En un coup d’œil
- La part des placements réservée aux obligations dans le portefeuille des institutions de prévoyance a beaucoup diminué au cours des dix dernières années, en raison des faibles taux d’intérêt pratiqués jusqu’à récemment.
- Les institutions ont compensé l’accroissement du risque engendré par cette tendance en diminuant leurs promesses d’intérêts, entre autres choses.
- Après avoir régressé en 2022, le taux de couverture devrait remonter en 2023.
Pendant la période de faibles taux d’intérêt de ces dernières années, les obligations constituaient une catégorie de placement peu attrayante. Les obligations de la Confédération à dix ans ont même été rémunérées d’intérêts négatifs pendant une longue période (voir graphique 1). Le rendement de cette catégorie de placement ne suffisait plus à garantir la rémunération des avoirs de vieillesse au taux minimal prescrit par la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP).
Face à cette situation, les institutions de prévoyance avaient deux possibilités : soit réduire la part des obligations dans leur portefeuille, soit rechercher des investissements mieux rémunérés en augmentant par exemple la part des catégories à plus haut rendement comme les placements dans les infrastructures ou les hypothèques.
La plupart des institutions de prévoyance ont déployé les deux stratégies simultanément comme le révèle l’enquête annuelle de la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP). Ainsi, la part des obligations a chuté, tandis que celles de l’immobilier et des actions ont augmenté, de même que celles des placements alternatifs et des infrastructures (voir graphique 2).
L’évaluation des risques, un élément central de la gestion de portefeuille
Au vu de ces mutations, il est raisonnable de se demander comment a évolué le risque auquel s’exposent les institutions de prévoyance.
L’impératif commun à toutes les institutions est de placer leur fortune de sorte à être en mesure d’honorer leurs engagements. D’une part, cela signifie que, si le rendement réalisé sur la fortune est insuffisant, l’institution court le risque de ne plus pouvoir financer ses engagements, dont l’échéance peut se situer dans un futur lointain. Dans ce contexte, les placements à haut risque qui génèrent un rendement élevé sur le long terme permettent de réduire le risque d’insolvabilité sur la durée.
D’autre part, le taux de couverture, c’est-à-dire, le rapport entre sa fortune de prévoyance et ses engagements, est calculé chaque année. Lorsque ce rapport passe en dessous du seuil critique des 100 %, l’institution doit envisager de douloureuses mesures d’assainissement, ce qui revient à dire qu’une prise de risque trop élevée peut faire courir à une institution le danger de se trouver en grave découvert en fin d’année. En règle générale, la valeur des placements à faible rendement (comme les obligations) est plus stable que celle des placements à haut rendement (comme les actions). Une diminution de la part des obligations augmente donc le risque auquel est exposé un portefeuille.
Les obligations comportent également des risques
Il convient de mentionner que les caractéristiques des risques inhérents aux obligations se sont modifiées au cours des dernières années. La réaction des banques centrales face aux diverses crises a permis aux établissements émetteurs de souscrire à des prêts sur une durée plus longue à des taux avantageux et de recourir plus aux financements étrangers, augmentant ainsi le risque habituellement hébergé par les obligations. Même si les obligations restent un placement plus stable que les actions, l’écart entre les deux s’est sensiblement réduit.
La nouveauté est que les institutions de prévoyance investissent de plus en plus dans des titres non cotés en bourse dont la valeur repose sur des estimations suivant une tendance plus stable que les valeurs du marché. De ce fait, le risque associé à la valeur des obligations figurant au bilan des institutions tend à augmenter et celui associé aux valeurs non obligataires (comme les investissements privés), à diminuer.
Prendre en compte toutes les composantes de risque
Pour avoir une vue globale de la situation financière des institutions de prévoyance, il faut prendre en compte trois autres composantes de risque : le taux de couverture, la capacité d’assainissement et les promesses d’intérêt.
Un taux de couverture élevé ou une réserve de fluctuation de valeur peut servir de tampon permettant d’absorber les variations des valeurs du marché à court terme et d’éviter de se retrouver en découvert. En d’autres termes, plus le taux de couverture est élevé, plus le portefeuille d’une institution peut se permettre de comporter des placements à risque. En raison de la mauvaise performance des placements, le taux de couverture moyen des institutions en 2022 était inférieur à celui de 2014. Malgré cela, la plupart des institutions de prévoyance affichent un taux de couverture supérieur au seuil critique de 100 %.
Il ne faut pas oublier que la capacité d’assainissement d’une institution dépend également de la structure démographique de son effectif d’assurés. Si son effectif est presque entièrement constitué d’actifs, des cotisations d’assainissement relativement modestes ou une réduction limitée de la rémunération des avoirs de vieillesse suffiront à avoir un effet important sur le taux de couverture. La capacité d’assainissement des institutions est restée relativement stable en 2022 en comparaison à celle de 2014.
En ce qui concerne les promesses d’intérêt, toute institution de prévoyance enregistrée, quel que soit son taux de couverture, doit fournir les prestations minimales légales fixées dans la LPP. La baisse des taux d’intérêt a poussé de nombreuses institutions de prévoyance à diminuer leurs promesses d’intérêt – induites par le taux de conversion. Elles ont ainsi pu éviter de recourir à des placements encore plus risqués.
Rechercher l’équilibre, en permanence
Lorsque l’on prend en considération toutes les composantes de risque, on peut affirmer qu’en 2022, les institutions de prévoyance étaient exposées à un risque accru, en raison de la baisse du taux de couverture moyen. Mais si la tendance de cette fin d’année se confirme et si la bourse termine l’année 2023 à la hausse, le taux de couverture des institutions de prévoyance remontera également.
En conclusion, il faut retenir que les institutions de prévoyance doivent en permanence naviguer entre le risque d’un découvert temporaire et la nécessité de rester solvable sur le long terme. Pour maintenir cet équilibre, elles doivent continuellement s’adapter aux fluctuations d’un marché volatil. Dans cette perspective, il faut sans doute s’attendre à ce que la part des obligations dans le portefeuille des institutions de prévoyance croisse à nouveau en raison des taux d’intérêts plus élevés.
Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP)
La Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP) est une autorité de surveillance non soumise aux directives du Parlement et du Conseil fédéral. Elle veille à une pratique uniforme de la surveillance du deuxième pilier. Elle exerce la haute surveillance sur les huit autorités de surveillance régionales et peut émettre des directives à leur intention. La CHS PP exerce en outre la surveillance directe des fondations de placement, du Fonds de garantie et de l’Institution supplétive. De plus, elle est l’autorité d’agrément des experts en prévoyance professionnelle.
Depuis 2012, elle publie un rapport annuel sur la situation financière des institutions de prévoyance.