En un coup d'oeil
- Le bureau de recherche Econcept a fait un inventaire systématique des conséquences de différents modèles de congé parental sur la base d’une analyse de la littérature.
- Un congé parental paritaire apporte plus d’effets positifs pour les familles que si les parents en choisissent la répartition.
- Les modèles de congé parental analysés favorisent notamment la réduction des inégalités liées au sexe dans la répartition des tâches ménagères et de care ainsi que dans l’activité lucrative.
Depuis quelques années, différents acteurs demandent un congé parental en Suisse. En effet, en comparaison internationale, les congés relatifs à une naissance en Suisse sont courts. Actuellement, les mères en Suisse ont droit à un congé de maternité de 14 semaines, tandis que l’autre parent a droit à 2 semaines. À l’inverse, les États de l’UE accordent aux mères en moyenne environ 66 semaines, tandis que la moyenne de l’OCDE se situe à environ 52 semaines (OCDE 2023).
La Commission fédérale pour les questions familiales (COFF) demande depuis longtemps l’introduction d’un congé parental de 38 semaines. Elle propose, en plus de l’interdiction de travailler de la mère pendant huit semaines, 15 semaines par parent. La mère pourrait transférer jusqu’à 7 semaines au père, mais pas l’inverse.
En novembre 2024, une alliance interpartis issue de la politique, de l’économie et de la société a lancé « l’initiative pour un congé familial ». L’initiative propose que chaque parent ait la même durée de congé (18 semaines), qui ne peut pas être transféré à l’autre parent.
Au niveau cantonal, la population de Genève a accepté en 2023 un projet pour un congé parental de 6 semaines. Le congé parental ne peut pas encore être mis en œuvre dans le canton de Genève, car cela requiert une modification du régime des allocations pour perte de gain (APG) qui relève de la compétence de la Confédération.
Analyse systématique
Sur mandat de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), le bureau de recherche Econcept a systématisé dans une analyse de la littérature les conséquences de différents modèles de congé parental (Econcept 2025), en réponse au postulat « Modèles de congé parental. Analyse économique globale (coûts-bénéfices) ». Le rapport de recherche montre dans quelle mesure et de quelle manière les coûts et les bénéfices de différents modèles de congé parental peuvent être comparés au niveau macroéconomique.
Au moyen de deux modèles de congé parental hypothétiques, les résultats de l’analyse de la littérature sont appliqués à la Suisse. Un premier modèle, paritaire, prévoit, en plus du statu quo, 11 semaines de congé supplémentaires pour chacun des parents. Un second modèle, modulable, consiste en 22 semaines supplémentaires de congé : les parents peuvent se répartir librement 16 semaines, tandis que 6 semaines sont expressément réservées à l’autre parent.
Le financement joue un rôle important pour l’estimation des coûts et des bénéfices. L’étude a fait les hypothèses suivantes : il est prévu, pour tous les modèles de congé parental, un financement et une indemnisation reposant sur le régime des APG et un taux de remplacement du revenu de 80 %.
Bénéfices pour les familles
Selon le modèle, un congé parental étendu peut avoir des effets positifs ou négatifs. La réduction de la charge que les mères assument serait bénéfique pour la santé des mères. Le congé parental aurait également un impact positif sur le développement des enfants, en particulier s’il dure moins d’un an.
Le congé parental pourrait également renforcer la stabilité du couple et le désir d’enfant, même si les résultats ne sont pas catégoriques à ce sujet. Un congé plus étendu pour les pères peut favoriser une répartition égalitaire des tâches ménagères et de care entre les parents et renforcer la relation entre l’enfant et le père, au moins pendant le congé.
Pour ce qui est de la participation au marché de l’emploi, on constate qu’un congé plus long, allant jusqu’à six mois pour les mères, favoriserait le maintien de ces dernières sur le marché du travail et les encouragerait ainsi à conserver une activité lucrative. Le recours au congé parental par les pères a en outre un effet positif sur l’activité lucrative et le revenu des mères.
