En un coup d’œil
- Depuis 2001, le nombre d’indépendants assujettis à l’AVS en Suisse dans la classe d’âge des 18-63/64 ans a diminué de 6 %. Le nombre de femmes ayant le statut d’indépendant a en revanche augmenté de 36 % au cours de la même période.
- Les revenus provenant d’une activité indépendante inscrits sur les comptes individuels de l’AVS peuvent être très faibles sans nécessairement refléter le revenu réel.
- De nombreux indépendants sont également salariés. De plus, pour les personnes mariées, le revenu du partenaire s’ajoute au revenu du ménage.
Il est difficile de chiffrer précisément le nombre de travailleurs indépendants en Suisse. En effet, tout dépend de la définition utilisée. De plus, de nombreux indépendants sont également salariés (informations détaillées sur la manière dont le revenu des indépendants est comptabilisé sur les comptes individuels de l’AVS).
Dans un contexte international, la notion d’indépendant repose sur les définitions courantes sur le marché du travail. Elle est donc très large : un indépendant est quelqu’un qui travaille à son compte. Mais il peut également s’agir de personnes détenant la majorité du capital d’une société anonyme ou d’une société à responsabilité limitée (Sàrl), et qui sont donc « salariés » dans leur propre entreprise.
La définition du droit suisse des assurances sociales est plus stricte. Les indépendants travaillant pour leur propre compte sont les seuls à disposer d’une inscription comme indépendant sur leur compte individuel auprès d’une caisse de compensation AVS. Il s’agit pour la plupart de personnes travaillant seules dans une entreprise individuelle, et exerçant une activité de masseur, de physiothérapeute, de coach sportif, d’artiste, d’architecte, de médecin, etc. En revanche, l’AVS n’accorde pas le statut d’indépendant au fondateur d’une Sàrl ou d’une société anonyme.
C’est la définition stricte qui sera utilisée dans cet article. Les données présentées ci-après proviennent des comptes individuels de l’AVS qui serviront au futur calcul de la rente. Comme les données reposent sur les chiffres de la taxation définitive, seules les informations sur les indépendants jusqu’à l’année 2017 incluse sont disponibles. En 2017, les comptes individuels de l’AVS faisaient état de 296 200 personnes dont le revenu provenait d’une activité indépendante.
L’activité indépendante en important recul chez les hommes
Depuis le début des années 2000, le nombre d’indépendants inscrits à l’AVS a reculé : alors qu’ils étaient encore 314 000 à cotiser sur les comptes individuels en 2001, ils n’étaient plus que 296 200 en 2017, soit une baisse de 6 % (voir graphique 1). Au cours de la même période, le nombre de salariés entre 18 et 63/64 ans cotisant à l’AVS est passé de 4 à 5 millions, soit une augmentation de 25 %, et le nombre d’habitants de la même classe d’âge (population résidente permanente), de 4,6 à 5,4 millions, soit une hausse de 16 %.
La répartition par sexe montre que le nombre d’hommes exerçant une activité indépendante a fortement baissé par rapport à 2001 (-25 %). La tendance s’inverse chez les femmes, avec une augmentation de 36 %. Actuellement, elles représentent près de la moitié des indépendants.
La baisse constatée chez les hommes s’explique entre autres par la révision du droit de la Sàrl. En effet, depuis 2008, il est possible de fonder une Sàrl ou une société anonyme unipersonnelle. De nombreux indépendants ont probablement fait usage de cette possibilité, ce qui expliquerait le fort recul du statut d’indépendant chez les hommes. Ceux-ci seraient en réalité devenus salariés de leur propre entreprise, et auraient ainsi perdu leur statut d’indépendant auprès de l’AVS.
Le groupe des indépendants présente une structure d’âge différente de celui des salariés, puisqu’ils sont âgés en moyenne de 48 ans, soit 8 de plus que les salariés. En outre, plus d’un tiers des indépendants ont entre 50 et 60 ans, contre un cinquième seulement chez les salariés. À l’inverse, seuls 5 % des indépendants ont moins de 30 ans, contre un quart des salariés.
Ces deux groupes se distinguent également sur le plan de la nationalité : un tiers des salariés ont un passeport étranger, alors que ce chiffre est nettement inférieur (20 %) chez les indépendants.
Activité indépendante et activité salariée
En 2017, quelque 40 % des indépendants ont complété leur revenu par une activité salariée. Pour un quart d’entre eux, ce revenu était même plus élevé que celui de leur activité indépendante. Ce phénomène est particulièrement marqué dans la catégorie des revenus les plus bas (moins de 10 000 francs par an) : près de 60 % des indépendants avaient également un emploi, et dans presque la moitié des cas, le revenu soumis à l’AVS provenant de cet emploi était plus élevé que celui de l’activité indépendante (voir graphique 3).
Comme les données AVS portent sur l’ensemble de l’année de cotisation, il est difficile d’établir des statistiques sur le cumul d’emplois. Les données des comptes individuels permettent toutefois de déterminer si le revenu provient uniquement d’une activité indépendante ou si celle-ci est complétée par un salaire. Il est cependant impossible de savoir si ces activités ont été exercées en même temps ou successivement.
