En un coup d’œil
- Alors qu’environ 80 % des femmes indépendantes ont perçu une allocation pour perte de gain liées au COVID-19, la part des hommes n’était que de 35 %.
- La différence s’explique principalement par des différences de représentation des sexes dans les secteurs et par des différences de revenus.
- Les aides financières ont été perçues plus souvent que la moyenne dans les branches des services, comme la coiffure.
Soucieux des conséquences économiques de la crise sanitaire, le Conseil fédéral a entre autres mis en place l’allocation pour perte de gain liée au COVID-19 (APG COVID-19). Entre mars 2020 et juillet 2022, cette allocation indemnisait les ayants droit exerçant une activité indépendante ou salariée à hauteur de 80 % du revenu soumis à la cotisation avant la pandémie. Le montant maximal s’élevait à 196 francs par jour. Les mesures ont été adaptées à plusieurs reprises au cours de la pandémie.
L’APG COVID-19 s’adressait essentiellement aux indépendants qui ne pouvaient plus exercer leur activité en raison de fermetures forcées ou d’interdictions de manifestations, ou dont le chiffre d’affaires chutait en raison des mesures imposées par les autorités. L’allocation s’adressait aux indépendants assujettis à l’AVS, c’est-à-dire aux indépendants travaillant pour leur propre compte dans une entreprise individuelle, exerçant par exemple une activité de masseur, de physiothérapeute, de coach sportif, d’artiste, d’architecte, de médecin, etc. Contrairement aux employés, ils ne pouvaient pas bénéficier d’assurances classiques telles que l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, raison pour laquelle une nouvelle prestation a été introduite : l’APG COVID-19.
En outre, les indépendants (et les salariés) avaient également droit à une allocation dans d’autres cas : par exemple en cas de quarantaine imposée, lorsque la garde des enfants n’était plus assurée en raison de la fermeture des écoles ou lorsqu’une personne ne pouvait plus exercer son travail en raison d’un risque pour sa santé. Les cadres employés dans leur propre entreprise avaient aussi droit à une allocation à certaines conditions. Ces cas ne sont pas pris en compte dans ce qui suit.
Au total, la Confédération a versé des APG COVID-19 à hauteur de 4 milliards de francs pendant la pandémie, dont 2,8 milliards pour les indépendants susmentionnés.
Données 2017 sur les indépendants
L’analyse se fonde d’une part sur les données individuelles des APG COVID-19 et d’autre part sur les données des comptes individuels de l’AVS (données CI). Alors que les données des bénéficiaires de l’APG COVID-19 se réfèrent aux années de pandémie 2020 à 2022, les données CI, qui représentent l’ensemble des indépendants en Suisse, s’appuient sur l’année 2017. Le nombre de cette catégorie de population ne correspond donc pas tout à fait au nombre d’indépendants pendant la pandémie. Compte tenu des tendances antérieures, on peut supposer que le nombre total des indépendants a légèrement diminué depuis 2017. La raison de ce recours à des données plus anciennes est que les taxations définitives des indépendants sur laquelle se basent les inscriptions dans les comptes individuels ne sont souvent disponibles que des années plus tard.
Entre mars 2020 et juin 2022, 139 000 indépendants assujettis à l’AVS ont perçu des APG COVID-19. En 2017 (année de comparaison pour les raisons évoquées plus haut), 57 % d’entre eux ont gagné leur revenu en tant qu’indépendants, 14 % en tant que salariés et 23 % sous une forme mixte. En 2017, les 5 % restant des bénéficiaires de l’APG COVID-19 étaient soit âgés de moins de 18 ans, soit sans activité lucrative, soit bénéficiaires d’indemnités journalières, soit pas encore domiciliés en Suisse ou sans activité lucrative en Suisse.
En 2017, les comptes individuels de l’AVS recensaient au total 271 000 personnes de plus de 18 ans avec un revenu d’une activité indépendante supérieur ou égal à 10 000 francs. Si l’on compare les 139 000 indépendants qui ont perçu des APG COVID-19 avec ce total, on observe qu’environ la moitié des indépendants dont le revenu annuel est de 10 000 francs ou plus ont bénéficié d’APG COVID-19.
Taux de bénéficiaires plus élevé chez les femmes
La différence entre les sexes est frappante : alors que pour les hommes indépendants, la part des bénéficiaires des APG COVID-19 était de 39 %, elle était près de 80 % pour les femmes, soit plus du double (voir G1). En chiffres absolus, les femmes ont également plus bénéficié des APG COVID-19 que les hommes (76 000 contre 64 000), et ce bien que les hommes représentent près de deux tiers des indépendants.
La grande différence entre les hommes et les femmes est principalement liée à la répartition des sexes dans les différents secteurs ainsi qu’aux différences de restrictions COVID par secteur. Ainsi, la part des femmes dans l’agriculture et la sylviculture, où travaillent la plupart des indépendants (18 %), est très faible : seuls 12 % des indépendants sont des femmes – et seuls 4 % des indépendants dans l’agriculture et la sylviculture ont bénéficié d’APG COVID-19. Dans la construction, où la part des femmes est encore plus faible (3 %), le taux de bénéficiaires des APG COVID-19 était également inférieur à la moyenne.
