancer une offre qui n’est pas rentable. Mais, dans les faits, de nombreuses structures ont modifié leur offre à la fin de la période de soutien afin de mieux répondre aux besoins des parents :

  • augmentation de l’effectif (41 % des SAJ, 46 % des SAP) ;
  • personnel mieux qualifié (30 % des SAJ, 34 % des SAP) ;
  • ajustement des horaires (allongement des heures ­d’ouvertures notamment) ;
  • lancement ou développement d’offres spécifiques telles­ que les menus végétariens ou les programmes péda­go­giques spéciaux (35 % des SAJ, 16 % des SAP).

Structures ayant cessé leur activité De toutes les structures soutenues, 45 SAJ (4 %) et 61 SAP (6 %) ont fermé leurs portes. L’analyse montre qu’il s’agit principalement de structures associatives nouvellement créées. De plus, celles qui ne proposaient pas des tarifs indexés sur le revenu ont rencontré plus de difficultés financières que la moyenne. Et en ce qui concerne les SAJ, il s’agit plus fréquemment de petites structures. Pour les personnes interrogées, ces fermetures s’expliquent principalement par une faible demande et une trop forte concurrence. Le manque de personnel qualifié, la perte de locaux, les difficultés financières et, pour les SAP, l’introduction de l’horaire continu ou la fermeture d’une école ont aussi été cités. Seule une SAP a cessé son activité faute d’aides financières : sans soutien fédéral, elle a dû tellement augmenter ses tarifs que la demande a baissé.

conclusion Le bilan des effets à long terme des aides financières est positif, qu’il s’agisse de pérennité au sens strict ou des effets au sens large. Presque toutes les structures soutenues ont réussi à maintenir leur offre sans aides financières et poursuivent leur activité. En outre, plusieurs ont augmenté le nombre de places disponibles et amélioré leur taux d’occupation. Beaucoup ont également su réorienter leur offre pour mieux répondre aux besoins des parents. Seul un très petit nombre de structures ont dû cesser leur activité, et ce principalement en raison d’une demande trop faible ou d’une concurrence trop forte. La dernière évaluation confirme donc les résultats de l’évaluation précédente (2013).

Master of Science in Economics, 
conseiller principal, Ecoplan.
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Master of Science in Psychology, consultante d’Ecoplan (jusqu’en avril 2018).
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Master of Arts in Political Science, consultante d’Ecoplan.
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