La répartition des revenus révèle qu’en 2017, le revenu soumis à l’AVS d’un tiers (89 900) des 296 200 indépendants était inférieur à 10 000 francs. Ce taux relativement élevé est principalement dû aux indépendants ne versant que la cotisation minimale à l’AVS. Un revenu bas « fictif » compris entre 9000 et 9500 francs leur sera attribué pour le calcul ultérieur de la rente.
Dans le groupe des revenus « fictifs » comme pour tous les autres indépendants, le revenu soumis à l’AVS est en général inférieur au revenu réel, puisque la déclaration fiscale offre de nombreuses possibilités de déductions (en particulier frais d’acquisition du revenu, amortissements et provisions, et versements personnels).
Prépondérance des faibles revenus
En 2017, la médiane des revenus soumis à l’AVS provenant d’une activité indépendante s’élevait à 26 000 francs, soit moins de 2200 francs par mois (voir graphique 4). Autrement dit, plus de la moitié des indépendants tirent un revenu très bas de leur activité. En comparaison, le revenu moyen, soit 59 300 francs par an, est deux fois plus élevé que le revenu médian. En effet, une part relativement importante (15 900) des indépendants assujettis à l’AVS appartiennent à la catégorie des revenus les plus élevés (par ex., les médecins). Le revenu annuel moyen qu’ils tirent de leur activité indépendante se monte à 390 000 francs.
Comme mentionné plus haut, en 2017, quelque 40 % des indépendants avaient également un emploi salarié. Ce revenu complémentaire, qui représente en moyenne 19 500 francs par an, était toutefois nettement inférieur au revenu moyen de 59 300 francs provenant de l’activité indépendante. Cet écart important s’explique notamment par le fait que près de 60 % des indépendants n’exercent pas d’activité salariée accessoire. Ce salaire complémentaire est le plus important (30 100 et 23 400 francs) dans les deux catégories de revenu les plus basses ; il diminue à mesure que le revenu provenant de l’activité indépendante augmente.
Comme la moitié des salariés et près de 60 % des indépendants sont mariés, il vaut la peine de s’intéresser aux revenus conjoints du couple. La statistique de la population (Statpop) permet d’identifier les couples d’indépendants et, en appariant ces données avec celles de l’AVS, de quantifier leur revenu soumis à l’AVS. Ces informations indiquent si les indépendants disposent d’autres revenus provenant d’une activité lucrative d’un éventuel conjoint, et lesquels. Toutefois, les revenus conjoints ne reflètent pas la situation financière des indépendants dans son ensemble. D’une part, il ne s’agit pas du revenu des ménages, puisque seuls les couples mariés sont pris en compte (et non les concubins) et que les autres types de revenus ne sont pas représentés. D’autre part, les données ne sont pas corrigées pour inclure les personnes qui dépendent potentiellement des deux revenus (par ex., nombre d’enfants).
En 2017, le revenu soumis à l’AVS de l’époux/épouse d’indépendants s’élevait en moyenne à 45 000 francs (voir graphique 4). Ce montant était plutôt supérieur à la moyenne, toutes catégories confondues, pour les indépendants appartenant aux catégories de revenus la plus élevée et la plus basse, alors qu’il était plutôt inférieur à la moyenne pour les catégories de revenus moyens. Pour la catégorie de revenus la plus faible, cela signifie que le revenu moyen provenant d’une activité indépendante, soit 9000 francs, est complété, en moyenne, par un salaire de 30 100 francs ainsi que par le revenu de 52 600 francs de l’époux ou de l’épouse.
Diversité des indépendants
En conclusion, il s’avère que, à l’inverse de ce que l’on constate pour les salariés et la population résidente permanente, le nombre d’indépendants assujettis à l’AVS a diminué au cours des dernières années. La révision du droit de la Sàrl, entrée en vigueur en 2008 permettant désormais de créer des sociétés de capitaux unipersonnelles a contribué à ce recul. Le revenu soumis à l’AVS de nombreux indépendants est relativement faible. Cela s’explique notamment par le fait que la catégorie de revenus la plus basse regroupe tous les indépendants qui n’ont versé que la cotisation minimale à l’AVS et auxquels on attribue donc un revenu fictif faible. De plus, les indépendants bénéficient de nombreuses déductions fiscales, ce qui a pour effet une sous-évaluation de leur revenu réel. Dernier élément mais non des moindres, les indépendants réalisant un faible revenu sont plus nombreux que la moyenne à occuper également un poste salarié et peuvent compter sur le revenu de leur époux ou épouse si nécessaire.
Les données des comptes individuels de l’AVS ne reflètent donc que partiellement la diversité des indépendants. Elles montrent toutefois clairement que ces derniers tirent leurs revenus de plusieurs types d’activités. Bien que la catégorie de revenus la plus basse comprenne un nombre élevé d’indépendants, cette attribution ne reflète pas nécessairement la situation financière réelle de ces derniers. Analyser plus précisément ce groupe nécessiterait un recoupement entre ces données et d’autres informations, telles que leur répartition par secteur économique.