Le premier pilier se numérise

L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) promeut la numérisation du premier pilier et des allocations familiales avec plusieurs projets. La Centrale de compensation y joue un rôle clé.
Leila Lamti
  |  27 juin 2023
    Droit et politique
  • Général
La Centrale de compensation (CdC) à Genève (Adrien Barakat)

En un coup d’œil

  • Dans sa stratégie de numérisation du premier pilier et des allocations familiales, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) mise sur le « digital first ».
  • La Centrale de compensation (CdC) assure la mise en œuvre des projets de numérisation en étroite collaboration avec les organes d’exécution.
  • Tous les services numériques sont conçus en respectant les exigences nationales en termes de sécurité de l’information et de protection des données.

Une stratégie de transformation numérique et d’innovation (TNI) des administrations publiques et donc aussi des assurances sociales est aujourd’hui incontournable. L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), en tant qu’organe de régulation et de surveillance, a entre autres la responsabilité de veiller à ce que le système gagne en efficacité et en efficience et qu’il réponde aux attentes des assurés et des tiers (entreprises, médecins, experts médicaux de l’assurance invalidité, etc.) en termes de services numériques.

Le développement de ces services numériques est conçu en étroite collaboration avec la Centrale de compensation (CdC) et les organes d’exécution (OE). Que dit la stratégie de transformation numérique et d’innovation du 1er pilier et des allocations familiales, que prévoit-elle, que signifie-t-elle pour la surveillance et pour l’exécution et quels en seront les défis ?

« Digital first »

La vision TNI du 1er pilier et des allocations familiales repose sur quatre exigences fondamentales :

  • « Digital First » : les canaux numériques sont privilégiés pour l’échange d’information avec les assurés et les tiers. Le type de communication utilisé (langue, format et canal) dépend des besoins individuels, des exigences et des connaissances des personnes et organisations avec lesquelles existe une relation d’affaires.
  • Traitement simple, automatique et fiable : les processus métier sont optimisés dans le cadre des projets de numérisation afin de garantir un traitement le plus simple et le plus fiable possible des prestations des assurances sociales.
  • Fourniture de prestations allégée et efficace : la charge liée à la fourniture de services numériques est financée par les fonds publics et par les affiliés AVS (contributions aux frais d’administration payées aux caisses de compensation). Ces services devraient être fournis de manière aussi efficace et économique que possible. La transparence des coûts doit être garantie.
  • Sécurité de l’information et protection des données : une grande importance est attribuée à la protection des informations personnelles et à l’intégrité des données traitées.

Projets en cours

Pour la mise en œuvre de la stratégie TNI, plusieurs projets ont été lancés et sont en cours pour développer des systèmes nationaux d’information du 1er pilier et des allocations familiales et répondre aux besoins des assurés et des tiers.

L’un de ces projets est la Plateforme de traitement en ligne des factures de l’assurance invalidité AI. En complément aux formulaires papier, des portails cantonaux ont été mis en place permettant aux assurés de l’AI d’introduire des demandes de remboursement des prestations individuelles (appareil auditifs, frais de voyages, etc.). Grâce à cette solution, les délais de remboursement pour les assurés ont été réduits à une semaine (au lieu des deux mois d’attente enregistrés avant l’introduction de la solution). De plus, la charge administrative des offices AI et de la centrale de compensation, responsable des paiements, a été optimisée.

Dans le domaine des APG, les assurés et les employeurs interagissent avec les caisses de compensation pour le traitement des dossiers. Grâce au projet de numérisation en cours, une solution en ligne avec une identification numérique (E-ID) sera mise à disposition des assurés et des employeurs leur permettant de se renseigner et d’échanger en ligne avec les autorités pour le traitement des prestations APG. Cela permettra également de remplacer les échanges papier entre les différents acteurs par des échanges électroniques et ainsi d’améliorer la qualité de traitement et de réduire les coûts et les délais d’exécution.

En matière de cotisations AVS, un projet prévoit de permettre aux assurés d’accéder plus facilement à un aperçu de ce qu’ils ont versé. Le projet Mosar prévoit un accès en ligne aux extraits de comptes individuels (voir encadré).

Un autre projet prévoit une plateforme numérique d’échange entre les médecins de l’AI et les offices AI. Le but est d’améliorer la communication avec les médecins traitants et d’accélérer les processus de traitement des dossiers.

Enfin pour conclure cette liste non exhaustive, un projet vise à mettre en place une plateforme d’assurance sociale électronique (« Plateforme en ligne des assurances sociales »). Ce portail en ligne permettra aux assurés et aux tiers d’interagir avec toutes les assurances sociales du 1er pilier et des allocations familiales moyennant une identité numérique unique. Grâce à cette identité numérique (E-ID), toute la panoplie de services numériques disponibles ou en cours de développement (tels que ceux évoqués ci-dessus) sera réunie sous le même toit, indépendamment de l’organe d’exécution concerné. Un système de routage dirigera la demande vers l’organe d’exécution concerné qui se chargera de la traiter et d’échanger avec les assurés et les tiers. Un prototype permettant ces échanges entre le portail central et celui des caisses de compensation a été réalisé grâce au financement par l’administration numérique suisse, organisation co-financée par la Confédération et les cantons.