Aujourd’hui déjà, les mères qui reprennent leur activité professionnelle le font environ six mois en moyenne après la naissance, comme on le constate à la lecture des chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS 2021 a). Les entreprises doivent actuellement trouver des solutions pour compenser les absences qui font suite aux 14 semaines du congé de maternité, ce qui augmente la charge liée à la planification et la fluctuation. Alors que les grandes entreprises peuvent y remédier et proposent déjà d’elles-mêmes un congé parental surobligatoire, les petites entreprises ne disposent souvent pas de telles possibilités financières.
En fonction du mode de financement d’un éventuel congé parental, il faut s’attendre à des coûts indirects élevés pour les entreprises. Un renchérissement des charges salariales aurait en outre des conséquences négatives sur le marché de l’emploi. Les difficultés, en particulier pour les petites entreprises, seraient plus importantes. Celles-ci devraient compenser d’une manière ou d’une autre les absences plus longues, comme c’est déjà le cas dans les secteurs essentiellement féminins. Répartition égalitaire des risques
Selon l’état actuel des connaissances, le congé parental n’aurait pas d’influence sur l’activité lucrative du père ou de l’épouse de la mère, mais pourrait temporairement faire baisser son revenu à court et à moyen terme. Différents effets pouvant intervenir, une analyse plus approfondie serait nécessaire pour estimer l’effet global du congé parental sur la valeur ajoutée, l’emploi, l’évolution démographique et les recettes fiscales. Mais cette analyse approfondie ne peut déployer ses effets que si les objectifs politiques poursuivis par l’introduction d’un congé parental sont clairement définis.
Parmi les bénéfices attendus d’une diminution des coûts, on peut citer en particulier la réduction des dépenses liées à la santé, aux prestations sociales et à l’éducation ; toutefois, les connaissances actuelles ne permettent pas de s’avancer à ce sujet. Le fait que l’autre parent bénéficie d’un congé plus long permettrait aussi à la mère de s’investir davantage dans son travail ou dans d’autres domaines extérieurs à la famille, tels que la politique ou le bénévolat, ce qui contribuerait à promouvoir l’égalité des sexes.
Cependant, il est actuellement impossible d’évaluer les potentiels effets positifs du congé parental en matière d’égalité sur le marché de l’emploi. Un congé parental contribuerait cependant dans une large mesure à ce que les risques de la parentalité soient davantage répartis entre les deux sexes et ne soient pas principalement supportés par les femmes.
L’ampleur des effets potentiels d’un congé parental dépendrait non seulement de la forme concrète que prendrait le congé, mais aussi de nombreux autres facteurs, tels que les conditions de l’accueil institutionnel des enfants.
Moins de bénéfices pour le modèle de congé modulable
Les modèles de congé parental modulable, contrairement aux modèles paritaires, permettent à l’un des parents de bénéficier des semaines de congé de l’autre parent. Un aperçu de tels modèles le montre : en pratique, ce sont surtout les mères qui prennent les semaines prévues pour l’autre parent et celui-ci ne bénéficie pas de la totalité des semaines auxquelles il aurait droit. Le modèle de congé parental paritaire a pour principal effet de limiter le transfert de semaines de congé de l’autre parent à la mère.
Par conséquent, le modèle paritaire est à plusieurs égards plus avantageux que le modèle modulable, par exemple concernant la santé des mères, la relation entre l’enfant et l’autre parent, la part de tâches ménagères et de care de l’autre parent, l’activité professionnelle et le revenu des mères, l’égalité de manière générale et l’égalité sur le marché de l’emploi.
En revanche, le modèle modulable a des effets négatifs moins importants que le modèle paritaire dans certains domaines, notamment les revenus de l’autre parent ou les charges salariales. Cela s’explique, entre autres, par la différence entre les indemnités journalières moyennes versées aux mères (139 francs en 2023) et celles versées aux pères (180 francs en 2023 ; Statistique des allocations pour perte de gain [statistique APG]).