À l’inverse, la part des bénéficiaires des APG COVID-19 est supérieure à la moyenne dans certains secteurs où les femmes étaient surreprésentées et qui ont été fortement impactés par les mesures contre le COVID-19. L’effet est le plus marqué dans le secteur « autres services », qui comprend entre autres les coiffeurs et coiffeuses. Dans ce secteur, où sont actifs 10 % des indépendants, la part des femmes atteint 81 % et le taux de bénéficiaires des APG COVID-19 est de 78 % (voir G3). Une image similaire, bien que moins prononcée, apparaît également dans le deuxième secteur « Santé et affaires sociales ».
Plus de bénéficiaires que la moyenne pour les plus de 64 ans
On constate que, dans l’ensemble, la répartition par âge des bénéficiaires des APG COVID-19 suit la répartition de l’ensemble des indépendants, tant pour les femmes que pour les hommes. Cependant, l’âge a une influence sur la proportion des personnes ayant bénéficié des APG COVID-19. Ainsi, les indépendants âgés de 40 à 56 ans ont eu assez peu recours aux aides financières, tandis que les personnes plus âgées y ont relativement souvent fait appel dans les deux années suivant l’âge ordinaire de la retraite.
L’explication de la perception supérieure à la moyenne des personnes âgées de 64 à 67 ans réside probablement dans le fait que le droit aux APG COVID-19 n’expirait à l’âge ordinaire de la retraite. Ce groupe a ainsi eu peu d’incitation à abandonner leur activité lucrative.
Les bénéficiaires des APG COVID-19 ont des revenus plus faibles
Un autre constat de cette analyse est que les personnes à faible revenu ont plus souvent demandé des APG COVID-19 que les personnes à haut revenu. Étant donné que les femmes ont tendance à avoir des revenus de l’activité indépendante plus faibles que les hommes, ce constat renforce la différence entre les sexes. Il faut toutefois noter que beaucoup de femmes perçoivent un revenu en tant que salariées en plus de leur revenu d’indépendant et que le revenu considéré n’est pas ajusté en fonction du taux d’occupation.
Au total, la part des bénéficiaires d’APG COVID-19 est plus élevée chez les femmes que chez les hommes dans presque toutes les classes de revenus – elle est même deux fois plus élevée pour les revenus allant jusqu’à 100 000 francs. Au-delà de ce montant, une égalisation s’opère lentement et, à partir d’environ 130 000 francs, la part des femmes et des hommes qui bénéficient des APG COVID-19 est identique.
Même si le niveau est différent, l’évolution de la part des bénéficiaires avec l’augmentation du revenu suit le même schéma pour les femmes et les hommes. Le taux des APG COVID-19 augmente pour les revenus allant jusqu’à 50 000 francs, puis diminue ensuite régulièrement. Pour les revenus de 150 000 francs et plus, la part des bénéficiaires s’élève à moins de 5 %.
La différence entre les sexes dans les bas revenus est particulièrement prononcée : dans la catégorie des revenus annuels soumis à l’AVS entre 10 000 et 20 000 francs, près de la moitié des femmes indépendantes bénéficiaient d’une APG COVID-19 (voir G4), contre seulement un quart des hommes. Plus de 25 % des femmes indépendantes assujetties à l’AVS et 15 % des hommes indépendants assujettis à l’AVS appartiennent à cette catégorie, avec un revenu minimum de 10 000 francs.
Pour les revenus plus élevés, c’est exactement l’inverse : alors que plus de la moitié des hommes ont un revenu soumis à l’AVS de plus de 50 000 francs, cette proportion est d’environ 30 % pour les femmes. Et ce, bien que dans cette catégorie de revenus, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à gagner un revenu en tant que salariées en plus de leur activité indépendante. Il apparaît que les femmes ne compensent pas le faible revenu de l’activité indépendante par un revenu d’une activité salariée plus que les hommes, mais que le faible revenu des indépendantes est souvent complété par le revenu du conjoint.
Résultats provisoires
Pour simplifier, on peut donc dire premièrement que les indépendants qui ont été fortement touchés par les mesures COVID-19 sont ceux qui ont le plus souvent perçu des APG COVID-19. Les secteurs fortement touchés étaient les services personnels, l’hébergement, l’éducation et l’enseignement (professeur de yoga ou de musique, etc.) ainsi que l’art, le divertissement et le commerce (magasins de biens non essentiels). Deuxièmement, les APG COVID-19 ont été d’une grande importance pour les indépendants assujettis à l’AVS avec un faible revenu, particulièrement pour les femmes.
Cependant, l’analyse n’a pas porté sur la durée pendant laquelle une personne a bénéficié des allocations, ni sur la question de savoir si l’allocation a permis à son bénéficiaire de poursuivre l’activité indépendante après la fin des mesures COVID-19. Ces aspects devraient être analysés ultérieurement de manière approfondie. Des données complètes sur les revenus des indépendants assujettis à l’AVS pour les années dès 2022 seront disponibles au plus tôt en 2028.