Afin de répondre aux différentes exigences de ces projets de numérisation, les bases légales permettant d’encadrer la communication numérique dans les assurances sociales du 1er pilier et des allocations familiales seront adaptées. Ces adaptations font l’objet d’un projet de révision de loi.

Projet d’accès en ligne aux extraits de comptes individuels (Mosar)

Le système actuel fonctionne ainsi : pour chaque personne soumise à l’obligation de cotiser, l’AVS tient un compte individuel dans lequel sont enregistrés tous les revenus et les périodes de cotisation qui servent de base au calcul de la rente de vieillesse, de survivant ou d’invalidité. La mise en œuvre incombe à quelque septante caisses de compensation dans toute la Suisse. Chaque caisse tient un compte individuel au nom de la personne assurée. En raison de cette structure décentralisée, une demande d’extrait peut durer quelques jours. De plus, et en l’absence d’une solution d’identification et d’authentification en ligne, ces données sont envoyées en papier par voie postale.

Afin de numériser ce processus, un projet a été lancé par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), en étroite collaboration avec les caisses de compensation et la Centrale de compensation (CdC) afin de rassembler plus rapidement les contenus des comptes individuels à travers une copie centrale tenue par la CdC. Une fois les données centralisées, un accès en ligne moyennant une identité numérique (E-ID) permettra à l’assuré d’accéder à ses données d’une manière autonome et sécurisée.

Cette première étape permettrait d’offrir de nouveaux services en ligne, comme par exemple le calcul prévisionnel de rente en ligne. Ces réflexions sont également faites dans le cadre de la participation de l’OFAS au projet d’innovation Innosuisse de la Haute école spécialisée de Genève. Ce projet prévoit de développer un prototype d’application pour projeter l’évolution de l’avoir de vieillesse dans différents scénarios en fonction des situations de vie. De telles initiatives permettraient de sensibiliser les jeunes parents, par exemple, au thème de la prévoyance vieillesse.

Rôle de l’OFAS

Les adaptations légales approuvées par le Parlement dans le but de moderniser la surveillance dans le premier pilier ont induit une révision des tâches de l’OFAS et la création de nouvelles tâches :

Financement des systèmes d’information communs du 1er pilier et des allocations familiales : la base légale en vigueur pour le financement de systèmes d’information communs a été adaptée (cf. art. 95, al. 3, let. a P-LAVS). Seuls pourront encore être financés à la charge du Fonds de compensation de l’AVS/AI/APG des systèmes d’information utilisables à l’échelle suisse, développés et exploités par la CdC. Les organes d’exécution seront étroitement associés à leur développement et à leur exploitation. Cela garantira l’intégration des différents projets dans une stratégie globale de pilotage des systèmes d’information utilisables à l’échelle suisse (stratégie TNI). La nouvelle disposition permet de financer non seulement le développement, mais aussi l’exploitation de ces systèmes.

Échange électronique de données : dans le domaine du 1er pilier et des allocations familiales, l’OFAS est désormais habilité à réglementer l’échange électronique de données, non seulement entre les OE et la CdC mais tous les échanges électroniques des OE entre eux et avec les autres assureurs. Il s’agit de garantir l’efficacité, la sécurité et le caractère économique de l’échange électronique de données, ainsi que son acceptation par toutes les parties impliquées (cf. art. 76a P-LPGA).

Sécurité de l’information et protection des données : les organes d’exécution doivent veiller à ce que leurs systèmes d’information présentent la stabilité nécessaire et garantissent la sécurité de l’information ainsi que la protection des données. À cet effet, l’autorité de surveillance est habilitée à édicter des exigences relatives à la sécurité de l’information et à la protection des données et de contrôler leur respect.

Dans ce contexte, l’OFAS a le rôle d’élaborer la stratégie TNI, de piloter et de contrôler sa mise en œuvre en étroite collaboration avec la Centrale de compensation et les organes d’exécution.

Rôle de la CdC et des organes d’exécution

La Centrale de compensation (CdC), en tant qu’organe central d’exécution du 1er pilier et unité de la Confédération, a révisé sa stratégie TNI en 2022. L’objectif central de la CdC est de se positionner en tant que prestataire de services numériques nationaux pour les assurances sociales du 1er pilier et les allocations familiales.

Les organes d’exécution en contact avec les assurés et les tiers continueront à traiter leurs demandes. Grâce aux services numériques mis en place d’une façon centrale et standardisée, ils pourront optimiser leurs coûts d’administration et ainsi innover en intégrant de nouveaux services dans leurs propres portails de services.

Une structure complexe, un défi

L’organisation décentralisée du premier pilier avec un système de financement hybride de l’informatique et des compétences multiples des acteurs représente un défi de taille pour mener à bien les efforts de digitalisation. Les acteurs impliqués dans l’exécution des assurances sociales sont des organisations publiques ou privées, qui assument des tâches en parallèle ou de manière subsidiaire. Ils sont souvent réunis au sein d’organisations faîtières et/ou de groupements pour assurer la coordination et assumer des tâches conjointes. La complexité de cette organisation constitue un réel défi institutionnel pour parvenir à des objectifs partagés.

Responsable IT Management, Office fédéral des assurances sociales (OFAS)
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