Conséquences sur le choix du modèle familial
Si l’on prend en considération le travail rémunéré et non rémunéré, les mères travaillent presque autant que les pères. Il convient toutefois de relever que 66 % du travail des femmes est non rémunéré et 34 % rémunéré (OFS 2021b). Chez les hommes, ces proportions sont inversées. En Suisse, de nombreuses familles vivent selon le modèle traditionnel : dans ces ménages, le taux d’occupation des hommes est supérieur à 90 % et celui des femmes inférieur à 50 %, et ce sont ces dernières qui s’occupent des enfants et des tâches ménagères (Lütholf 2023). En Suisse, 38 % des parents vivent selon ce modèle. En comparaison, en Suède et en Allemagne, ils sont respectivement 15 % et 19 %.
Aujourd’hui, le fait que le père dispose, avec 2 semaines de congé, de moins de temps que la mère pour s’occuper de l’enfant après la naissance renforce, au moment même où la famille est fondée, la répartition ultérieure des tâches, à savoir que l’homme travaille et que la femme reste à la maison. Un congé parental paritaire permet aux deux parents qui le souhaitent d’avoir plus de temps qu’ils peuvent consacrer exclusivement soit à la garde des enfants, soit à l’activité professionnelle, en alternance avec l’autre parent. Leur liberté de choix est ainsi renforcée.
Effets difficilement mesurables
S’il est possible d’estimer les coûts directs de l’introduction d’un modèle concret de congé parental sur la base des actuels taux de remplacement du revenu, durée de perception et taux de perception des congés, les coûts indirects ainsi que les bénéfices directs et indirects, qui peuvent se manifester sur plusieurs décennies, restent au contraire difficilement quantifiables. Parallèlement, il faut noter qu’une part substantielle des coûts liés à la parentalité sont déjà bien réels. La plupart sont supportés directement par les familles, en particulier par les mères, et par les entreprises, mais aussi indirectement, par exemple sous la forme d’une augmentation des coûts de la santé et les dépenses sociales. Le fait que toutes les familles ne puissent pas se permettre de réduire leur activité professionnelle, et donc de voir leur situation économique se dégrader, peut avoir des répercussions négatives sur l’égalité des chances pour leurs enfants.
Tous les effets ne peuvent pas être convertis en chiffres ou en francs. Certains peuvent être exprimés en termes monétaires (revenu des mères), d’autres se traduisent en notions quantitatives (durée de l’allaitement) ou qualitatives (égalité).
Le processus politique se poursuit
Les objectifs à atteindre avec le congé parental jouent donc un rôle décisif. Un modèle concret de congé parental peut être élaboré en fonction des objectifs définis. Cela concerne par exemple le financement du congé parental, le montant de l’indemnité, le moment où il peut être pris ou la possibilité de prendre le congé parental de manière fractionnée. Aujourd’hui, le congé de maternité ne peut pas être interrompu, mais le congé de l’autre parent peut être pris sous la forme de journées. Une fois les objectifs clarifiés, il est possible de les prendre en compte, avec une pondération appropriée, dans le calcul des coûts et des avantages d’un modèle de congé parental concret. La définition des objectifs nécessite un processus politique qui évalue les intérêts de chacun à court, moyen et long terme.
En Suisse, il n’y a actuellement pas de majorité politique en faveur d’un éventuel congé parental.. Les clivages se situent entre autres le long des oppositions gauche-droite, ville-campagne et jeunes-personnes âgées. Savoir comment estimer et financer les investissements dans le domaine de la politique familiale est l’un des principaux aspects de ce débat.
Literaturverzeichnis
Conseil fédéral (2024). Bases empiriques et faisabilité d’une analyse macroéconomique coûts-bénéfices de différents modèles de congé parental. Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 21.3961.
Econcept (2025). Modèles de congé parental : analyse systématique des preuves empiriques et faisabilité d’une évaluation coûts-bénéfices macroéconomique. Étude mandatée par le Conseil fédéral, 20 décembre.
Lütolf, Meret ; Lüssi, Pierre (2023). Politique de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle égalitaire – Le modèle familial de référence de l’avenir. In : Familles et politique familiale en Suisse – Défis en 2040 (p.7-29). Berne : Commission fédérale pour les questions familiales.
OCDE (2023). Principales caractéristiques des dispositifs de congé destinés aux parents, Base de données de l’OCDE sur la famille.
OFS (2021a). Les familles en Suisse. Rapport statistique 2021